contrats première embauche
Question de :
M. François Hollande
Corrèze (1re circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 26 janvier 2006
CONTRAT PREMIERE EMBAUCHE
M. le président. La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste.M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, depuis quatre ans, le chômage des jeunes ne fait que progresser et votre politique en est responsable. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est vous qui avez supprimé les emplois jeunes. C'est vous qui avez abandonné le programme TRACE. C'est vous qui avez multiplié les exonérations de cotisations sociales pour les employeurs sans aucune contrepartie.
Aujourd'hui, vous annoncez un nouveau contrat, le contrat première embauche, qui n'est que la généralisation du contrat nouvelle embauche et sera pour tout jeune, si votre texte passe, la seule formule d'entrée sur le marché du travail. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'en est terminé de toutes les autres CDD et CDI. Ce contrat pourra être interrompu par l'employeur à tout moment, pour tout motif et sans aucun recours. C'est un contrat révocable à chaque instant.
M. Guy Geoffroy. Caricature !
M. François Hollande. Vous nous dites qu'il y aurait là de la stabilité ?
C'est la précarité organisée ! Si vous considérez que c'est un progrès, et vous avez le droit de le penser (" Oui ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), laissez-moi alors vous poser trois questions. (" Vous n'avez droit qu'à une question ! " sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Si vous étiez sûr de vous, monsieur le Premier ministre, pourquoi n'avez-vous pas engagé une concertation avec les partenaires sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Jean Le Garrec. Tout à fait !
M. François Hollande. C'est d'ailleurs prévu par la loi Fillon, que votre majorité a votée : toute législation en matière de droit du travail doit être précédée d'une concertation. Celle-ci n'a pas eu lieu. Et pourquoi ? Parce que tous les syndicats sont hostiles - et ce n'est pas si facile d'obtenir leur unanimité - à ce démantèlement du droit du travail.
Monsieur le Premier ministre, si vous étiez aussi sûr de vous, auriez-vous pris la mesure d'urgence qui a été la vôtre ? Auriez-vous fait agir par voie d'amendement votre gouvernement pour introduire le contrat première embauche ? Auriez-vous organisé le débat parlementaire de telle façon qu'il coïncide avec les vacances scolaires et universitaires, tout simplement parce que vous avez peur de la jeunesse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Enfin, pourquoi, monsieur le Premier ministre, avez-vous renoncé à votre propre engagement ? Ici même, vous nous disiez qu'il n'était pas question de généraliser le contrat nouvelle embauche avant d'en avoir fait l'évaluation... Où est cette évaluation ? (" Ça marche ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Aujourd'hui, on propose la généralisation du contrat nouvelle embauche à tous les jeunes de moins de vingt-six ans, mais qu'on ne s'y trompe pas : c'est une mesure discriminatoire qui prépare la généralisation de ce contrat à tous les salariés.
Alors, monsieur le Premier ministre, où est le progrès ? Moi, je vais vous le dire : pour vous, il est dans la précarité, des jeunes aujourd'hui, de tous demain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Pierre Blazy. Ça va être dur !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Je ne suis pas là pour me faire plaisir, et, monsieur Hollande, la politique, ce n'est pas la rhétorique. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est pour cela que je veux vous inviter, pendant quelques minutes,...
M. François Hollande. C'est un contrat nouvelle embauche !
M. le Premier ministre. ...à regarder ensemble la réalité de notre pays et la situation des jeunes.
M. François Hollande. Oui, mais il faut répondre !
Mme Martine David. Répondez aux questions !
M. Jean Glavany. Les jeunes, on en reçoit dans nos permanences tous les jours ! Pas vous !
M. le Premier ministre. La politique a toujours pour point de départ la réalité. Quelle est-elle pour les jeunes ? C'est un enchaînement de stages, de CDD, dont la majorité sont de moins d'un mois, de longues périodes d'inactivité.
M. Jean-Louis Idiart et M. Christian Bataille. Quatre ans de pouvoir !
M. le Premier ministre. C'est cela qui est inacceptable ! Et savez-vous combien de temps dure cette précarité ? Pas un an, pas deux ans ; elle dure entre huit et onze ans ! Cela veut dire qu'un jeune, dans notre pays, ne rentre véritablement dans la vie professionnelle qu'après l'âge de trente ans.
M. Henri Emmanuelli. Vous avez connu ça, vous !
M. le Premier ministre. Cela fait vingt ans que cela dure ! C'est cela la précarité. C'est une réalité qui nous concerne tous,...
Mme Martine David. Pas tous ! Vous !
M. le Premier ministre. ...nous, responsables politiques, et les jeunes au premier chef, les parents, les grands-parents, toute la nation. C'est pourquoi nous devons apporter une réponse. Face à cette réalité, pouvons-nous rester les bras croisés ? (" Non ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Venons-en à vos questions.
Le dialogue social, je l'ai engagé dès le premier jour de mon arrivée au Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pour préparer mon discours de politique générale et, depuis, je n'ai pas cessé de le pratiquer : dialogue direct, officiel,...
Mme Martine David. Mensonge !
M. le Premier ministre. ...rencontres informelles, et ce tout le temps, monsieur Hollande ! (" Non ! " sur les bancs du groupe socialiste.) C'est la règle que je me suis fixée et que je m'impose.
M. Yves Cochet. Et pour la banlieue ?
M. le Premier ministre. Face à chaque difficulté de nos compatriotes, je veux apporter une solution. Cela nous change des idéologies et des politiques qui sont les vôtres. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Henri Emmanuelli. Vous, c'est l'idéologie du MEDEF !
M. le Premier ministre. Le jeune qui arrive sur le marché du travail est d'abord confronté à l'offre qui lui est faite, c'est-à-dire à des stages. Mais ces stages, nous les encadrons, nous les rémunérons au-delà de trois mois et nous les intégrons dans le cursus universitaire. Nous partons, là encore, de la réalité : l'alternance, l'expérience de la vie de l'entreprise. Partout en Europe, nous constatons que l'alternance change la vie du jeune et lui permet d'entrer sur le marché du travail. Nous allons donc développer l'alternance, amener les entreprises à recruter davantage d'apprentis, en nous fixant un objectif. Et comme ce n'est pas suffisant, nous avons décidé de créer un contrat spécifique qui prend en compte la situation des jeunes dans notre pays : un contrat anti-précarité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), qui consolide l'emploi sur deux ans et qui prévoit des garanties qui n'ont jamais été apportées aux jeunes et auxquelles vous n'avez vous-même jamais pensé (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...
M. Henri Emmanuelli. C'est faux !
M. le Premier ministre. ...pas plus qu'aujourd'hui vous ne me proposez de solution.
François Hollande, avez-vous mémoire que, depuis huit mois que je suis à Matignon, je vous ai reçu à plusieurs reprises dans mon bureau, avec un certain nombre de vos collègues ? M'avez-vous fait une seule proposition sur les jeunes ? (" Oui ! " sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ne serait-ce qu'une seule ? Jamais ! (Mêmes mouvements.)
Alors que moi, j'apporte des réponses et des garanties. Mon gouvernement apporte une garantie sur la formation...
Mme Martine David. Ce n'est pas vrai !
M. le Premier ministre. ...puisque dès la fin du premier mois est ouvert un droit à la formation, ce qui veut dire que le jeune pourra développer son apprentissage des langues étrangères et ses connaissances informatiques. Ça n'avait jamais existé. Nous lui ouvrons aussi le droit à une indemnité chômage dès le quatrième mois, pour deux mois. Cela non plus n'avait jamais existé.
En outre, François Hollande, parce que nous, nous avons les deux pieds sur terre...
M. Albert Facon. Mais vous avez la tête dans les nuages !
M. le Premier ministre. ...et que nous nous préoccupons de la vie quotidienne, nous apportons une réponse aux jeunes pour l'accès au crédit et au logement. La Fédération bancaire française reconnaît le contrat nouvelle embauche et le contrat première embauche comme un véritable CDI avec une vraie rémunération.
M. Albert Facon. Et le MEDEF ?
M. le Premier ministre. Enfin, vous m'avez demandé, dans votre dernière question, si je généralisais le CNE. Toutes les garanties dont je vous ai parlé...
M. Maxime Gremetz. Arrêtez !
M. le Premier ministre. ...sont apportées spécifiquement aux jeunes, compte tenu de leurs difficultés.
M. François Hollande. Ce n'est pas ce qui est écrit dans le journal.
M. le Premier ministre. Mais vous avez vite fait de généraliser, hâtivement, parce que la vérité est que toutes ces questions vous ont peu occupé au cours des dernières années (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste)...
M. Daniel Vaillant. Zéro !
M. le Premier ministre. ...et qu'il serait temps que vous regardiez la réalité en face.
Nous avons rendez-vous (" En 2007 ! " sur plusieurs bancs du groupe socialiste) tous les mois, pas uniquement en 2007 mais à la fin de chaque mois, avec les chiffres du chômage ! Je prends rendez-vous avec vous à la fin du mois et de tous les autres mois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Mme Martine David. À bientôt !
Auteur : M. François Hollande
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Emploi
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 janvier 2006