politique de l'emploi
Question de :
M. Éric Besson
Drôme (2e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 29 janvier 2003
EMPLOI
M. le président. La parole est à M. Eric Besson, pour le groupe socialiste.
M. Eric Besson. Monsieur le Premier ministre, depuis l'été 2002 nous vous disons que la politique économique que vous suivez n'est pas celle qui permettra à notre pays de garder le cap de la croissance et de l'emploi. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Vous avez préféré baisser l'impôt sur le revenu, donc augmenter l'épargne, plutôt que de soutenir la consommation populaire. Vous avez vidé de sa substance la loi sur les 35 heures (Protestations et huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française),...
M. Guy Geoffroy. Heureusement !
M. Eric Besson. ... vous privant ainsi d'un outil de création d'emplois. Vous avez adopté un budget 2003 fondé sur une hypothèse de croissance de 2,5 %, hypothèse irréaliste à laquelle ne croyait même pas le ministre de l'économie, vous obligeant aujourd'hui à préparer, un mois à peine après le vote de la loi de finances, un plan de rigueur qui s'annonce drastique. Vous avez baissé de 6 % le budget de l'emploi, opérant des coupes claires dans les dispositifs emplois-jeunes, contrats aidés, insertion par l'économique.
Vous aviez annoncé une grande loi sur l'attractivité économique et la création d'entreprises. Nous allons débattre, la semaine prochaine, d'un projet de loi Dutreil inachevé, bancal (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), qui se caractérise avant tout par de nouvelles exonérations fiscales. On nous annonce aussi, à cette occasion, un amendement visant à supprimer l'impôt sur la fortune, mesure que le Gouvernement n'a pas osé porter lui-même, préférant une nouvelle fois laisser faire le travail par quelques députés UMP.
M. Bernard Roman. Scandaleux !
M. Eric Besson. Enfin, vous avez pris la lourde responsabilité de suspendre plusieurs articles fondamentaux de la loi de modernisation sociale, notamment ceux qui portaient sur l'étude d'impact, l'information des salariés ou le recours à un médiateur, créant ainsi une insécurité juridique qui ne pouvait qu'être une incitation à accélérer les plans sociaux. Aujourd'hui ces plans sociaux et restructurations sont annoncés chez Daewoo, Metaleurop, Arcelor, Matra, Philips, ACT. J'arrête là une liste qui pourrait être beaucoup plus longue !
M. Gérard Léonard. Merci la gauche !
M. le président. Monsieur Léonard, calmez-vous !
Mme Martine David. Merci le MEDEF !
M. Eric Besson. Le Gouvernement improvise, comme chaque fois qu'il est confronté à une difficulté, une politique de communication tous azimuts destinée à masquer son inaction.
M. Michel Herbillon et M. Yves Nicolin. Baratin !
M. Eric Besson. La task force, pour reprendre votre expression, que vous mettez aujourd'hui en avant, est en faite une « task farce » , car chacun sait qu'elle n'a rien fait depuis six mois ! (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. Monsieur Besson, voulez-vous poser votre question s'il vous plaît ?
M. Eric Besson. J'y arrive ! J'ai presque fini.
M. le président. Il ne faut pas avoir presque fini, il faut terminer !
M. Eric Besson. Jusqu'à ces dernières quarante-huit heures, elle était en effet privée de moyens matériels et humains.
M. Yves Nicolin. Farceur !
M. Eric Besson. Je conclus, monsieur le président, en interpellant le Premier ministre directement.
Vous, monsieur le Premier ministre, qui depuis votre nomination êtes étrangement silencieux concernant l'économie et l'emploi, au moment où votre ministre du travail ose affirmer que vouloir empêcher des plans sociaux c'est vouloir empêcher la maladie. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française ; claquements de pupitres.)
M. André Berthol. Baratin !
M. le président. Monsieur Besson, vous avez dépassé votre temps ! Posez votre question, sinon je vous retire la parole !
M. Eric Besson. Monsieur le Premier ministre, allez-vous vous impliquer personnellement sur ce dossier ? L'emploi est-il encore une priorité de ce gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le député, François Fillon ayant été complet tout à l'heure, j'interviens pour exprimer ma conviction sur ce sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Je voudrais dire clairement que la politique que mène le Gouvernement s'inscrit dans une situation économique et politique internationale particulièrement difficile. On ne peut aujourd'hui mésestimer cette situation, car l'attentisme économique international qui en découle peut poser des difficultés à l'économie de la France et aux décideurs de notre pays. Nous devons bien mesurer à quel point l'économie européenne dans son ensemble est fragile face à cet attentisme international.
La politique que nous menons est simple. C'est une nouvelle politique de l'offre sur le plan économique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), qui consiste à permettre aux entreprises de faire face aux difficultés économiques dues à cette croissance molle. Nous tenons donc à dire clairement, ici, que nous souhaitons alléger les charges des entreprises (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), pour que l'emploi ne soit pas taxé dans notre pays. En effet, qui peut croire aujourd'hui que la priorité d'un pays est l'emploi quand celui-ci est taxé comme il l'est en France ? (Mêmes mouvements.)
Détaxons l'emploi pour pouvoir le multiplier ! C'est la raison pour laquelle nous avons allégé les charges. Je le dis ici : je ne suis favorable ni à une réforme de l'ISF (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), ni à une réforme de la TVA, ni à une réforme de l'impôt sur le revenu. En revanche, je suis favorable à tous les allégements fiscaux et sociaux (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) qui permettent à l'argent, non pas de dormir, car dans ce cas il doit être taxé, mais, au contraire, de travailler pour l'emploi, pour l'investissement et pour les entreprises. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Nous sommes très attentifs à ce que les entrepreneurs puissent développer leur capacité d'embauche. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas faire preuve de la plus grande sévérité vis-à-vis de ceux qui n'exercent pas leurs responsabilités.
M. Jacques Desallangre. Et ils sont nombreux !
M. le Premier ministre. Le Gouvernement a donc décidé de réunir, demain, un comité interministériel spécial (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), après que le garde des sceaux aura réuni l'ensemble des procureurs généraux, cet après-midi, pour que l'Etat de droit soit respecté partout dans notre pays. Quand une usine brûle, on doit savoir pourquoi elle brûle et quand on constate des manoeuvres internationales, on doit savoir exactement pourquoi elles sont entreprises ! Après avoir réuni les informations qui viendront de la justice, du travail et de l'industrie, nous pourrons assurer le développement d'un programme global pour les entreprises et pour les salariés.
M. Christian Bataille. Tartuffe !
M. le Premier ministre. Notre réponse est donc triple. D'abord, le droit doit être respecté - droit fiscal, droit social, droit du travail, droit économique -, car notre pays doit être un Etat de droit.
Ensuite, comme l'a dit le ministre du travail, nous assurerons le droit personnel pour chacune et chacun à la reconversion (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), au reclassement, parce que nous sommes touchés, nous aussi, au plus profond de nous-mêmes par ces blessures, ces coups de poignard portés à nos territoires et à nos entreprises.
Enfin, nous proposerons un contrat de crise spécial à chacun des territoires, pour mettre en commun les moyens de l'Etat et des collectivités territorales afin de bâtir des stratégies de reconversion et des projets qui permettront à ces territoires de retrouver l'espoir ! (Mmes et MM. les députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française se lèvent et applaudissent longuement.)
Auteur : M. Éric Besson
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Emploi
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 29 janvier 2003