relations avec le Gouvernement
Question de :
M. Laurent Fabius
Seine-Maritime (4e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 12 juin 2003
RESPECT NÉCESSAIRE EN DÉMOCRATIE
M. le président. La parole est à M. Laurent Fabius, pour le groupe socialiste.
M. Laurent Fabius. Monsieur le Premier ministre, il peut arriver à chaque responsable politique, dans son expression, que ce soit au Parlement ou à l'extérieur, de déraper. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Dans ce cas, il existe une procédure bien connue, d'ailleurs fréquemment utilisée, qui ne rabaisse jamais ceux qui l'utilisent, qui consiste tout simplement à présenter ses regrets, ses excuses. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Georges Tron. Vous ne l'avez jamais fait !
M. Laurent Fabius. Vous avez dit hier des socialistes qu'ils préféraient leur parti à leur patrie. Vous n'avez pas voulu tout à l'heure retirer ces propos. Nous pensons que c'est à tort et nous le regrettons.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et lors de l'affaire Greenpeace, vous vous êtes excusé ?
M. Laurent Fabius. Vos propos d'hier, comme ceux de tout à l'heure, nous inspirent au moins trois courtes leçons. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Claude Goasguen. La question !
M. Laurent Fabius. La première concerne les attaques qui ont été les vôtres.
M. Jean Marsaudon. Et eux, à Dijon, il n'ont pas attaqué ? Ce sont des voyous !
M. Laurent Fabius. Elles n'ont pas porté sur le contenu de nos choix politiques. On peut en effet discuter de la façon d'aborder le problème des retraites, de la santé ou tout autre sujet. Elles ont porté sur le fait que, selon vous, les socialistes, et donc aussi leurs électeurs, sont incapables d'incarner l'intérêt national.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvemnt populaire. C'est vrai !
M. Laurent Fabius. C'est le thème bien connu de l'anti-France. Nous ne saurions accepter un tel argument (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui relève d'autres partis que les partis démocratiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean Marsaudon. Roquet !
M. Laurent Fabius. La deuxième leçon, monsieur le Premier ministre, c'est que ces propos éclairent d'un jour singulier vos leçons sur le rassemblement. Vous parlez volontiers la main sur le coeur de rassemblement, mais, dès que le public s'y prête, vos paroles sont des paroles de division et même d'exclusion (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), et cela, nous le regrettons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Richard Mallié. Quel culot !
M. Laurent Fabius. Quant à la troisième et dernière leçon, elle est inspirée par l'histoire. Il y a une tradition, non pas dans toute la droite - le général de Gaulle n'a jamais procédé ainsi (Exclamations sur plusieurs bancs de l'Union pour un mouvement populaire), mais dans une certaine droite, qui consiste à pratiquer ce genre d'exclusive.
Ce fut le cas à l'égard de Jaurès. Ce fut le cas à l'égard de Blum. Ce fut le cas à l'égard de Mendès France, dont pourtant vous vous réclamez. Ce fut le cas à l'égard de François Mitterrand. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Et la leçon de l'histoire a toujours été la même : si l'on se rappelle la figure de ceux qu'on a calomniés, on oublie, monsieur Raffarin, jusqu'au nom des calomniateurs. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Lamentable !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Très vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le Premier ministre, je ne vous ferai pas le coup du « vous parlez au Premier ministre de la France » ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je n'ai jamais été un excellent élève,...
Mme Martine David et M. Julien Dray. Cela se voit !
M. le Premier ministre. ... mais là, la leçon est un peu forte ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
J'ai toujours fait partie de ceux qui ont su respecter...
Plusieurs députés du groupe socialiste. Prouvez-le !
M. le Premier ministre. Je peux vous le prouver (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et je vais vous le prouver tout de suite ! J'ai été le premier à dire « bravo » à Dominique Strauss-Kahn (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...
Plusieurs députés du groupe socialiste. Des excuses !
M. le Premier ministre. ... quand, à vingt heures une, le soir du 21 mai, il a pris position en faveur d'un front républicain ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
M. le Premier ministre. D'autres ont été plus lents à réagir ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je n'ai pas attaqué les personnes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Si !
M. le Premier ministre. Ecoutez mes propos. J'ai parlé de nos adversaires, pas des socialistes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste),...
Mme Martine David. Si !
M. le Premier ministre. ... et cela a été repris sur plusieurs antennes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. André Vallini. Vous n'êtes pas courageux !
M. le Premier ministre. Soyons précis ! J'ai dit : « Nos adversaires, dans l'opposition, ont oublié leur mémoire, ils ont oublié le rapport Rocard sur les retraites, ils ont oublié le rapport Mauroy sur la décentralisation. » (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Ayrault. Non !
Mme Martine David. Et après ? Ce n'est pas cela, la phrase !
M. le Premier ministre. Ensuite, je n'ai pas exprimé une certitude, j'ai formulé une hypothèse. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. François Hollande. Laquelle ?
Plusieurs députés du groupe socialiste. Qu'avez-vous dit ?
M. le Premier ministre. Le débat politique qu'attendent aujourd'hui les Français, c'est le débat sur les retraites, et je ne crois pas que ce soit en retirant une phrase...
Mme Martine David. Si ! Retirez-la !
M. le Premier ministre. ... de son contexte que l'on pourra empêcher le débat d'avoir lieu (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), car c'est un débat important pour l'avenir de la France ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Mme Martine David. C'est du baratin !
M. le Premier ministre. Il s'agit de l'équité pour l'avenir ! Comme je l'ai dit tout à l'heure à M. Hollande, je tiens à votre disposition les enregistrements. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Bernard Roman. On a entendu !
M. le Premier ministre. Je comprends votre émotion, j'ai demandé que l'on comprenne la mienne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Plusieurs députés du groupe socialiste. Non !
M. le Premier ministre. Je respecte l'opposition ! Je crois qu'aujourd'hui, pour tous ceux qui sont de bonne foi, l'incident est clos ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. François Loncle. Pitoyable !
M. Jean-Pierre Blazy et M. Bernard Roman. Lamentable !
M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues !
Auteur : M. Laurent Fabius
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Parlement
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 juin 2003