Question au Gouvernement n° 3001 :
quotidiens

12e Législature

Question de : M. Michel Françaix
Oise (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 15 novembre 2006

SITUATION DE LA PRESSE ECRITE

M. le président. La parole est à M. Michel Françaix, pour le groupe socialiste.
M. Michel Françaix. Ma question s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication.
France-Soir et L'Humanité sur le fil du rasoir, Politis en crise et, aujourd'hui, la situation de Libération sonnent comme un ultime avertissement. La presse écrite d'opinion, axe majeur de la vie démocratique, est en péril, monsieur le ministre, et le Gouvernement et certains d'entre vous ne s'en soucient guère. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mort des quotidiens indépendants, journaux sans journalistes, " gratuits " laissés aux mains des grandes marques via la publicité, ou encore marchands d'armes, de béton ou financiers - peu concernés par le rôle démocratique de la presse - à la tête de journaux : voilà le triste bilan dont vous semblez vous satisfaire.
Acceptez-vous le principe de journaux sans journalistes, comme le propose Édouard de Rothschild pour Libération ? Pensez-vous vous que deux ou trois journaux adossés à de puissants groupes qui fondent leur stratégie sur la seule chasse au marché publicitaire suffisent pour répondre à notre exigence de diversité culturelle ? Pouvez-vous vous contenter d'une presse gratuite souvent sans vraie équipe rédactionnelle ? N'y a-t-il pas, monsieur le ministre, d'autre choix ? (" Nous ne voulons pas de presse d'État ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Épargnez-nous l'inventaire de vos mesurettes qui ont toutes échoué puisque les aides à la presse ne remplissent plus leur objectif : faire vivre le pluralisme.
M. Jean-Marc Roubaud. Posez votre question !
M. Michel Françaix. Ce système dépassé, inadapté, n'assure plus l'essentiel. Allez-vous enfin procéder à une refonte totale des aides à la presse qui permette de soutenir les titres indépendants ? Je n'ose croire que vous subissiez l'influence de l'activisme de certains pour empêcher qu'existe un journal clairement engagé à gauche dans la campagne électorale.
Allez-vous donc tout mettre en oeuvre pour éviter la disparition de Libération ou serez-vous, une fois encore, simple spectateur ?
M. Jean-Marc Roubaud. La question !
M. Michel Françaix. Devant cette carence consternante, avez-vous encore la volonté d'arrêter le scénario catastrophe ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Françaix, la question du pluralisme de la presse politique, aux yeux du Premier ministre, du Gouvernement et de la majorité présidentielle, n'est pas un sujet de polémiques, mais un sujet de convictions, à plus forte raison lorsqu'il s'agit de faire respecter un pluralisme critique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Depuis 2004, ceux qui, dans vos rangs, mesdames, messieurs les députés, ont voté avec fierté le budget de l'État ont par ce fait augmenté les aides directes à la presse écrite de plus de 30 %. C'est un effort sans précédent !
Dans le cas de Libération, l'État ne méconnaît pas son rôle de gardien du pluralisme et met tout en oeuvre pour l'assumer.
M. Jean-Christophe Lagarde. Qu'est-ce que ce serait s'il ne mettait pas tout en oeuvre !
M. le ministre de la culture et de la communication. Mon équipe et moi-même sommes en permanence mobilisés, tant avec la rédaction qu'avec les repreneurs éventuels. Quel rôle l'État peut-il jouer pour être efficace ? Il doit accompagner un projet.
M. Henri Emmanuelli. Dites plutôt qu'il accompagne un plan social !
M. le ministre de la culture et de la communication. Mais il ne doit pas se substituer à la rédaction libre d'un grand journal : ce projet, c'est celui d'un journal, de l'équipe des journalistes qui le portent librement, avec la passion et le professionnalisme qu'on leur connaît.
Ceux qui ont voté les derniers budgets ont permis que, hors aides à la distribution, les aides directes versées à Libération augmentent de 26 % entre 2004 et 2005.
M. Jean Ueberschlag. C'est beaucoup !
M. René Couanau. C'est trop !
M. le ministre de la culture et de la communication. Les mesures adoptées doivent être bien comprises à l'extérieur, car elles constituent des chances pour l'avenir de Libération comme pour celui d'autres quotidiens : dans la loi de finances pour 2007, deux dispositions fiscales essentielles visent à renforcer les fonds propres des entreprises de presse, donc à favoriser le pluralisme.
La première consiste à prolonger jusqu'en 2010 le dispositif spécifique de provisions pour investissements des entreprises de presse, qui arrivait à échéance à la fin de l'année.
La seconde introduit un nouveau mécanisme de réduction de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises entrant dans le capital des entreprises de presse éditant des publications d'information politique et générale. (Protestations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. le ministre de la culture et de la communication. Cette mesure entre immédiatement en application, si bien que les actionnaires actuels et les nouveaux actionnaires pourront en bénéficier.
Encore un mot, monsieur le président : le problème est essentiel !
Mes collègues de Bercy et moi-même sommes en train d'étudier de manière opérationnelle les modalités d'extension du champ du mécénat au pluralisme de la presse d'information quotidienne et générale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Données clés

Auteur : M. Michel Françaix

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Presse et livres

Ministère interrogé : culture et communication

Ministère répondant : culture et communication

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 novembre 2006

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