politique et réglementation
Question de :
M. Jean-Marie Le Guen
Paris (9e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 9 octobre 2002
RÉPRESSION ET PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste.
M. Jean-Marie Le Guen. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.
Monsieur le garde des sceaux, vous avez fait adopter cet été dans la précipitation et sans aucune concertation (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) des dispositifs de répression susceptibles d'entraîner de graves dérives à l'encontre des libertés de tous les Français.
Je prendrai trois exemples. La suspension des allocations familiales pour les familles d'un mineur délinquant a été critiquée, pour son inefficacité et son caractère injuste, non seulement par l'ensemble des personnels de la justice des mineurs (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), mais aussi, avec une grande fermeté, par les organisations familiales.
La création du délit d'outrage aux enseignants a été refusée par les enseignants eux-mêmes (Protestations sur les mêmes bancs)...
M. Richard Mallié. Par les syndicats !
M. le président. Laissez M. le Guen s'exprimer !
M. Jean-Marie Le Guen. ... et les organisations de parents d'élèves. Cette mesure a soulevé un tel tollé que le ministre de l'éducation nationale s'est senti obligé d'expliquer qu'il s'agissait là d'une disposition purement symbolique, qui n'avait pas vocation à être mise en oeuvre. Singulière conception de la politique pénale...
M. Claude Goasguen. Vous pouvez parler !
M. Jean-Marie Le Guen. La systématisation de la possibilité de recourir aux témoignages anonymes a été dénoncée par tous les juristes libéraux comme une atteinte au principe de responsabilité des citoyens. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. François Goulard. C'est faux !
M. Jean-Marie Le Guen. Ces dispositifs et les discours qui les accompagnent désignent comme cible les jeunes et plus particulièrement les plus défavorisés, les moins intégrés d'entre eux. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Philippe Briand. Les voyous !
M. Jean-Marie Le Guen. Dans le même temps, avec un cynisme incroyable, vous supprimez des milliers de postes de surveillant à l'école, vous déstabilisez, par la suppression des emplois-jeunes, l'ensemble des associations de médiation et de prévention. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Dès lors, monsieur le garde des sceaux, ne pensez-vous pas qu'il est aujourd'hui nécessaire de rééquilibrer votre politique dans le sens de la prévention (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), afin d'éviter que de profondes fractures ne viennent dangereusement et durablement accroître les tensions de notre société ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je voudrais vous remercier d'avoir rappelé certaines des mesures qui ont été votées par la majorité de cette assemblée pour faire cesser l'un des scandales majeurs de notre société, l'absence de liberté pour les plus faibles en raison de l'insécurité qui, trop souvent, règne dans nos quartiers et dans nos écoles. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Dans le cadre de la concertation qui a entouré la préparation du texte du 9 septembre dernier, j'ai moi-même reçu soixante délégations d'organisations diverses, et mes collaborateurs en ont reçu autant. Certes, nous n'avons pas donné satisfaction à toutes les personnalités avec lesquelles nous avons discuté, mais engager la concertation ne signifie pas être systématiquement d'accord sur tout avec tout le monde. (« Exactement ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) C'est plutôt écouter, puis décider, en fonction de la conception que l'on a de l'intérêt général. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
J'en viens maintenant à la question que vous avez bien voulu me poser in fine. Je rappelle très clairement que la politique du Gouvernement, sous l'autorité du Premier ministre et dans les orientations fixées par le Président de la République, c'est précisément l'équilibre entre la prévention et la sanction. Nous avons en effet la conviction qu'il n'est pas d'éducation sans sanction.
Pour conforter ma démonstration, je citerai deux chiffres. J'ai très clairement énoncé le premier au moment de la présentation de la loi de programmation sur la justice : au cours des cinq prochaines années, nous allons augmenter de 20 % le nombre d'éducateurs du ministère de la justice. Pour ce qui est du seul budget 2003, j'ai annoncé hier, lors d'un déplacement à Créteil, l'augmentation du nombre de juges pour enfants pendant la seule année 2003 de 20 %, car j'ai la conviction que nous devons porter une attention particulière à la justice des mineurs.
M. François Goulard. Très bien !
M. le garde des sceaux. Nous disposons maintenant d'un dispositif législatif qui nous en donne les moyens, et je souhaite que le nombre de magistrats et d'éducateurs puisse accompagner la modification de notre cadre législatif. Le Gouvernement est déterminé et nous nous donnons les moyens d'appliquer la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Auteur : M. Jean-Marie Le Guen
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 octobre 2002