Assemblée nationale
Question de :
M. François Bayrou
Pyrénées-Atlantiques (2e circonscription) - Union pour la Démocratie Française
Question posée en séance, et publiée le 23 mars 2006
GREVE DE LA FAIM DE JEAN LASSALLE
M. le président. La parole est à M. François Bayrou, pour le groupe Union pour la démocratie française.M. François Bayrou. Monsieur le Premier ministre, à quelques mètres de cet hémicycle, Jean Lassalle, député des Pyrénées-Atlantiques, mène une grève de la faim depuis seize jours. Ce geste symbolique a un très fort retentissement et provoque une très vive émotion dans l'opinion publique, dans notre pays et au-delà de nos frontières.
M. François Hollande. Ce n'est pas M. Larcher qui ferait cela !
M. François Bayrou. Dans la vallée d'Aspe, au fond des Pyrénées, il reste une seule usine qui emploie 160 personnes, qui gagne de l'argent et des parts de marché...
M. François Hollande. Ce n'est pas comme l'UMP !
M. François Bayrou. ...dans le secteur des composants métalliques, des peintures pour voitures, ordinateurs et téléphones portables.
Cette entreprise, Toyal, marche si bien qu'il lui faut se développer. Alors qu'elle est présente dans cette vallée depuis quatre-vingts ans, la décision a été prise de la développer ailleurs, à une heure et demie de voiture, ce qui équivaut à une délocalisation garantie. (" Mais non ! " sur plusieurs bancs de l'Union pour un mouvement populaire.) Cette décision a été prise avec le soutien financier d'une très grande entreprise, Total, qui vient de réaliser cette année 13 milliards d'euros de profits.
Cette affaire, qui pourrait paraître purement locale, soulève en réalité une interrogation universelle : les peuples ont-ils encore leur mot à dire sur leur destin ? Leurs représentants ont-ils les moyens de faire entendre leur voix ? Ou bien les décisions sont-elles toujours prises ailleurs, plus haut, dans un monde mystérieux où les puissants ne parlent qu'aux puissants ?
Monsieur le Premier ministre, vous avez appelé personnellement Jean Lassalle pour lui dire que vous étiez sensible à sa situation. Vous qui êtes le chef du Gouvernement français (" Plus pour longtemps ! " sur les bancs du groupe socialiste), qu'avez-vous l'intention de faire ? Que pouvez-vous faire, et nous avec vous, pour renverser cette fatalité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, je ne suis pas insensible, personne ne peut l'être, au combat d'un homme capable de mettre sa vie en danger pour défendre ce qu'il croit être juste. Le Premier ministre, vous l'avez rappelé, est très attentif au sort de votre collègue Jean Lassalle et il se tient informé quotidiennement, comme l'ensemble des membres du Gouvernement.
Je connais comme vous l'attachement de votre collègue à son territoire des Pyrénées-Atlantiques. Inquiet de l'avenir de l'usine Toyal située dans la vallée d'Aspe, il a commencé une grève de la faim voilà seize jours maintenant, pour attirer l'attention sur les évolutions qu'il craint. Chaque homme, monsieur le député, est libre, en son âme et conscience, de choisir la méthode qu'il estime être juste. Je respecte donc le choix de Jean Lassalle, qui veut éviter par son action la délocalisation d'emplois.
En l'occurrence, il n'est pas - en tout cas plus - question de délocalisation. L'entreprise Toyal, dont l'usine d'Accous, dans la vallée d'Aspe, emploie 138 personnes, a décidé d'étendre ses activités de fabrication de pâte d'aluminium sur le site de Lacq où quinze emplois nouveaux seront créés dans un premier temps, suivis de quinze autres. Il s'agit donc, non pas d'une délocalisation, mais d'une extension. (Protestations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Le jour même où nous avons appris la nouvelle, j'ai moi-même pris contact avec les services de l'État dans le département, ainsi qu'avec l'entreprise pour faire le point précis de la situation. Des membres de mon cabinet ont rencontré vendredi le président japonais du groupe Toyal et obtenu des engagements sur le maintien de l'activité et des emplois sur le site d'Accous, je tiens à vous le dire.
M. Jean Dionis du Séjour et M. Philippe Folliot. Pour combien de temps ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'entreprise envisage - elle l'a répété à l'occasion d'une réunion à la préfecture des Pyrénées-Atlantiques - de nouveaux investissements à Accous, notamment pour développer des fabrications plus respectueuses de l'environnement.
M. Pierre-Christophe Baguet. C'est bidon !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il me semble que ces engagements sont sérieux et que son programme d'extension ne peut pas être qualifié de première étape vers la délocalisation.
Je souhaite que l'ensemble des acteurs du département accompagnent le développement, voulu par tous, de cette partie du département. C'est pourquoi, dans les jours qui viennent, je ferai tout mon possible pour renouer le dialogue et finaliser les discussions, afin que Jean Lassalle, à qui je renouvelle toute mon estime et mon amitié, puisse, fort des engagements pris par tous les partenaires, interrompre son jeûne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Pierre-Christophe Baguet. Total, le mépris des hommes !
Auteur : M. François Bayrou
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Parlement
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 mars 2006