transports maritimes
Question de :
M. Alain Juppé
Gironde (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Question posée en séance, et publiée le 29 janvier 2003
MARÉES NOIRES
M. le président. La parole est à M. Alain Juppé, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Balligand. On le croyait à la retraite !
M. Alain Juppé. Monsieur le Premier ministre, vous connaissez, puisque vous vous êtes rendu sur place, l'ampleur du désastre écologique qui frappe le littoral atlantique. Pour nous tous - je parle tout particulièrement au nom des Aquitains, mais en solidarité avec les autres régions concernées - c'est une blessure, c'est la souillure d'un patrimoine naturel auquel nous tenons de toutes nos fibres. C'est aussi une grave menace économique pour le tourisme et pour l'ensemble des métiers de la mer.
Je ne m'attarderai pas sur la description de ce que nous subissons, marée après marée, sans voir la fin du combat que mènent sur le terrain, de manière exemplaire, les militaires, les pompiers, les agents de la sécurité civile et des ministères concernés, les bénévoles et les élus. Nous préférons l'action aux lamentations.
Dans cet esprit, je voudrais vous poser trois séries de questions.
D'abord, comment arrêter la pollution à sa source ? On nous dit que les opérations de colmatage du Prestige ne seront efficaces que pour un temps. Et après ?
Ma deuxième série de questions porte sur les moyens humains, matériels et financiers. Dans quels délais les crédits budgétaires annoncés seront-ils débloqués pour rembourser les communes qui ont déjà avancé des sommes très importantes ? Avons-nous l'espoir d'obtenir de Bruxelles un redéploiement des dotations inutilisées du FEDER vers la zone littorale ? L'Etat français peut-il s'engager, comme il l'avait fait au moment de la catastrophe de l'Erika, à geler ses créances sur le FIPOL pour permettre une indemnisation prioritaire des autres sinistrés ?
Enfin, il y a l'avenir. Que pouvez-vous nous dire sur l'engagement des poursuites pénales, nationales ou internationales, à l'encontre de ceux qu'on a qualifiés de criminels contre notre patrimoine naturel ?
M. Jacques Desallangre et M. André Gerin. Ce sont des voyous !
M. François Liberti. Des voyous des mers !
M. Alain Juppé. Avons-nous un espoir d'accélérer la mise en oeuvre d'une politique européenne de sécurité maritime,...
M. François Liberti. Aucun espoir !
M. Alain Juppé. ... qu'il s'agisse du retrait des pétroliers à simple coque, de la détection et de la répression systématiques du dégazage en mer, puisque nous en avons les moyens techniques, ou de la définition de zones de protection écologique le long de nos côtes ?
Monsieur le Premier ministre, dans l'instant, sous votre impulsion et celle de Mme Roselyne Bachelot, la mobilisation de tous a été exemplaire. Mais nous nous demandons si, avec le temps, ne viendront pas la routine et l'oubli. Nous avons confiance en votre vigilance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le Premier ministre, je partage votre inquiétude et votre détermination.
Je suis moi aussi très inquiet, parce que cette crise est à répétition et que, pour être très sincère, nous avons des difficultés à en voir la fin. Le Nautile a terminé ses travaux de colmatage, mais cela veut dire qu'on est passé de 100 tonnes à 10 tonnes de fuite par jour, ce qui reste important.
La situation est insupportable. Marée après marée, comme vous le dites, la même cause continue à produire ses terribles effets.
Les autorités espagnoles ont lancé un appel d'offres international en vue de supprimer complètement les fuites. Elles se prononceront le 15 février. Nous aurons alors une solution technologique pour mettre un terme aux fuites. Mais tant qu'elles ne seront pas définitivement colmatées, la crise perdurera. Il faut mobiliser l'ensemble des acteurs au service de cette dynamique qui consiste à s'attaquer à la source des pollutions en procédant au colmatage définitif.
M. Christian Bataille. Cessez d'enfiler les évidences !
M. le Premier ministre. Messieurs, ce sont des sujets très douloureux sur lesquels il faut faire preuve d'une extrême modestie. Je suis moi-même très inquiet quand je vois le peu de moyens dont nous disposons pour faire face à une catastrophe de cette ampleur pour notre patrimoine et notre activité économique. Si quelqu'un, dans l'hémicycle, a une solution facile à proposer, je suis à sa disposition pour le recevoir tout de suite. ((Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Christian Bataille. M. de la Palice...
M. le président. Monsieur Bataille, je vous en prie !
M. le Premier ministre. En ce qui concerne les moyens engagés en mer, nous disposons de bâtiments de la marine, mais aussi de chalutiers, qui ont déjà réussi à récupérer 2 600 tonnes. Ce travail en mer, que je salue, doit être poursuivi, car il a montré son efficacité. Je salue notamment les chalutiers vendéens pour leur apport technologique au dispositif.
Plus de 1 000 personnes sont aujourd'hui sur place. Ces effectifs seront évidemment maintenus et même renforcés en tant que de besoin.
En ce qui concerne les moyens financiers, 23 millions d'euros ont d'ores et déjà été mis à la disposition des préfectures. Lorsque cet argent sera consommé, nous pourrons injecter 27 millions d'euros supplémentaires pour venir en aide aux communes.
Sur le plan judiciaire, une action a été engagée par le parquet de Brest sur l'ensemble des conséquences de la catastrophe.
Par ailleurs, le Président de la République a obtenu à Copenhague la reconnaissance des dispositions de Malaga, que nous avons déjà mises en oeuvre, puisque nous avons écarté un certain nombre de bâtiments de notre zone à risque.
Enfin, nous avons multiplié les contrôles. Aujourd'hui, je peux le dire, tous les navires à risque sont contrôlés, ce qui n'était pas le cas dans le passé. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Il reste du travail à faire, mais nous atteindrons, dès le printemps prochain, le taux de 25 %. C'est un objectif sur lequel la France s'était engagée, mais rien n'avait été fait pour l'atteindre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Auteur : M. Alain Juppé
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Transports par eau
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 janvier 2003