Question au Gouvernement n° 2530 :
GDF

12e Législature

Question de : M. Éric Besson
Drôme (2e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 1er mars 2006

OPA HOSTILES

M. le président. La parole est à M. Éric Besson.
M. Éric Besson. Monsieur le Premier ministre, depuis quelques semaines, vous brandissez l'étendard du patriotisme économique, mais vos actes sont en contradiction avec vos discours.
Concrètement, dans l'affaire de l'OPA hostile de Mittal sur Arcelor, qui a raison ? Est-ce M. Loos, qui prétend que le Gouvernement y est opposé, ou M. Breton, qui explique que le Gouvernement n'est " ni pour ni contre " ? Ce même M. Breton qui convoque le P-DG de Mittal et exige des explications, tout en reconnaissant qu'au bout du compte il ne pourra rien faire.
Sur les OPA hostiles, qui a raison ? Est-ce M. Breton lorsqu'il propose au Sénat un amendement sur les bons de souscriptions pour permettre à nos entreprises de se défendre contre les OPA hostiles, ou M. Breton lorsqu'il va plus loin que la directive européenne en privant les dirigeants de nos grands groupes des moyens réels de se défendre contre ces OPA hostiles et qui explique que la seule vérité qui vaille est celle des actionnaires ?
Dans le dossier Suez-Gaz de France, qui dit vrai ? Est-ce l'ancien ministre de l'économie et des finances, M. Sarkozy, qui assurait haut et fort, ici même, que la participation de l'État à 70 % dans GDF ne serait pas négociable, ou l'ancien ministre de l'industrie, M. Devedjian, très lié à M. Sarkozy, qui explique aujourd'hui dans la presse que GDF, ce ne sont que des tuyaux ?
Toujours dans le dossier Suez-Gaz de France, qui a raison ? Est-ce le Premier ministre qui, sur la foi d'une rumeur - une rumeur seulement -, invoque l'urgence et, à ce titre, annonce sans en référer à qui que ce soit, ni aux partenaires sociaux ni au Parlement, l'absorption de Gaz de France par Suez, ou le ministre de l'économie et des finances, qui dit tranquillement que la rumeur d'OPA hostile n'a rien à voir avec la fusion proposée et que tout cela était en préparation depuis des mois ?
II faut que cesse ce double discours, ce grand écart permanent entre les mots et les actes. La démocratie a besoin de transparence. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean Marsaudon. Ça vous va bien !
M. Éric Besson. La gestion de l'économie a besoin d'une politique cohérente et compréhensible par tous les acteurs.
En matière d'OPA hostiles, quelles sont donc, monsieur le Premier ministre, vos convictions ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste.)
M. Gérard Bapt. Il n'en a pas !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je veux d'abord, de retour de La Réunion, vous dire toute la satisfaction qui est la mienne de voir l'ensemble de la communauté nationale rassemblée autour des Réunionnaises et des Réunionnais pour leur apporter un juste concours dans cette épreuve. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Il est important que chacun se mobilise sur le terrain.
M. Jean-Claude Lefort. Il était temps !
M. Jérôme Lambert. Ce n'est pas vraiment la question !
M. le Premier ministre. Je le sais, mais c'est important. Le parti communiste est du reste extrêmement présent sur le terrain, de même que les représentants centristes et de l'UMP. Nous avons en revanche regretté quelque peu l'absence des socialistes. ((Rires et exclamations puis huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean Glavany. Pitoyable polémique ! Politicien !
M. le Premier ministre. Le sujet que vous avez évoqué, en le survolant...
M. Jean Glavany. Lamentable !
M. le président. S'il vous plaît !
M. le Premier ministre. ...est complexe et important. Je crois, monsieur Besson, qu'il faut revenir à la réalité, cette réalité que vous n'avez fait que dépeindre à grands traits, je dirais même " à la louche ".
M. Jean Glavany. Plus politicien que ça, tu meurs !
Mme Martine David. C'est affligeant !
M. le Premier ministre. Que s'est-il passé depuis un an ?
Il faut rappeler d'abord que la donne énergétique a changé. Le prix du pétrole a atteint un niveau sans précédent. La crise du gaz entre la Russie et l'Ukraine a montré que l'énergie était désormais un enjeu stratégique majeur. Partout, émergent de nouveaux géants de l'énergie : en Espagne, en Russie, aux États-Unis. Les positions acquises hier sont aujourd'hui fragilisées.
Dans ce contexte, nous devons relever sans attendre le défi de la sécurité des approvisionnements énergétiques de l'Europe et de la France. À cette fin, le Gouvernement veut apporter trois réponses.
Première réponse : nous avons besoin de grands groupes puissants, parce que c'est un élément déterminant pour la maîtrise des sources d'énergie.
Deuxième réponse : nous devons être à la pointe de la recherche et de l'innovation technologique. C'est pourquoi le projet EPR a été engagé.
M. Yves Cochet. Très mauvais choix !
M. le Premier ministre. C'est pourquoi aussi nous avons lancé la quatrième génération des réacteurs nucléaires, comme l'a demandé le Président de la République.
M. Jean Le Garrec. Cela n'a rien à voir !
M. le Premier ministre. C'est encore pourquoi nous allons développer les énergies renouvelables. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Bernard Roman. Répondez à la question !
M. le Premier ministre. Il est important de rappeler certaines choses qui sont totalement ignorées par celui qui a posé la question. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Troisième réponse : nous devons prendre des initiatives internationales pour faire face collectivement à ces enjeux. Nous avons déposé à la Commission européenne, au mois de janvier, un mémorandum sur l'énergie qui vise à améliorer la concertation et la prospective sur les besoins énergétiques de l'Europe tout entière.
Mme Martine David. C'est du baratin tout ça !
M. le Premier ministre. Vous le voyez, face à une situation qui a radicalement changé, nous avons fait les choix qui préparent l'avenir, et je me situe au-delà de la polémique de votre question.
Mme Martine David. Ah non !
M. le Premier ministre. Nous avons besoin de nous engager dans l'après pétrole. C'est ce qui intéresse l'ensemble de nos compatriotes.
Dans ce contexte, je reviens à la question. (" Ah ! " sur les bancs du groupe socialiste) Gaz de France et Suez nous ont proposé un projet industriel de rapprochement des deux entreprises. Avec Thierry Breton, nous avons donné notre accord à cette opération et nous l'avons fait pour trois raisons.
Premièrement, parce qu'elle permet, et vous y êtes tous sensibles, de créer un champion international de l'énergie de plus de 60 milliards d'euros de chiffre d'affaires et employant 200 000 personnes dans le monde.
Deuxièmement, parce que l'État consolide sa maîtrise de la filière énergétique en devenant le premier actionnaire de ce nouvel ensemble. Il exercera un co-contrôle de ce champion industriel et restera garant des questions stratégiques liées aux missions de service public et à la sécurité des approvisionnements.
Troisièmement, parce qu'il s'agit d'une fusion entre égaux, porteuse, pour chacun, de développement, donc créatrice d'emplois et d'investissements.
En termes de méthode, une négociation approfondie aura lieu avec tous les partenaires qui sont parties prenantes : le gouvernement belge, les partenaires sociaux et les salariés.
M. Maxime Gremetz. Après, comme toujours !
M. le Premier ministre. Le Gouvernement entend apporter aux salariés des entreprises concernées toutes les garanties sociales légitimes. Le statut des personnels des industries électriques et gazières sera intégralement préservé, y compris naturellement pour les nouveaux salariés.
M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas vrai.
M. le Premier ministre. L'activité de distribution commune entre EDF et Gaz de France sera également intégralement préservée, et je sais que cela préoccupe les partenaires sociaux.
Les tarifs continueront d'être régulés par l'État et toutes les obligations de service public seront maintenues, notamment l'interdiction des coupures de gaz pendant l'hiver pour les personnes en difficulté.
M. Maxime Gremetz. Vive les privatisations !
M. le Premier ministre. Le Gouvernement sera particulièrement attentif à la représentation des personnels dans les instances paritaires et dans les organes dirigeants de l'entreprise. Il veillera également aux conditions de mise en oeuvre de l'actionnariat des salariés.
Vous le voyez, cette opération est une bonne illustration concrète de ce que j'entends par " patriotisme économique " : le rassemblement de nos forces au niveau français mais aussi au niveau européen. Il est important d'apporter des réponses à une France qui change dans un monde qui bouge, plutôt que de mener des combats du passé, comme vous le faites, monsieur Besson. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Données clés

Auteur : M. Éric Besson

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 1er mars 2006

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