porte-avions Clemenceau
Question de :
Mme Patricia Adam
Finistère (2e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 22 février 2006
PORTE-AVIONS CLEMENCEAU
M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, pour le groupe socialiste.Mme Patricia Adam. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Les multiples ronds dans l'eau du Clemenceau et les incompétences gouvernementales qu'ils ont révélées (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ont ridiculisé la France.
Le navire revient maintenant à Brest, port qui l'a fait naître il y a cinquante ans. Les élus de Brest auraient d'ailleurs apprécié d'être informés par vous-même, monsieur le Premier ministre, plutôt que par les médias. Il est vrai que votre autoritarisme et votre refus du dialogue ne nous étonnent même plus.
Alors que le Conseil d'État a qualifié notre ancien fleuron de la marine de " déchet dangereux ", nous apprenons que vous auriez été informé depuis de long mois de l'impossibilité de transférer le Clemenceau en Inde. Qu'en est-il de votre responsabilité personnelle ?
M. Jean-Marc Nudant. Et de la vôtre ?
Mme Patricia Adam. Cette affaire a été gérée lamentablement.
M. Yves Bur. C'est vous qui en êtes responsables !
Mme Patricia Adam. Mais elle a aussi mis en lumière les questions complexes de dépollution, de démolition et de recyclage des navires en fin de vie, qu'ils soient civils ou militaires. Nous le savons, seule l'action des États et des organisations internationales permettra l'adoption de règles et d'instruments efficaces. Nous devons notamment faire cesser les abus contre les hommes et l'environnement commis sous pavillon de complaisance.
La France doit être force de proposition. Agissez, monsieur le Premier ministre, il est temps ! Le groupe socialiste propose une mission d'information sur le sujet.
Mais la France doit aussi assumer ses responsabilités concernant ses propres navires. L'État aide aujourd'hui une filière de démantèlement des avions à Tarbes. Dans le même esprit, entendez-vous développer la filière propre de démantèlement des navires militaires et civils qui fait actuellement défaut en France et en Europe ? L'État entend-il en payer le prix ?
Dans cette affaire, comme dans beaucoup d'autres, votre gouvernement a été à l'image du Clemenceau déclassé : un vaisseau fantôme. Quel gâchis pour la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Envoyez-lui une torpille !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Si votre question, madame la députée, était venue il y a six mois, elle aurait pu, peut-être, éclairer le débat. Je regrette qu'elle vienne un peu tard. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Dès lors, je vous invite à la sérénité, mais surtout à la justice. Soyons juste : sur un sujet aussi difficile, il n'y a pas de solution simple, et personne ne peut donner de leçons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean Glavany. Surtout pas vous !
M. le Premier ministre. Tous les pays du monde qui disposent d'une flotte sont concernés.
Mme Chantal Robin-Rodrigo. Il fallait réfléchir avant d'envoyer le Clemenceau en Inde !
M. le Premier ministre. La plupart des pays coulent leurs bateaux en fin de vie.
Mme Martine David. C'est vous qui coulez !
M. le Premier ministre. C'est l'honneur de la France de rechercher d'autres solutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La question du démantèlement de l'ex-Clemenceau - et je n'insisterai pas sur ce point, car je n'ai pas le moindre goût pour aucune forme de cruauté - s'est posée dès 1997. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Or le navire est resté en rade de Toulon jusqu'en 2002. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean Glavany. Qui était le chef des armées ?
Plusieurs députés du groupe socialiste. Chirac !
M. le Premier ministre. À partir de cette date, le Gouvernement a recherché des solutions équilibrées et innovantes. (" Chirac ! " sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons multiplié les efforts (" Chirac ! " Chirac ! ")...
M. le président. Je vous en prie !
M. le Premier ministre. ...pour mettre au point un partenariat avec un chantier indien, et vous me permettrez de le dire devant vous : à aucun moment, nous n'avons dégagé notre responsabilité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Martine David. Oh si !
M. le Premier ministre. Nous avons prévu des transferts de technologies et un accompagnement social, en vue de créer une filière économiquement viable et respectueuse du développement durable dans ce pays.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Charabia !
M. le Premier ministre. À la suite de la décision du Conseil d'État, le Président de la République a décidé le retour en France de l'ex-Clemenceau...
Plusieurs députés du groupe socialiste. Avait-il d'autres choix ?
M. le Premier ministre. ...à Brest. C'est par lui que vous l'avez appris et non par la presse !
M. Jean Glavany. C'est par le Conseil d'État !
M. le Premier ministre. Le Gouvernement entend tirer toutes les leçons de cette affaire. C'est pourquoi j'ai pris, avec Michèle Alliot-Marie, trois initiatives. (" Ah ! " sur les bancs du groupe socialiste.) D'abord, nous allons mettre en conformité les procédures d'exportation des matériels de guerre en fin de vie avec nos obligations internationales en matière d'environnement et de santé. Ensuite, nous allons procéder à un diagnostic complet de l'amiante et des matières dangereuses restant à bord. Enfin, nous allons promouvoir une filière européenne des navires hors d'usage, conforme aux exigences de sécurité et de protection de l'environnement.
Vous le voyez, face à cette situation difficile, le Gouvernement assume ses responsabilités. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il recherche des solutions adaptées avec un souci de transparence. Il est facile, sur ce sujet comme sur tous les autres, d'arriver, tels les carabiniers, après la bataille et le verbe haut !
M. André Gerin. Lamentable !
M. le Premier ministre. La vérité, c'est que, tout au long de ces années, nous ne vous avons jamais entendus, sur ce sujet-là comme sur tous les autres. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.- Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Auteur : Mme Patricia Adam
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Déchets, pollution et nuisances
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 février 2006