licenciement économique
Question de :
M. Jacques Desallangre
Aisne (4e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
Question posée en séance, et publiée le 10 avril 2003
LICENCIEMENTS
M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
M. Jacques Desallangre. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Il ne répond pas quand on l'interroge !
M. Jacques Desallangre. Cela ne fait rien ! Mais il est vrai que la question précédente portait sur un sujet sérieux et qu'elle aurait mérité une réponse de M. le Premier ministre. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
Monsieur le Premier ministre, quelle que soit la conjoncture économique - croissance ou récession -, les plans sociaux se succèdent, inexorablement.
M. Jean-Michel Ferrand. C'est l'héritage !
M. Jacques Desallangre. Ne serait-ce que depuis votre arrivée au Gouvernement, ce sont plus de 125 000 personnes supplémentaires qui ont été privées d'emploi.
Mais le plus révoltant, c'est que, trop souvent, cela se produit sans aucune raison économique. « Licenciements économiques », assurent les employeurs. En fait, c'est de licenciements boursiers qu'il s'agit. Car, alors même qu'elle est prospère, telle ou telle entreprise annonce des plans dits « sociaux » et jette à la rue des centaines, voire des milliers de salariés. Pourtant le rôle de l'Etat ne doit-il pas être de protéger les plus faibles, de réduire les inégalités et l'injustice sociale ?
C'est pourquoi mes collègues du groupe communiste et républicain et moi-même avons déposé, hier après-midi, une proposition de loi tendant à redéfinir la notion de licenciement économique et à proscrire les licenciements boursiers.
Mais, dès aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, je vous pose la question : accepterez-vous de faire discuter cette loi ? Accepterez-vous d'envisager que soit interdit un licenciement dit « économique » quand il est décidé par une entreprise qui fait des bénéfices, constitue des réserves et distribue des dividendes à ses actionnaires ? Accepterez-vous qu'en cas d'infraction à cette interdiction, les actionnaires - je dis bien les actionnaires, pas l'entreprise - supportent les conséquences financières de leurs décisions, et qu'ainsi l'on mette fin à une situation où les bénéfices sont pour les actionnaires et les sacrifices pour la collectivité nationale ? Allez-vous accepter de bannir le terme de « licenciements économiques » quand il s'agit en fait de licenciements boursiers, qui créent artificiellement de la valeur pour l'actionnaire, mais qui créent, hélas, pour les salariés, l'insécurité, la détresse, la misère ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur divers bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, je suis choqué, comme vous, de ces mouvements de la Bourse, qui semble se réjouir des licenciements. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Jean Le Garrec. Ce sont des larmes de crocodile !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est ignorer le respect que l'on doit aux salariés qui travaillent pour la réussite des entreprises en France. C'est ignorer la réalité vécue par les familles à l'occasion de ces licenciements.
Mais, monsieur le député, vous donnez une mauvaise réponse à une bonne question. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) En suggérant que l'Etat devrait interdire les licenciements économiques et taxer les actionnaires, vous ignorez la réalité du monde économique.
M. Richard Mallié. Exactement !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pourtant, monsieur le député, votre précédente tentative en ce sens, à l'occasion du vote de la loi de modernisation sociale, avait été, je vous le rappelle, sanctionnée par le Conseil constitutionnel. (Exclamations sur les même bancs.) C'est, monsieur le député, que le fonctionnement des entreprises suppose la confiance des investisseurs, en France et à l'étranger. Or cette confiance ne peut pas s'accommoder de rigidités administratives comme celles que vous suggérez d'instaurer. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nos entreprises ont des atouts à faire valoir sur les marchés extérieurs. Les isoler, les couper du reste du monde, ce serait sacrifier des emplois dans notre pays.
M. Jacques Desallangre. Pas de grands mots !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous devons, au contraire, construire un modèle dans lequel la mondialisation est maîtrisée, avec des règles socialement justes.
M. Jean-Claude Lefort. Ce n'est pas le cas !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est le thème de la responsabilité sociale des entreprises, que la France défend au niveau européen et qu'elle défendra à la prochaine réunion du G8 à Evian.
Dans cet esprit, monsieur le député, j'ai d'ailleurs demandé aux partenaires sociaux de négocier sur les règles à appliquer en matière de licenciement et sur le traitement social des restructurations. Vous aviez, à l'époque, ironisé sur la capacité des partenaires sociaux à se saisir de ce dossier. Eh bien, vous aviez tort, ils s'en sont saisis. J'attends maintenant leur réponse pour vous présenter, avant la fin de l'année, un texte qui permettra de modifier en conséquence le droit du travail.
M. Jean-Claude Lefort. Par ordonnances ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Enfin, monsieur le député, je souhaite rappeler aux entreprises que nous sommes à la veille d'un retournement démographique qui va mettre en évidence la nécessité pour les entreprises d'investir dans les compétences de leurs salariés et de les fidéliser.
M. Jacques Desallangre. Et surtout de les respecter !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il faut désormais que les entreprises y pensent aussi avant de licencier. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Auteur : M. Jacques Desallangre
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : affaires sociales, travail et solidarité
Ministère répondant : affaires sociales, travail et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 avril 2003