police
Question de :
M. Arnaud Montebourg
Saône-et-Loire (6e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 29 novembre 2006
FICHIERS DE LA POLICE
M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le groupe socialiste. (" Robespierre ! " et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)M. Yves Nicolin. Ségolin !
M. Arnaud Montebourg. Ma question s'adresse à M. Sarkozy.
Le sénateur UMP qui préside la Commission nationale informatique et libertés, la CNIL, qui est chargée de protéger les citoyens contre les abus de pouvoir en matière de fichage, vient de déclarer : " Ce qui se passe dans notre pays depuis deux ans est particulièrement grave. Je constate une dérive du fichage que je considère comme très dangereuse. " De fait, on recense en France 100 millions de fiches de police et de gendarmerie, soit près de deux fiches par habitant.
La CNIL constate une explosion des recours formés par des particuliers mis en cause à tort sur la base de fichiers dont vous avez la responsabilité.
M. Guy Teissier. Et les écoutes de Mitterrand ?
M. Arnaud Montebourg. Un rapport, datant seulement de la semaine dernière, de l'Observatoire national de la délinquance, fait état de graves dysfonctionnements dans la gestion des fichiers et révèle que ceux-ci contiennent jusqu'à 30 % de noms inscrits par erreur, et ces erreurs portent gravement atteinte à l'honneur de citoyens intègres.
M. Guy Teissier. Et les écoutes de Mitterrand ?
M. Arnaud Montebourg. Encore plus grave, la CNIL vient de se déclarer en cessation de paiement, ayant été étranglée financièrement par le Gouvernement : tandis que ce dernier multiplie, d'un côté, les fichiers, il affaiblit volontairement, de l'autre, l'autorité chargée d'empêcher les dérives !
M. Yves Nicolin. Baratin !
M. Arnaud Montebourg. Pendant vos cinq années de pouvoir, monsieur le ministre, vous avez fait croire aux Français qu'il leur faudrait, pour renforcer leur sécurité, renoncer à une part de leurs libertés fondamentales.
M. Guy Teissier. Et les écoutes de Mitterrand ?
M. Arnaud Montebourg. Vous avez systématiquement attaqué tous les contre-pouvoirs :...
M. Yves Nicolin. Baratin !
M. Arnaud Montebourg. ...les magistrats indépendants, les journalistes qui vous déplaisent,...
M. Jean-Marc Roubaud. Et les écoutes de Mitterrand ?
M. Arnaud Montebourg. ...les autorités indépendantes qui vous résistent, les députés de l'opposition, et même certains de vos amis qui s'inquiètent légitimement de vos excès. (" Et les écoutes ? " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Aujourd'hui, la vérité est cruelle : vous avez mis en danger les libertés de nos concitoyens, sans que ceux-ci vivent davantage en sécurité. Au contraire, vous êtes responsable d'une hausse continue de la délinquance depuis 2002.
Qu'avez-vous à répondre à ce bilan aussi désastreux qu'inquiétant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Lucien Degauchy. Menteur !
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, vous me permettrez de ne pas répondre sur le même ton. Vous êtes connu pour vos excès.
M. Christian Paul. Pas vous ?
M. Lucien Degauchy. Montebourg se prend pour Robespierre !
M. Jean Glavany. Sarko ne connaît pas les excès !
M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Je vous les laisse, car ce sont des affaires sérieuses, monsieur Montebourg, qu'il faut traiter sérieusement. (" Très bien ! " et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La police moderne doit passer de la culture de l'aveu à celle de la preuve. L'aveu, c'était la police d'avant. La preuve, cela doit être la police de demain et même d'aujourd'hui.
M. Jean-Pierre Defontaine. Voilà la rupture !
M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Quelle est la méthode pour passer de la police de l'aveu à la police de la preuve ? C'est de donner des moyens à la police scientifique et technique.
M. Charles Cova. Très bien !
M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Quel est le vecteur qui permet de donner des moyens à la police scientifique et technique ? Ce sont les fichiers.
M. Bernard Roman. Les fichiers des innocents !
M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Prenons un exemple, monsieur Montebourg : le fichier national des empreintes génétiques.
M. Lucien Degauchy. Montebourg ne comprend rien !
M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Quand je suis devenu ministre, il y avait 4 000 empreintes. Aujourd'hui, il y en a près de 400 000. Si vous vous étiez préoccupé de l'évolution de ce fichier national, un violeur en série comme M. Guy Georges n'aurait pas pu commettre le massacre qu'il a commis en violant et en tuant sept jeunes filles. (" Très juste ! " et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Martine David. C'est lamentable ! Ce n'est pas digne d'un ministre !
M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Je n'accuse personne. Je ne fais que décrire une réalité qui devrait vous amener à la plus grande discrétion.
M. Henri Emmanuelli. Vous oubliez Landru !
M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Nous avons deux désaccords, monsieur Montebourg.
Le premier, c'est sur notre conception des victimes. Pour vous, les victimes, ce sont les délinquants. Pour moi,...
M. Philippe Martin. C'est l'échec !
M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. ...ce sont les Français qui se demandent chaque jour pourquoi, sur le territoire de la République, on donne la primauté à ceux qui empoisonnent la vie des autres, sans récompenser ceux qui travaillent dur pour faire vivre leur famille. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le second désaccord, c'est sur notre conception de la liberté. Pour moi, la liberté, ce n'est pas de laisser en liberté un violeur ou un tueur en série, parce que cela fait peur à une organisation gauchiste que l'on mette des empreintes génétiques dans un fichier tel qu'en connaissent toutes les démocraties dans le monde ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Henri Emmanuelli. Rendez-nous Chirac !
M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Moi, je veux une police efficace. C'est cela, la police d'aujourd'hui, monsieur Montebourg ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Bernard Roman. Minable !
Mme Martine David. Ce n'est pas digne d'un ministre de la République !
Auteur : M. Arnaud Montebourg
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : intérieur et aménagement du territoire
Ministère répondant : intérieur et aménagement du territoire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 novembre 2006