Question au Gouvernement n° 611 :
réforme

12e Législature

Question de : M. Jean Le Garrec
Nord (12e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 14 mai 2003

RÉFORME DES RETRAITES

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec, pour le groupe socialiste.
M. Jean Le Garrec. Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, je souhaite à mon tour vous interroger, avec beaucoup de gravité et de calme - comme celui dont font preuve les millions de citoyennes et de citoyens qui manifestent aujourd'hui - sur le problème extrêmement grave des retraites.
Dans une proportion de 71 %, les salariés sont hostiles à votre projet. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Charles Cova. Ils sont manipulés !
M. Thierry Mariani. Qu'avez-vous fait ?
M. Jean Le Garrec. Je vous demande, monsieur le ministre, d'éviter d'utiliser certains mots.
Vous parlez de la « cohérence » ? Nous vous ferons part, le moment venu, de nos propositions alternatives. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous contestons par ailleurs vos chiffres.
M. Jean-Paul Anciaux. Ils sont responsables !
M. Jean Le Garrec. Et nous vous prouverons leur inexactitude.
Monsieur le ministre, n'utilisez pas des mots comme « indécence » : c'est insultant et déplacé. Le projet mérite d'autres vocables et d'autres arguments.
Il est injuste. En outre - et c'est assez étonnant -, il n'est même pas équilibré pour 2008. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous comptez le financer par un transfert des cotisations chômage vers les retraites. C'est un pari plus que risqué.
Mme Martine David. C'est sûr !
M. Jean Le Garrec. Les résultats de votre politique de l'emploi le confirment aujourd'hui.
Vous refusez d'alimenter le fonds de réserve de façon durable et pérenne, ce qui permetrait de gommer une grande partie des difficultés.
M. Richard Mallié. Vous ne l'avez pas fait pendant ces cinq ans !
M. Jean Le Garrec. Vous proposez un redéploiement des prélèvements obligatoires, sans donner aucun élément chiffré. En définitive, monsieur le ministre, et c'est là tout le débat, vous faites peser l'essentiel de l'effort sur les salariés du privé et du public. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Richard Mallié. Parce qu'il y en a d'autres ?
M. Jean Le Garrec. Cette absence de « cohérence » - je vous renvoie le mot - dans le financement montre que vous avez bien d'autres idées en tête, vous voulez faire entrer par la fenêtre les fonds de pensions auxquels nous avions fermé la porte, lesquels renforceront encore les inégalités. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Quelle véritable garantie apportez-vous ? Injustice aujourd'hui, non-maîtrise de l'ensemble de votre projet pour l'avenir, voilà ce que les citoyennes et les citoyens refusent, et ce que nous combattrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Bernard Accoyer. Quel culot !
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Le Garrec, je veux vous dire, avec la même gravité et avec le même calme, que nous serions très curieux de connaître le projet alternatif du parti socialiste. (« Absolument ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Si vous voulez que nous puissions le prendre en compte dans la construction de la réforme, il ne faudrait pas tarder car nous avons l'intention de déposer le projet de loi au conseil des ministres dans quinze jours. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
En ce qui concerne la cohérence des positions du Parti socialiste sur les retraites, je ne souhaite pas, monsieur Le Garrec, que vous m'obligiez à lire devant vous (« Si » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) les déclarations de Lionel Jospin, le 21 mars 2000 : « Il pourrait être envisagé de prendre en compte, et en contrepartie de l'allongement de la durée de cotisation, une partie des primes des fonctionnaires dans le calcul. » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mme Martine David. Et alors ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ou celles de François Hollande, en avril 2002 : « Il faut discuter de l'allongement de la durée de cotisation. »
Mme Martine David. Ce n'est pas la question.
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ou celles, toujours, de François Hollande, à RTL, en 2000 : « La formule qui nous paraît la mieux à même de maintenir le niveau des salaires d'aujourd'hui et des retraites de demain, c'est effectivement un allongement progressif de la durée de cotisation. » (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Ou encore celles de Laurent Fabius, le 20 mars 2000 : « Je crois que l'on doit aller vers une certaine harmonisation entre les différents régimes, régime général et régime fonctionnaire. » (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Michel Herbillon. Encore !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, vous affirmez que nous n'allons pas abonder le fonds de réserve. C'est faux. Nous allons l'abonder. Nous l'avons déjà fait, d'ailleurs, quasiment à la même hauteur que vous et nous allons continuer à le faire.
M. Bernard Accoyer. Très bien !
M. Jean Le Garrec. C'est là-dessus que doit porter le débat.
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le fonds s'élève à 13 milliards d'euros aujourd'hui, et le projet de loi prévoira son abondement.
L'Assemblée doit cependant savoir que le fonds de réserve n'a d'utilité qu'entre 2020 et 2040 tandis que la réforme que nous proposons doit permettre d'aller jusqu'en 2020. Le fonds de réserve ne sera utile, le cas échéant, pour lisser les retraites, qu'après cette date.
M. Bernard Accoyer. Très bien !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Quant la critique que vous nous faites de trop miser sur la baisse du chômage, on ne peut pas, monsieur le député, demander aux Français un effort supplémentaire parce qu'il va y avoir un retournement démograpique et en même temps refuser qu'ils puissent bénéficier des avantages de ce retournement démographique. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean Le Garrec. Ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Quand 300 000 personnes supplémentaires partiront à la retraite à partir de 2006, alors même que les classes d'âge qui arriveront en activité seront des classes d'âge numériquement faibles, il y aura un effet mécanique.
M. Maxime Gremetz. Ne vous avancez pas trop vite.
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il ne sera peut-être pas aussi important que le Conseil d'orientation des retraites l'a imaginé. En tout cas, avec un taux de chômage moyen entre cinq et six points, on peut augmenter les cotisations retraites de l'ordre de deux à trois points.
Mme Martine David. Vous ne comprenez rien.
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Si l'on n'y parvient pas, nous serons, en effet, madame, dans une situation extraordinairement difficile et la seule solution sera de baisser le niveau des pensions. C'est ce que nous voulons éviter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Mme Martine David. Bien sûr !

Données clés

Auteur : M. Jean Le Garrec

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Retraites : généralités

Ministère interrogé : affaires sociales, travail et solidarité

Ministère répondant : affaires sociales, travail et solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 mai 2003

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