code des marchés publics
Question de :
Mme Élisabeth Guigou
Seine-Saint-Denis (9e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 12 juin 2003
RÉFORME DES MARCHÉS PUBLICS
M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Guigou, pour le groupe socialiste. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, Mme Guigou n'a encore rien dit !
Mme Elisabeth Guigou. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.
Mais je voudrais d'abord, si vous le permettez, dire un mot à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le Premier ministre, nous attendions de vous un mot, un seul, qui aurait pu être : « Si je vous ai blessés, je le regrette, et je suis prêt à retirer ma phrase. » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Vous, c'est tous les jours que vous nous blessez ! Et deux Pater et trois Ave !
Mme Elisabeth Guigou. Ce mot, vous ne l'avez pas dit : c'est très dommage et très triste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Monsieur le garde des sceaux, votre gouvernement a fait voter une loi qui l'autorise à légiférer par ordonnances pour réformer les marchés publics. Cette réforme, nous dit-on, est destinée à simplifier les procédures. Cet objectif de simplification est louable en soi, et nous ne le récusons pas par principe, au contraire. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais la réforme que vous préparez va bien au-delà. De fait, toutes les règles mises en place depuis dix ans pour assurer la concurrence, la transparence, et garantir la moralité de la vie publique sont remises en cause.
Par exemple, dans 95 % des cas, les marchés de travaux ne seraient plus soumis à appel d'offres. On permettrait de nouveau à une même entreprise d'être chargée à la fois de la conception, de la réalisation et de l'entretien d'un ouvrage public,...
M. Albert Facon. C'est une grande braderie !
Mme Elisabeth Guigou. ... possibilité qui avait été proscrite par la loi, car elle facilitait la corruption.
Un député du groupe socialiste. Voir la mairie de Paris !
Mme Elisabeth Guigou. J'ai trois questions. Comment seront, à l'avenir, assurées la transparence et la régularité des marchés publics ? Comment éviterez-vous, si vous supprimez les garanties actuelles, que pèse sur nos élus et responsables publics un soupçon généralisé, alors que, dans la très grande majorité des cas, ce soupçon est totalement injustifié ?
M. François Goulard. Mais de quoi parle-t-elle ?
Mme Elisabeth Guigou. Comment éviterez-vous que, en vertu du principe pénal d'application de la loi la plus douce, la loi nouvelle ne s'applique à des affaires en cours d'instruction et n'aboutisse à une amnistie des délits de favoritisme (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) - je pense aux marchés des lycées d'Ile-de-France, à ceux de la ville de Nice, aux marchés de rénovation des lycées de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et aux marchés des HLM de la ville de Paris ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean Marsaudon. Et URBA ?
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et Nantes ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Plusieurs députés du groupe socialiste. On veut le garde des sceaux !
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame la députée, c'est moi qui ai voulu la réforme du code des marchés publics. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Si je l'ai voulue...
M. Bernard Roman. C'est pour le MEDEF !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... ce n'est pas pour créer les situations que vous craignez...
M. Bernard Roman. Vous êtes le porte-parole du MEDEF !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... mais, au contraire, pour donner à toutes les collectivités territoriales la capacité de mieux acheter, de mieux négocier (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), de négocier plus vite et, par conséquent, d'être plus efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans tous les domaines, y compris dans celui-là, les meilleures intentions du monde peuvent quelquefois aboutir à des résultats différents de ceux qui étaient souhaités.
M. Jérôme Lambert. C'est exactement ce qui va se passer !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le nouveau code des marchés publics applicable depuis 2001 constitue assurément un progrès sur certains points.
M. Bernard Roman. C'est un langage de patron, pas de ministre !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais il n'offre pas aux deux acteurs que sont l'acheteur et le vendeur la capacité de discussion, d'amélioration, de réactivité qui sont nécessaires lorsque l'on veut bien acheter.
M. Jérôme Lambert. Commissions !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est hors de question pour nous de créer les conditions que vous craignez en ce qui concerne ce que vous appelez l'irresponsabilité des acteurs. Tout se fera dans la transparence. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Albert Facon. Magouilles !
M. le président. Monsieur Facon !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La transparence, madame, a bel et bien été préservée, puisque le projet de décret a été publié, de manière volontaire, sur le net du MINEFI...
M. Bernard Roman. Sur le quoi du quoi ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... après avoir été l'objet d'une importante concertation avec des élus...
M. Augustin Bonrepaux. Magouilles !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et afin de recueillir l'avis des acteurs du marché, pour introduire, si nécessaire, les modifications de nature à éviter tout malentendu.
Nous travaillons donc dans la transparence, en toute responsabilité, pour que les collectivités locales et l'Etat aient une capacité accrue d'acheter bien, vite, de manière transparente et responsable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Bernard Roman. C'est la voix du CNPF que nous avons entendue ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Monsieur Roman, on n'entend que votre voix !
Auteur : Mme Élisabeth Guigou
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Marchés publics
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 juin 2003