contrats première embauche
Question de :
M. François Hollande
Corrèze (1re circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 15 mars 2006
CONTRAT PREMIERE EMBAUCHE
M. le président. La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste.Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. On veut Ségolène !
M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, votre intervention télévisée, dimanche soir, devait calmer les esprits : elle a déclenché la colère. Vos aménagements sont apparus comme des atermoiements, vos timides compléments comme de simples ajustements. En réalité, ils ne changent en rien la nature même du CPE (" Heureusement ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : celui-ci demeure un contrat auquel il peut être mis fin à tout moment et sans motif pendant un délai deux ans.
Seul le MEDEF a répondu favorablement à la proposition de discussion que vous avez adressée aux partenaires sociaux. Les syndicats ont considéré que, faute d'avoir été consultés sur le projet de loi, ils ne pouvaient pas s'associer à l'application du texte dès lors qu'ils refusent la mesure en elle-même.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Elle a été votée !
M. François Hollande. Vos modestes ouvertures - car il ne s'agissait que de cela - ont révélé en définitive, monsieur le Premier ministre, votre extrême fermeture. Aujourd'hui, par votre obstination, vous prenez le risque d'ouvrir un conflit grave et durable...
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. On en a vu d'autres !
M. François Hollande. ...dont nul ici ne peut prévoir l'issue.
M. Francis Delattre. Vous attendez la révolution ?
M. François Hollande. Un tel conflit n'est bon, ni pour notre économie, ni pour l'éducation, ni pour l'ordre public. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Certains membres de votre gouvernement appellent à une politique de rupture. Eh ! bien, mesdames et messieurs, elle est là, la rupture, entre le pouvoir et une majorité de la jeunesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Monsieur le Premier ministre, des voix s'élèvent, jusque dans votre majorité, pour demander une nouvelle discussion de ce dispositif (Vivres protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), quand elles ne formulent pas l'espoir de son annulation, totale ou partielle, par le Conseil constitutionnel. (" C'est faux ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Un seul !
M. François Hollande. J'en connais, dans vos rangs, qui doivent prier pour que le CPE soit annulé, afin que cesse cette cause de conflit ! (" Non ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !
M. François Hollande. Il en est même, dans votre majorité, qui appellent de leurs voeux un nouveau projet de loi sur ce sujet.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Un seul député !
M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, avant que de nouvelles manifestations n'aient lieu, je vous demande, dans un esprit de responsabilité et d'apaisement, de retirer le CPE et d'ouvrir des négociations. (" Non ! Non ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Car l'autorité dont vous parlez commence par la sagesse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le député, je veux d'abord, en réponse à vos critiques, vous faire part de ma détermination à lutter contre le chômage des jeunes (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), et ce dans le respect de la loi qui a été votée - faut-il le rappeler au parlementaire que vous êtes ? (" 49 3 ! " sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean Glavany. Faut-il vous rappeler qu'elle n'a pas été votée ?
M. Albert Facon. Faut-il vous rappeler que vous l'avez imposée à l'Assemblée ?
M. le Premier ministre. Je veux vous assurer de ma volonté d'avancer, dans un esprit d'ouverture et de dialogue avec chacun, en particulier avec les partenaires sociaux. (" 49-3 ! " sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Je veux aussi vous faire part de trois convictions qui sont miennes. Premièrement, face au chômage, nous ne pouvons pas fermer les yeux, nous ne pouvons pas baisser les bras. Nous avons tous ici un devoir à l'égard des jeunes en difficulté.
M. Patrick Roy. 49-3 !
M. le Premier ministre. C'est d'abord un devoir de vérité. Nous ne pouvons pas laisser croire aux jeunes que nous pourrons leur assurer un emploi sans rien changer dans notre pays, car cela est faux, et vous le savez bien, monsieur Hollande.
C'est aussi un devoir d'action.
Plusieurs députés du groupe socialiste. De réaction !
M. le Premier ministre. En effet, c'est en créant de nouveaux instruments à l'intention jeunes, comme le contrat d'accompagnement vers l'emploi, comme le dispositif " défense-deuxième chance " ou comme le " contrat première embauche ", que nous ferons baisser le chômage. (" Précarité ! " sur les bancs du groupe socialiste.)
Nous ne cherchons pas une " solution miracle " qui n'existe pas : nous inventons, de manière pragmatique, des réponses à chacune des difficultés que rencontrent les jeunes.
Mme Martine David. Baratin !
M. le Premier ministre. Deuxièmement, si nous, le Gouvernement et la majorité tout entière, nous engageons sur le " contrat première embauche ", c'est parce qu'il est un contrat utile, qui va créer des emplois pour les jeunes en difficulté. (" C'est faux ! " sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mme Martine David. Mensonges !
M. le Premier ministre. Nous avons l'exemple du " contrat nouvelles embauches ". Ce sont 360 000 contrats de ce type qui ont été signés en quelques mois.
M. Albert Facon. Combien de licenciements ?
M. le Premier ministre. Un tiers de ces contrats correspond à des emplois nouveaux.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Où ça ?
M. le Premier ministre. Le " contrat première embauche " marchera lui aussi.
Mme Martine David. Vous êtes droit dans vos bottes, comme l'autre !
M. le Premier ministre. Nous savons que des milliers de contrats attendent d'être signés. C'est la création de milliers d'emplois pour les jeunes de notre pays qui est en jeu.
Troisièmement, et c'est pour moi l'essentiel, le " contrat première embauche "...
Plusieurs députés du groupe socialiste. est retiré !
M. le Premier ministre.... est juste et équilibré.
M. Jean Glavany. Pour Mme Parisot ?
M. le Premier ministre. Il offre de vraies garanties aux jeunes (" Lesquelles ? " sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) : une garantie d'accès au logement...
Mme Martine David. Faux !
M. le Premier ministre. ..., une garantie d'accès à la formation...
Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Faux !
M. le Premier ministre. ..., une garantie d'accès au crédit.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Faux !
M. le Premier ministre. Il prévoit aussi un filet de sécurité en cas de rupture, qu'aucun autre contrat ne comporte : c'est une nouvelle protection destinée aux jeunes. Ainsi, un jeune salarié - car, monsieur Hollande, il faut bien un jour quitter le ciel des généralités et descendre dans la vie réelle (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) - ...
M. Henri Emmanuelli. Ça vous va bien de dire ça !
M. le Premier ministre. ...un jeune salarié qui perdrait son emploi au bout de six mois dans l'entreprise aurait droit à un préavis d'un mois, à une indemnité dont le montant serait de la moitié de son salaire mensuel, à quoi s'ajouteraient sept mois d'allocation chômage...
M. Jean Glavany. C'est bien une logique de licenciement !
M. le Premier ministre. ...et à un accompagnement personnalisé par l'ANPE chaque mois, sous la forme d'un rendez-vous mensuel avec un conseiller référent. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.).
J'ai proposé qu'en accord avec les partenaires sociaux, ce filet de sécurité soit encore élargi : en cas de rupture du contrat au bout de quelques mois, les jeunes pourraient bénéficier d'un droit à la formation de trois mois accompagné d'un complément de rémunération.
Parce que nous sommes soucieux de tirer les leçons de l'expérience, je vous rappelle que ce dispositif sera évalué tous les six mois (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), afin qu'on puisse mesurer, avec les partenaires sociaux, ses effets sur l'embauche.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Et le CNE, quand sera-t-il évalué ?
M. Patrick Lemasle. Le CNE n'a jamais été évalué !
M. le Premier ministre. Si cette évaluation révèle la nécessité d'opérer quelques ajustements ou quelques ajouts, nous le ferons, avec pragmatisme.
M. Jean Glavany. C'est le Premier ministre qu'il faut ajuster !
M. le Premier ministre. En attendant, monsieur Hollande, essayons d'avancer, plutôt que de rester les bras croisés face aux attentes des Français.
Vous me permettrez enfin, monsieur Hollande, d'en appeler à l'esprit de responsabilité, et au respect de la loi républicaine (" 49-3 ! " sur les bancs du groupe socialiste)...
M. Jean Glavany. Quand on parle de République, on commence par respecter le Parlement !
M. le Premier ministre. ...pour éviter toute surenchère et tout débordement. L'enjeu, c'est l'emploi des jeunes en difficulté, et au-delà la défense de notre modèle social.
Monsieur Hollande, maintenir, jour après jour, cet esprit de responsabilité (" Très bien ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et la volonté d'agir, voilà ce que nos compatriotes attendent de nous. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Auteur : M. François Hollande
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Emploi
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 mars 2006