expulsion
Question de :
M. Patrick Braouezec
Seine-Saint-Denis (2e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
Question posée en séance, et publiée le 28 juin 2006
EXPULSIONS D'ELEVES SANS PAPIERS
M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.M. Patrick Braouezec. Monsieur le Premier ministre (" Il n'est pas là ! " sur les bancs du groupe socialiste), je veux revenir sur la situation des enfants et des jeunes migrants scolarisés qui sont arrivés très tôt en France ou qui y sont nés, leur famille ayant été contrainte à l'exil par la guerre, la répression ou tout simplement la misère. Rien ne les distingue des autres élèves, sinon leur situation administrative et la pression qu'ils subissent quotidiennement. Beaucoup d'entre eux sont décrits par les équipes enseignantes comme de bons éléments, qui font preuve d'une véritable volonté d'apprendre et de réussir.
Depuis quelques mois est apparue en France une résistance citoyenne et républicaine d'un genre nouveau : organisée par le réseau " Éducation Sans Frontières ", elle fédère de manière exceptionnelle des parents d'élèves, des associations, des enseignants et leurs syndicats, des élus, des citoyens, pour s'opposer aux expulsions programmées par votre gouvernement et organisées par les services préfectoraux dès la fin de cette semaine.
Nous avons même entendu dans cet hémicycle M. Pinte ou encore Mme Boutin vous demander d'humaniser une loi jugée liberticide.
Mais la circulaire en date du 6 juin ne règle en rien la situation des élèves et de leurs parents, qui, dans nos circonscriptions, demandent de l'aide à bon nombre d'entre nous, quelle que soit notre appartenance politique. Cette circulaire exige en effet le respect d'un grand nombre de critères cumulatifs.
C'est au nom d'une certaine idée de la République française, c'est surtout au nom de Liwei, vingt ans, chinois, Sergyi, dix-huit ans, ukrainien, Anifa, douze ans, congolaise, Nemanja, dix ans, yougoslave, et de centaines d'autres enfants, que je vous demande instamment de régulariser leur situation et celles de leurs familles, selon l'esprit et la lettre de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, et selon le principe fondamental du droit à l'éducation.
Au moment où le Président de la République et Gouvernement se targuent de la bonne santé politique, économique et sociale de notre pays et de son influence dans le monde, serait-il impossible d'offrir des conditions de vie décentes aux quelque 8 000 personnes concernées sur notre territoire ?
M. Bernard Roman. Très bien !
M. Patrick Braouezec. Confirmez-vous les propos d'un avocat à la cour, publiés aujourd'hui dans la presse, selon lesquels les services préfectoraux auraient indiqué à ceux qui se massaient aux portes de leurs bureaux que les familles devaient obligatoirement signer le formulaire d'acceptation de retour au pays d'origine pour obtenir un rendez-vous à la préfecture en vue d'une hypothétique régularisation sur la base de cette circulaire, alors même que signer un tel document interdit tout recours ?
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, un sujet aussi sensible mérite qu'on s'abstienne de tout esprit de polémique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Patrick Braouezec. Ma question n'était pas polémique.
M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Il s'agit d'abord de savoir pourquoi on en est arrivé là. En six ans, de 1997 à 2002 (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)...
Plusieurs députés du groupe socialiste. et ça, ce n'est pas de la polémique ?
M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. ...le nombre de demandeurs d'asile est passé, en France, de 20 000 à 80 000 par an - et cela ce n'est pas de la polémique. Le nombre de dictatures dans le monde ne s'est pas accru en six ans !
M. Patrick Braouezec. La misère si !
M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. C'est la démission, c'est le laxisme qui ont conduit à la misère et à l'impasse de ces situations ingérables. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Voilà qui n'a rien de polémique !
M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Face à cette situation, que faire ? Il y a trois solutions - pas quatre ! - et les Français doivent les connaître.
La première solution, qui est celle que présente l'extrême-droite, consiste à expulser tout le monde, à ne régulariser personne et à ne faire preuve d'aucune humanité. Cette solution est une impasse. Elle est le contraire de ce que veut faire le Gouvernement en vertu des principes de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
La deuxième solution, parfaitement républicaine, est également irresponsable, comme je vais m'en expliquer : elle consisterait à dire à toutes les familles de ces enfants qu'elles sont régularisées. Elle est irresponsable, car si l'inscription dans nos écoles est un droit, y ajouter le droit à la régularisation reviendrait à créer une nouvelle filière d'immigration légale que plus personne ne pourra contrôler ni maîtriser. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) À l'arrivée, on obtiendrait l'augmentation du racisme et de la xénophobie. Nul ne peut donc contester que, si cette solution est républicaine, elle est aussi irresponsable. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
La troisième solution consiste à traiter tous ces cas avec fermeté et humanité. J'ai donc demandé qu'on étudie chaque cas un par un et que les personnes qui sont en France depuis longtemps puissent être acceptées et régularisées. Les préfets ont tous les pouvoirs pour examiner chaque cas et, pour être sûrs que dans chaque département on traitera ces situations avec humanité, je nommerai demain un médiateur national qui harmonisera la politique dans l'ensemble des départements. Être fermes et humains : voilà la seule façon d'agir.
Monsieur Braouezec, vous n'avez pas été polémique ; ma réponse ne l'est pas non plus. Je suis sûr que le Parti socialiste, qui a très largement contribué par son laxisme à créer cette situation (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) ne se permettra pas de donner des leçons, parce qu'en la matière, il en a beaucoup à recevoir et aucune à donner. (Applaudissements vifs et prolongés sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Bernard Roman. Cet homme est dangereux !
Auteur : M. Patrick Braouezec
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : intérieur et aménagement du territoire
Ministère répondant : intérieur et aménagement du territoire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 juin 2006