Question au Gouvernement n° 562 :
décentralisation

12e Législature

Question de : M. David Habib
Pyrénées-Atlantiques (3e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 30 avril 2003

DÉCENTRALISATION À L'ÉDUCATION NATIONALE

M. le président. La parole est à M. David Habib, pour le groupe socialiste.
M. David Habib. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Il n'y en a pas !
M. David Habib. Comme pour l'emploi, les retraites et la santé, les Français, monsieur le ministre, appréhendent vos projets et contestent vos décisions en matière scolaire. Aujourd'hui, c'est votre démarche, abusivement qualifiée de « décentralisation », qui inquiète. Après la diminution des moyens, après la suppression des aides-éducateurs et des surveillants, après la remise en cause effective de la scolarisation des enfants de deux ans, qui participe aussi de la politique familiale, vous poursuivez le démantèlement de l'éducation nationale. (Protestations sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Votre seul objectif est de transférer les charges de l'Etat aux collectivités locales.
Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est vrai !
M. Richard Mallié. Et vous, qu'est-ce que vous avez fait il y a vingt ans ?
M. David Habib. Les personnels enseignants, techniques et administratifs, les parents d'élèves, dans l'enseignement primaire, au collège et au lycée, contestent l'éclatement de l'équipe éducative et l'inégalité que vous encouragez entre les enfants, entre les établissements et entre les territoires. Ils dénoncent la mise en cause du service public et les probables privatisations que ce dispositif entraînera.
Dès le 18 mars en Aquitaine, puis dans les autres académies, les Français sont descendus dans la rue pour vous demander d'ouvrir un vrai dialogue, que ne peuvent remplacer - vous en conviendrez, monsieur le ministre - la publication d'un livre et quelques déplacements en province. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Thierry Mariani. La question !
M. David Habib. Vous aviez cru à tort que les vacances entraîneraient une démobilisation. Il n'en est rien. Le mouvement de contestation est profond, résolu, unanime. Il est temps, monsieur le ministre, d'apaiser les relations au sein de l'école.
M. Michel Bouvard. Lisez le rapport de la Cour des comptes !
M. David Habib. Je vous poserai donc une seule question, qui appelle une réponse claire et brève : comptez-vous, oui ou non, maintenir cette réforme (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
M. le président. Ne faites pas les réponses à la place du ministre !
M. David Habib. ... qui illustre votre politique : une politique qui porte atteinte au service public de l'éducation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le député, je ne connais hélas qu'un seul moyen de n'inquiéter personne, c'est de ne rien faire, mais ce n'est pas le choix que j'ai fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Comme le souligne fort justement le dernier rapport de la Cour des comptes, nous avons assisté depuis une quinzaine d'années à deux types de réformes dans l'éducation nationale.
M. Alain Néri. Qui était responsable des programmes : M. Ferry, n'est-ce pas ?
M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Il y a d'abord les réformes qui consistent à ajouter quelque chose aux dispositifs existants. On procède par empilement, par exemple en ajoutant l'enseignement des langues vivantes à l'école primaire ou en créant des classes à projets artistiques et culturels. Ce n'est pas forcément mauvais, loin de là, mais cela ne demande en fait aucun courage particulier puisque personne n'est violemment contre l'enseignement des langues dans le primaire ou la création de classes artistiques.
Et puis, il y a une deuxième façon de réformer, qui consiste à s'attaquer à l'existant...
M. Christian Bataille. « S'attaquer », c'est le bon terme !
M. François Hollande et M. Alain Néri. Vous attaquez l'école !
M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... en modifiant les structures. C'est ce que nous avons fait avec la loi sur les assistants d'éducation qui, j'ai le plaisir de vous le rappeler, vient d'être validée par le Conseil constitutionnel, avec la loi sur la décentralisation, qui est en cours de rédaction sous l'égide du Premier ministre, et avec la loi sur l'autonomie des universités, que je présenterai devant vous au mois de juin.
Le vrai problème, aujourd'hui, ce n'est évidemment pas le démantèlement du service public.
M. Christian Bataille. C'est pourtant bien ce que vous faites !
M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Je rappelle encore une fois qu'il n'y a aucun démantèlement du service public, mais une décentralisation qui est évidemment de bon sens. Nous préciserons dans la loi de décentralisation les missions des personnels qui seront confiés à la fonction publique territoriale, de même que nous préciserons qu'ils continueront de faire partie des équipes éducatives.
Le vrai problème de l'enseignement, aujourd'hui, c'est que les professeurs n'en peuvent plus de voir arriver dans les collèges des élèves qui ne savent pas suffisamment lire et écrire. C'est qu'ils n'en peuvent plus d'exercer dans des conditions d'insécurité et d'incivilité insupportables (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française) et qui entraînent une crise des viviers de recrutement. C'est qu'ils n'en peuvent plus de voir l'échec de leurs élèves au sein du collège unique, contre lequel ils se sont massivement prononcés, alors que ce collège ne permet pas de découvrir la voie professionnelle suffisamment tôt. Voilà le vrai problème des enseignants.
M. Bernard Roman. Leur vrai problème, c'est qu'ils n'en peuvent plus de vous avoir pour ministre !

M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. C'est pourquoi je voudrais recentrer leur métier sur ce qui les intéresse vraiment : la transmission des savoirs et la transmission des valeurs républicaines, que Jean-Pierre Raffarin évoquait tout à l'heure. Voilà les vraies missions des enseignants et je veux faire les réformes de structure qui leur permettront de redonner un sens à leur métier, alors que, parfois, dans les établissements, le sens s'est obscurci au point que nous avons 16 % de crise des vocations cette année dans le secondaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Christian Bataille. Vous êtes un destructeur de l'école !

Données clés

Auteur : M. David Habib

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : État

Ministère interrogé : jeunesse et éducation nationale

Ministère répondant : jeunesse et éducation nationale

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 avril 2003

partager