commerce international
Question de :
M. Jacques Desallangre
Aisne (4e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
Question posée en séance, et publiée le 16 janvier 2003
ACCORD GÉNÉRAL SUR LE COMMERCE DES SERVICES
M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
M. Jacques Desallangre. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, vous allez présenter la liste des services publics que vous souhaitez offrir à la concurrence et privatiser dans le cadre des négociations de l'AGCS, au sein de l'Organisation mondiale du commerce.
Le commissaire européen Pascal Lamy, qui négocie pour l'Europe, ce qui engage la France, nous invite à prendre nos responsabilités politiques et à ne pas nous défausser de celles-ci sur Bruxelles ou l'OMC. Sur ce point, comme il a raison ! L'Europe pourrait en effet, au lieu de collaborer à une libéralisation débridée, recueillir l'adhésion d'une large majorité de citoyens si, en son sein, la France faisait preuve d'une réelle volonté politique, par exemple en exportant son modèle de service public qui, seul, assure l'égalité d'accès de tous.
Mais M. Lamy se trompe à double titre lorsqu'il affirme que l'AGCS est élaboré de façon transparente et ne menace pas nos services publics. En effet, cet accord qui, astucieusement, tire les leçons du projet d'AMI que nous avons combattu avec succès sur ces bancs, s'élabore en dehors de tout contrôle démocratique. Qui connaît précisément la liste des services publics que la France soumettra au marché ? Les transports, l'énergie, l'enseignement, la santé, la poste ? Le vote des députés UMP hier, à Strasbourg, en faveur d'une libéralisation totale du rail, n'incite guère à l'optimisme.
Le colloque organisé par notre collègue Jean-Claude Lefort a certes permis de lever le voile sur cet abandon de souveraineté sans contrôle démocratique, mais personne n'est informé du contenu de cette liste, je le répète.
Le courage politique d'assumer vos décisions vous manquerait-il, monsieur le Premier ministre, dès lors que vous savez que celles-ci ne recueillent pas l'adhésion de ce peuple que vous qualifiez avec condescendance de « France d'en bas » ?
M. Dominique Dord. Arrêtez !
M. Jacques Desallangre. L'AGCS a pour objet de libéraliser tous les services et de réduire l'Etat. Demain, la poste, EDF-GDF, la SNCF, les écoles, les hôpitaux, les mutuelles, les assurances sociales (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. La question !
M. Jacques Desallangre. ... seront sacrifiés au marché, bradés aux entreprises privés chargées d'extraire pour leurs actionnaires le maximum de bénéfices plutôt que d'assurer à tous le meilleur service à un prix raisonnable.
M. le président. Posez votre question !
Mme Sylvia Bassot. Faites-le taire !
M. Jacques Desallangre. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous décidé à exiger pour la France un moratoire sur ces négociations tant que nous n'aurons pas obtenu des garanties juridiques précises sur la sauvegarde de l'ensemble de nos services publics ?
M. le président. Monsieur Desallangre, venez-en à votre question.
M. Jacques Desallangre. La France ne sera pas arrogante, elle défendra simplement un héritage intéressant et précieux.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au commerce extérieur.
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Si vous parlez de transparence en ce domaine, monsieur le député, je peux tout de suite vous répondre oui. Notre position fera l'objet d'une concertation avec les ONG et les parlementaires, tout simplement parce que ce sera la position de notre pays.
Par contre, si vous voulez dire que la négociation sur le commerce des services n'a pas d'importance, vous vous trompez.
M. Jacques Desallangre. C'est scandaleux !
M. le ministre délégué au commerce extérieur. Elle est, en effet, fondamentale ! Savez-vous que l'Union européenne est le premier commerçant de services dans le monde et la France le troisième ? Savez-vous que le commerce extérieur de services représente 10 % de l'emploi en France ? Nous avons donc une action à la fois offensive et défensive à mener.
Il est bien évident que la banque, les services de l'environnement - eau, traitement des déchets - et les assurances sont des domaines importants, pour lesquels nous avons des demandes à formuler aux autres pays, et nous le faisons.
Sur ce plan défensif, depuis 1999, nous avons donné pour mandat à l'Union européenne de sanctuariser tous les biens culturels et l'audiovisuel. En outre, en juin 2002, ce gouvernement a déclaré dans le cadre de l'Union européenne qu'il ne devrait jamais y avoir de libéralisation concernant la santé et l'éducation.
Concernant les autres sujets, ce sont des fantasmes que d'imaginer que les autres pays nous demandent de libéraliser comme vous le décrivez ! En réalité, il n'y a presque pas de demande en ce sens, si ce n'est de la Suisse, qui demande une libéralisation des services de l'énergie, ou du Japon, qui demande de petites modifications techniques.
Je vous invite donc à prendre connaissance précisément de ces questions.
M. Jacques Desallangre. Je n'ai pas de leçon à recevoir !
M. le ministre délégué au commerce extérieur. Vous pouvez être sûr que nous ne voulons pas, avec Jean-Pierre Raffarin, subir. Nous avons au contraire décidé de construire la mondialisation en partenariat avec tous ceux qui ont quelque chose à nous apporter. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Auteur : M. Jacques Desallangre
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Relations internationales
Ministère interrogé : commerce extérieur
Ministère répondant : commerce extérieur
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 janvier 2003