relations avec le Gouvernement
Question de :
M. François Hollande
Corrèze (1re circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 12 juin 2003
RESPECT DANS LE DÉBAT DÉMOCRATIQUE
M le président. La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, je veux vous interroger avec calme (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) mais avec gravité. (Mêmes mouvements.)
Ici, nous représentons tous la France. Le suffrage universel nous a conféré cette légitimité-là, et elle est exigeante.
M. Edouard Landrain. Eh oui !
M. François Hollande. La France nous l'avons, monsieur le Premier ministre, en partage, pas en propriété. Il n'y a donc pas deux sortes de parlementaires, les patriotes ou les partisans.
M. Jean-Claude Lefort. Ni deux civismes !
M. Yves Fromion. Mais vous avez chanté L'Internationale !
M. François Hollande. Il n'y a pas deux France, une bonne et une mauvaise. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ce vocabulaire-là est d'une autre époque, que nous ne voulons par revoir. Que l'on soit dans la majorité ou dans l'opposition, nous agissons les uns et les autres, les uns après les autres, au gré des alternances - et elles ont été nombreuses - en fonction de ce que nous croyons être l'intérêt général.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tu parles !
M. François Hollande. Nous pouvons diverger sur les solutions. Nous pouvons nous affronter, même durement, sur les projets. Nous pouvons avoir d'autres choix, et ils sont légitimes, notamment quant à cette question majeure des retraites. Mais nous pensons tous sincèrement, servir notre pays en fonction de nos idées et de nos convictions.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !
M. François Hollande. Nul ne peut dès lors s'arroger la vérité, le sens de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) et encore moins - encore moins ! - l'idéal patriotique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Georges Tron. Il a raison !
M. François Hollande. Enfin, pour ce qui concerne les socialistes, vous pouvez, monsieur le Premier ministre, contester autant qu'il vous plaira leurs choix, leurs positions, leurs doctrines, leurs valeurs, mais il y a une chose que vous ne pouvez pas leur dénier et que nous n'accepterons pas que vous leur déniiez, c'est le sens de l'intérêt national ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Je vous en prie, donnez un autre spectacle !
M. François Hollande. Ce sens de l'intérêt national, nous l'avons montré lorsque nous étions au Gouvernement de la France. Ce sens de l'intérêt national, nous l'avons montré aussi dans une circonstance grave pour le pays où nous, nous avons préféré, en effet, la République à nos intérêts partisans ! Ne l'oubliez pas, c'était le 5 mai 2002 ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Richard Mallié. Quelle est donc la question ?
M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, vous avez souhaité à juste titre dans votre déclaration de politique générale améliorer les relations républicaines avec l'opposition. Vous pouvez en donner aujourd'hui une preuve. Si vous pensez, comme nous tous, que le respect - le respect, oui ! - est le fondement de la démocratie, si vous souhaitez clore - et je pense que c'est nécessaire - un incident regrettable, alors, je vous le demande, avec gravité : ajoutez le sens des responsabilités à la courtoisie républicaine et retirez cette phrase-là, elle est de trop ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le député, je veux vous répondre avec la même gravité. Oui, j'ai moi aussi le respect au coeur, et je considère, comme vous qu'il doit être le fondement de notre démocratie. C'est ce qui nous rassemble. Je ne nie pas que votre famille politique ait été au rendez-vous de la République au printemps dernier, et à propos de l'Irak, au rendez-vous des engagements de la France. Je ne le nie pas. Mais j'ai été déçu. Sur un sujet tel que les retraites, - c'est-à-dire sur l'avenir de la France -, je pensais qu'un débat pourrait avoir lieu comme cela a été le cas dans beaucoup de pays d'Europe (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), un débat rassemblant l'ensemble du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Je comprends votre réaction. Je n'ai voulu et je ne veux offenser personne. (« Alors retirez cette phrase ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
Mais si je comprends, je demande aussi à être compris. Je veux que vous compreniez aussi mon émotion quand j'ai entendu entonner l'Internationale chantée dans cet hémicycle. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Je veux que vous compreniez mon émotion quand j'ai vu que seule une partie de l'Assemblée se levait pour chanter notre hymne national. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Nous sommes à égalité d'émotion, je vous comprends mais je demande que vous compreniez l'émotion qui a été la mienne dans ces circonstances. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Eric Besson. Scandaleux !
M. le Premier ministre. Je souhaite vraiment que nous puissions maintenant engager un débat au fond sur le sujet des retraites. Et il est très important pour le pays que ce débat soit serein et porte sur la réalité du texte proposé. C'est ce qui doit nous rassembler.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Retirez la phrase !
M. le Premier ministre. J'ai dit toute ma compréhension...
Mme Martine David. Retirez votre phrase, alors !
M. le Premier ministre. ... et je tiens aussi à affirmer, avec la plus grande détermination, que je respecte l'ensemble des groupes politiques ici rassemblés.
Mme Martine David. Ce n'est pas vrai !
M. le Premier ministre. Je les respecte, mais cela ne veut pas dire que l'on puisse s'autoriser n'importe quel comportement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Peut-être me suis-je habitué aux critiques acerbes et sévères et ai-je surestimé la résistance des autres à ces critiques qu'il m'a bien fallu endurer moi aussi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Reprenons le débat démocratique. Dépassons ces événements. Venons-en à l'essentiel : le débat sur les retraites. Je vous remercie, monsieur le député, de votre question. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Auteur : M. François Hollande
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Parlement
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 juin 2003