Iran
Question de :
M. Pierre Lellouche
Paris (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Question posée en séance, et publiée le 8 juin 2006
UNION EUROPEENNE ET IRAN
M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe de l'UMP.M. Jacques Desallangre. La voix de l'Amérique !
M. Pierre Lellouche. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Jacques Desallangre. Washington nous parle !
M. Pierre Lellouche. Monsieur le ministre, hier matin, 6 juin, M. Javier Solana, Haut représentant de l'Union européenne, a présenté à Téhéran l'offre des " 5+1 " - les 5 membres permanents du Conseil de sécurité plus l'Allemagne - invitant la République islamique d'Iran à cesser ses activités liées à l'enrichissement de l'uranium et au retraitement du plutonium.
Les inspecteurs de l'AIEA ont découvert ces dernières années sur le terrain certains indices démontrant clairement l'existence d'un programme nucléaire clandestin - désormais semi-clandestin ! - de maîtrise du cycle du combustible,...
M. Jean-Claude Lefort. C'est faux !
M. Pierre Lellouche. ...qui, en l'absence de toute centrale électro-nucléaire civile en fonctionnement dans le pays, ne peut avoir d'autre finalité que militaire.
M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes un clone de Bush !
M. Pierre Lellouche. Au train où vont les choses, l'Iran pourrait posséder jusqu'à 3 000 centrifugeuses avant la fin de cette année et pourrait produire ce que l'AIEA appelle une " quantité significative " d'uranium enrichi - soit entre 25 et 30 kilos - dans les douze mois suivants. Autrement dit, à la fin de l'année 2007, la matière nécessaire à la fabrication d'une première arme pourrait être disponible.
Ce qu'il est désormais convenu d'appeler la " crise du nucléaire iranien " est donc, il faut en être conscient, au moins aussi grave que celle des missiles à Cuba, qui, en 1962, avait conduit le monde au bord du gouffre. Une telle prolifération, loin de conforter un statu quo d'ailleurs inexistant au Proche-Orient, ne pourrait qu'aggraver les risques d'embrasement et la prolifération elle-même dans d'autres pays de la région, de la Turquie aux pays arabes voisins, sans parler des risques qui pèseront sur les villes européennes, qui seront rapidement à portée de missiles balistiques iraniens.
Ces derniers mois, l'Iran n'a cessé de gagner du temps, refusant de stopper ses activités d'enrichissement, multipliant les menaces de rétorsion vis-à-vis de l'Occident - sans parler des menaces d'éradication vis-à-vis de l'État d'Israël. C'est ainsi que les activités de conversion de l'uranium ont été reprises à Ispahan au mois d'août 2005, tandis que les centrifugeuses de Natanz étaient mises en route au début de cette année.
Ces derniers jours, les hauts dirigeants du régime iranien, dont l'Ayatollah Khamenei, le guide suprême, n'ont manifesté aucune disposition au compromis, indiquant même qu'il n'était " pas possible d'accepter les pots-de-vin de l'ennemi ".
Ma question, monsieur le ministre, portera donc sur plusieurs points.
Pouvez-vous aujourd'hui en dire davantage à la représentation nationale sur le contenu de l'offre des " 5+1 " ? La presse s'est faite l'écho d'offres particulièrement généreuses, qui incluraient la construction de centrales nucléaires civiles et la livraison garantie de combustible,...
M. le président. Monsieur Lellouche, je vous prie de bien vouloir conclure.
M. Pierre Lellouche. Je termine, monsieur le président.
...la livraison de pièces détachées et de matériel aéronautique et le soutien à la candidature de l'Iran à l'OMC.
Pouvez-vous nous dire également ce qui est prévu au cas où l'Iran refuserait cette offre et quelles sont les initiatives que compte prendre la France dans ce dossier difficile ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur Pierre Lellouche, dans le dossier iranien, deux événements majeurs viennent de se dérouler cette semaine.
Pour la première fois, les Américains...
M. Jean-Pierre Brard. Qu'il connaît bien !
M. le ministre des affaires étrangères. ...ont accepté d'être derrière la proposition européenne faite à l'Iran, à condition, ce qui est excessivement important, que les Iraniens suspendent les activités nucléaires sensibles.
Le second événement s'est déroulé le 1er juin à Vienne lorsque les Russes, les Chinois, les Européens et les Américains se sont mis d'accord sur des propositions positives dans le domaine de l'énergie nucléaire civile mais aussi sur le plan commercial. Le but est de faire revenir l'Iran à la table de négociation.
C'est la raison pour laquelle Javier Solana s'est rendu hier à Téhéran, associé aux responsables politiques russes, allemands, britanniques et français. Il vient de rentrer et nous a dit que l'entretien avait été constructif.
Aujourd'hui, ce qui répondra précisément à votre question, l'Iran est devant ses responsabilités. Ou bien il accepte de revenir à la table de négociation en regardant ces propositions, et il devra alors - car un véritable problème de confiance se pose - adresser tous les signes susceptibles de redonner confiance à la communauté internationale. Ou bien il rejette ces propositions sans même les regarder, mais il faut alors savoir qu'à Vienne, à côté des propositions positives, nous nous sommes également mis d'accord sur des sanctions possibles. Et cela se verra au Conseil de sécurité des Nations unies. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean Glavany. Pourquoi n'applaudissent-ils pas plus ?
Auteur : M. Pierre Lellouche
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Relations internationales
Ministère interrogé : affaires étrangères
Ministère répondant : affaires étrangères
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 juin 2006