amnistie
Question de :
M. André Vallini
Isère (9e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 31 mai 2006
AMNISTIE DE M. GUY DRUT
M. le président. La parole est à M. André Vallini.M. André Vallini. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux et est relative à l'amnistie accordée par le Président de la République à M. Guy Drut. En 2002, au nom du groupe socialiste, Bernard Roman avait dénoncé les faveurs présidentielles que la loi d'amnistie rendait possibles en toute discrétion. (" Et Maxime Gremetz ? " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Monsieur le ministre, mesurez-vous l'atteinte que cette décision porte à la morale publique et les dégâts qu'elle provoque dans l'opinion publique ? Je ne sais si, comme l'a dit ce matin M. le président de l'Assemblée nationale, cette affaire est plus grave que le CPE ou l'affaire Clearstream, mais ce que nous savons, c'est qu'il est temps d'en finir avec cette prérogative d'inspiration monarchique, car la République ne saurait s'accommoder du fait du prince ou du bon vouloir du roi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Lucien Degauchy. Vous avez la mémoire courte !
M. André Vallini. Comment pourrait-on exiger l'impunité zéro dans les quartiers si l'on pratique l'impunité totale au sommet de l'État ? (Mêmes mouvements.)
Les Français, de droite comme de gauche, que nous rencontrons dans nos circonscriptions, ne sont même plus révoltés : ils sont découragés. Lorsqu'à la révolte populaire, qui peut être féconde, succède le découragement civique, c'est la démocratie tout entière qui est malade.
Depuis bientôt six mois, la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau s'attache, par un travail sérieux, dénué de tout clivage partisan, à redonner aux Français un peu de confiance en leurs institutions. Nous sommes soucieux maintenant de leur redonner confiance en leur justice. Mais cette justice doit être égale pour tous !
M. Jean Glavany. Très bien !
M. André Vallini. Je crains fort que, d'un trait de plume, le Président de la République ne vienne de réduire tout cela à néant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean Glavany. Ce n'est pas une question facile !
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, votre indignation vertueuse me permet de préciser trois points. D'abord, l'amnistie n'a pas dispensé M. Drut de sa peine : il a payé les 50 000 euros de sanction financière. (" C'est bien le moins ! " sur les bancs du groupe socialiste.) Je rappelle qu'il avait été condamné à quinze mois avec sursis, mais que ses droits civiques n'avaient pas été suspendus.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Pourquoi ?
M. le garde des sceaux. Ensuite, M. Drut a demandé à bénéficier de la loi d'amnistie votée par le Parlement en 2002.
M. François Hollande. Soyez plus précis : qui l'a votée ?
M. le garde des sceaux. Après examen approfondi, il est apparu que si sa condamnation était inscrite dans son casier judiciaire, M. Drut ne pourrait plus siéger en tant que membre du Comité international olympique. (" Et alors ? " sur les bancs du groupe socialiste.) Alors ? Cela revenait à lui infliger une seconde peine (Protestations sur les mêmes bancs) puisqu'il n'avait pas été prévu dans la première qu'il devait être dispensé de siéger au Comité international olympique.
M. François Hollande. Et alors ? Quelle morale !
M. le garde des sceaux. En conséquence - et en conscience -, j'ai proposé au Président de la République que la France ait la possibilité d'avoir trois membres au CIO au lieu de deux.
Enfin, j'observe que quand le Président de la République a exercé son droit de grâce...
M. François Hollande. Ce n'est pas un droit de grâce !
M. le garde des sceaux. ...au profit de M. Gremetz, de M. Bové ou de M. Désir, je n'ai jamais entendu votre indignation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Si j'en avais le pouvoir, je vous décernerais une médaille d'or : celle de l'hypocrisie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. André Vallini
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Droit pénal
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 mai 2006