gouvernement
Question de :
M. François Hollande
Corrèze (1re circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 4 mai 2006
AFFAIRE CLEARSTREAM
M. le président. La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste.M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, notre pays vit au rythme de l'affaire Clearstream. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Les révélations d'aujourd'hui viennent contredire vos déclarations d'hier. Cela est grave ! Vous avez un devoir de vérité devant la justice, le moment venu, et devant le Parlement, aujourd'hui.
M. Richard Mallié. C'est une question sur l'Europe, ça ?
M. François Hollande. Pourquoi une telle utilisation des services de l'État ? Pour quels motifs et à quelles fins ? Sous quelle autorité ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous devez répondre à ces questions dès maintenant ! (Vives protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire dont les députés scandent " L'Europe ! L'Europe ! ".)
M. le président. Je vous en prie ! Laissez M. Hollande parler ; chacun a le droit de s'exprimer !
M. Philippe Briand. Il devrait s'agir d'une question concernant l'Europe !
M. François Hollande. Vous avez aussi un devoir de clarté : comment un gouvernement comme le vôtre peut-il poursuivre sereinement son travail quand la suspicion s'est installée en son sein, que dis-je, en son sommet ? Cette situation ne peut pas durer !
M. Richard Mallié. Où est l'Europe ?
M. François Hollande. Vous rendez-vous compte de ce qu'est aujourd'hui le crédit de l'État ? Mesurez-vous le trouble qui s'est emparé d'une grande majorité de nos concitoyens ?
M. Bernard Deflesselles. La question ne concerne pas l'Europe ! Hors sujet !
M. François Hollande. Avez-vous conscience de la dégradation de l'image de la France ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Au nom de nos institutions, je vous demande de prendre tous ces éléments en considération.
Monsieur le Premier ministre, nul ne conteste votre expérience. Elle est grande, notamment en matière de rouages de l'État, y compris les plus obscurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais il vous en manque une : celle du suffrage universel ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Elle vous serait aujourd'hui précieuse pour comprendre ce que souhaitent les Français :...
M. Lucien Degauchy. Vous seriez surpris !
M. François Hollande. ...la clarté, la vérité ! Mesurez le désarroi du pays aujourd'hui ; prenez vos responsabilités, tirez les conséquences ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Du calme !
M. Yves Nicolin. Le règlement s'applique aussi à M. Hollande ! Rappelez-le à l'ordre !
M. Jean-Michel Ferrand. Où était Ségolène Royal pendant les écoutes ?
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur Hollande, je suis triste...
M. Noël Mamère. Nous aussi !
M. le Premier ministre. ...de répondre à un responsable politique...
M. Jean-Michel Ferrand. Un irresponsable politique !
M. le Premier ministre. ...qui s'érige aujourd'hui en procureur. C'est vous qui vivez au rythme des affaires ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il vous manque en tout cas quelque chose : l'exigence et la prudence. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Augustin Bonrepaux. Il nous manque la vérité !
M. Guy Geoffroy. Et de la morale aussi !
M. Albert Falcon. Pas de leçons !
M. le Premier ministre. Je suis un homme comme les autres. Je suis l'objet d'attaques incessantes, calomnieuses et injustes. Oui, monsieur Hollande, j'en suis blessé !
À quelques mois de l'élection présidentielle, au moment où nous enregistrons les meilleurs résultats que la France ait jamais obtenus sur le front du chômage et de la croissance (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains),...
M. Jérôme Lambert. Encore un mensonge !
M. le Premier ministre. ...voilà que la politique retrouve ses vieux démons : les procès d'intention, les jugements hâtifs, les approximations et, - faut-il le dire ici, dans cet hémicycle ? -,...
M. Jean-Pierre Blazy. Cela ne marchera pas !
M. le Premier ministre. ...le lynchage ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Tout cela n'aurait pas d'importance s'il ne s'agissait que de moi.
Mme Chantal Robin-Rodrigo. Et Sarkozy ?
M. le Premier ministre. Mais il s'agit de notre démocratie.
M. Jean-Jack Queyranne. Justement !
M. le Premier ministre. Or dans une démocratie moderne, je suis désolé d'avoir à vous le dire, ce n'est pas la rumeur qui fait la vérité,...
M. Guy Geoffroy. Très bien !
M. le Premier ministre. ...c'est la justice ! (Plusieurs députés du groupe socialiste brandissent le journal Le Monde.)
M. Jean-Marie Le Guen. Elle est là, la justice !
M. le Premier ministre. Néanmoins il s'agit de la politique, et, en politique, nous n'avons pas seulement besoin de volonté.
M. François Hollande. Nous avons besoin de vérité !
M. le Premier ministre. Nous avons besoin de courage (" De vérité ! De vérité ! " sur les bancs du groupe socialiste) ; nous avons besoin de résultats.
M. Augustin Bonrepaux. Ne mentez plus ! La vérité !
M. le Premier ministre. Monsieur Hollande, pensez-vous qu'il est digne, comme le font certains membres de votre parti, de réagir au fil d'un feuilleton de presse ?
M. Christian Bataille. Dites la vérité !
M. le Premier ministre. Aujourd'hui, croyez-moi, nul plus que moi ne veut la vérité ;...
M. François Hollande. Dites-la !
M. Augustin Bonrepaux. Qui a commandé les enquêtes ?
M. le Premier ministre. ...nul plus que moi ne veut la justice. La vérité, c'est ce qu'attendent et que méritent légitimement nos compatriotes, les Françaises et les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Auteur : M. François Hollande
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : État
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mai 2006