Question au Gouvernement n° 278 :
Caisse des dépôts et consignations

12e Législature

Question de : M. Laurent Fabius
Seine-Maritime (4e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 19 décembre 2002

NOMINATION DU DIRECTEUR GÉNÉRAL
DE LA CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS

M. le président. La parole est à M. Laurent Fabius, pour le groupe socialiste.
M. Laurent Fabius. Monsieur le Premier ministre, au cours des dernières semaines, vous avez été interrogé à plusieurs reprises sur l'éventuel remplacement du directeur de la Caisse des dépôts (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française). Vous n'avez pas souhaité vous exprimer sur le fond. Ce matin, la décision est tombée : par décret du Président de la République, le directeur général a été remplacé.
M. Jean Marsaudon. Pas vous !
M. Laurent Fabius. Comme le disait en son temps M. Barre à propos de ce qu'on appelait « l'état RPR », cela pose le problème de l'état impartial. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. Mes chers collègues, calmez-vous, laissez parler M. Fabius !
M. Laurent Fabius. La Caisse des dépôts est, en effet, responsable de la gestion des fonds d'épargne de dizaines de millions de Français. Elle détient le premier portefeuille d'actions, elle est le premier intervenant pour le logement social.
M. Pierre Lellouche. C'est pathétique ! C'est tout ce qu'il leur reste !
M. Laurent Fabius. Il est donc particulièrement important que la nomination de son directeur général soit impartiale. Personne n'a évoqué une quelconque incompétence, au contraire. Le directeur général remplacé a réussi, dans le consensus, une réforme difficile de la Caisse, et il lui a donné une dimension européenne.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Très bien !
M. Laurent Fabius. Il n'y a donc que deux explications.
Ou bien vous voulez changer le rôle et le fonctionnement de la Caisse des dépôts, mais alors, il faut dire clairement ici, dans un débat au Parlement - et nous combattrons cette orientation -, que vous voulez, par idéologie, remettre en cause un instrument public utile, avec des conséquences négatives sur les PME, les collectivités locales, les épargnants et les personnels.
Ou bien, ce qui n'est pas incompatible, vous refusez qu'un homme compétent puisse occuper durablement un poste de cette importance, dès lors qu'il ne partagerait pas vos opinions. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Monsieur le Premier ministre, il existe deux sortes de sectarisme, tous deux critiquables. Le premier avance à visage découvert, et il est condamnable, parce qu'il est contraire à l'intérêt général. L'autre est un sectarisme aimable, ou plutôt patelin. Il parle la main sur le coeur, il invoque volontiers le passé,...
M. Lucien Degauchy. Vous avez perdu la mémoire !
M. Laurent Fabius. ... il sort parfois de ses gonds lorsqu'il est piqué au vif, il mobilise pour sa défense un contre-exemple de nomination alibi, là où il y a vingt exemples avérés de nominations partisanes. Ce sectarisme, en réalité implacable, récuse même ses alliés proches. Il veut pour lui tous les pouvoirs, tous les médias, mais, comme il est dissimulé, il ajoute souvent l'hypocrisie à l'intolérance.
M. Jean Marsaudon. C'est scandaleux !
M. Laurent Fabius. Ma question est simple : auquel de ces deux sectarismes votre décision se rattache-t-elle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le député ou plutôt, si vous me le permettez, monsieur le Premier ministre, je voudrais vous répondre avec sincérité. M. Lebègue a été un bon directeur général de la Caisse des dépôts et consignations.
M. Jean-Pierre Balligand. C'est pourquoi on le licencie, sans doute !
M. le Premier ministre. Mais nous pensons qu'au bout de cinq ans il n'est pas scandaleux de procéder au renouvellement des équipes. La nomination du vice-président de la Banque européenne d'investissement à ce poste n'a vraiment rien de sectaire. Elle relève seulement d'une rotation normale dans l'exercice des responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur diverss bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Monsieur le Premier ministre, je vous regarde en face car je connais votre sens de l'Etat et je vous dis clairement que toutes les nominations auxquelles nous procédons sont marquées par le souci de l'équilibre et la reconnaissance des compétences. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Richard Cazenave. Contrairement à ce qu'ils avaient fait, eux !
M. le Premier ministre. Si vous voulez des exemples, je vais vous en donner. Le directeur de cabinet de M. Richard et celui de M. Vaillant sont aujourd'hui préfets de région. Quant au directeur de cabinet de M. Jospin, il est ambassadeur (Huées sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), de même que d'autres collaborateurs de l'ancien Premier ministre. Le délégué à la DATAR a été nommé inspecteur général de l'éducation. Et aujourd'hui encore, un ancien député socialiste vient d'être nommé président de section au Conseil d'Etat. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Mme Martine David. C'est normal !
M. le président. Madame David, calmez-vous !
M. le Premier ministre. Je tiens à votre disposition la liste des nominations. Elles sont faites avec un esprit d'équilibre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Et, franchement, voir du sectarisme dans la manière dont nous gouvernons, c'est vraiment regarder l'action politique par le petit bout de la lorgnette !
Nous voulons faire en sorte que la compétence soit le critère de sélection des responsables de la fonction publique.
Mme Martine David. Ce n'est pas vrai !
M. le Premier ministre. Monsieur le Premier ministre, je suis à votre disposition pour examiner avec vous la liste de toutes les nominations.
Mme Martine David. Toutes ?
M. le Premier ministre. Vous verrez, par exemple, que sur un dossier aussi important que celui des finances publiques le directeur du Trésor, ancien collaborateur de M. Jospin, est toujours en charge de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Christian Bataille. Baratin !
M. le Premier ministre. Par conséquent, je crois que nous donnons l'exemple de l'esprit d'ouverture, et je souhaite que l'action de mon gouvernement soit, sur ce plan, comme sur d'autres, exemplaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Laurent Fabius

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Banques et établissements financiers

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 décembre 2002

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