Question au Gouvernement n° 745 :
Iraq

12e Législature

Question de : M. Paul Giacobbi
Haute-Corse (2e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 19 juin 2003

DIPLOMATIE DE LA FRANCE

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe socialiste.
M. Paul Giacobbi. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Le 19 mars dernier, dans un communiqué à l'Agence France Presse, j'indiquais : « Pendant quelques semaines, nous avons voulu occuper le premier rang. C'était sans doute un grand moment pour nos dirigeants mais, à moins que l'on persiste à confondre le spectacle et l'influence, les mots et les actes, les applaudissements furtifs et les engagements diplomatiques, l'heure du bilan risque d'être celui d'une importante perte de crédibilité internationale pour la France. »
Nous sommes à l'heure de ce bilan ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Vous vous faisiez en remarquer monsieur le ministre, par vos formules et vos attitudes flamboyantes, et vous en êtes aujourd'hui à quémander un geste, un regard, une parole de la puissance dominante. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ce qui est en cause, ce n'est pas le choix fondamental et parfaitement justifié de la paix, de la stabilité, la volonté de faire primer le droit sur la force vous avez à cet égard bénéficié de la part de l'opposition d'un soutien exceptionnel.
Ce qui est en cause, c'est une diplomatie incohérente qui est brusquement passée des principes au pragmatisme, de la grandiloquence à l'effacement, de l'agressivité à la soumission, de la clarté à l'ambiguïté (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Un seul exemple : vous placiez l'ONU au centre de tout. Vous nous dites aujourd'hui qu'elle revient. Elle revient, certes, mais dans quel état ?
La résolution 1483, que vous avez soutenue, revient à renoncer à toute remontrance à l'égard des puissances de l'autorité occupante, à leur conférer un mandat pratiquement illimité, à leur donner le contrôle du produit des exportations d'hydrocarbures irakiens, à réduire le rôle de l'ONU à celui d'observateur et, au passage, à transférer un milliard de dollars de la caisse de l'ONU à New York à celle des Etat-Unis à Bagdad.
Plusieurs députés du groupe socialiste. Bravo !
M. Paul Giacobbi. Monsieur le ministre, vous avez évoqué aux Nations unies la France debout face aux hommes, face à l'histoire.
M. Yves Nicolin. Débranchez-le !
M. Paul Giacobbi. Nous n'en sommes pas là, nous n'en sommes plus là. Nous ne sommes plus debout. Pouvez-vous nous dire au moins où nous en sommes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Vous avez raison, monsieur le député (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), la diplomatie, ce n'est pas l'art du spectacle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est la détermination, la persévérance, la ténacité,...
M. François Hollande. Oui !
M. le ministre des affaires étrangères. ... et parfois même l'humilité. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Sur l'Irak, les principes que nous avons défendus hier, nous les défendons aujourd'hui : ...
M. Jean-Pierre Blazy. Et demain ?
M. le ministre des affaires étrangères. ... l'exigence de légitimité, d'unité de la communauté internationale, de responsabilité.
M. François Hollande. Ce ne sont que des mots !
M. le ministre des affaires étrangères. C'est important face aux drames que nous voyons dans cette région du Moyen-Orient, face à la nécessité du réalisme, si l'on veut avancer dans l'intérêt de l'Irak, dans l'intérêt du Moyen-Orient, dans l'intérêt de la stabilité du monde.
C'est pour cela que nous avons voté la résolution 1483. Relisez les projets successifs de résolution, vous mesurez le travail accompli. Vous constaterez qu'il y bien un retour des Nations unies. Il se traduit aussi par la nomination d'un représentant du Secrétaire général, M. Vieira de Mello, dont tout le monde s'accorde à dire que sa personnalité exceptionnelle peut faire la différence dans ce dossier,...
M. Patrick Lemasle. C'est insuffisant !
M. le ministre des affaires étrangères. ... et par la définition d'un mécanisme transparent de gestion des ressources pétrolières. Il sera temps de faire le bilan. Là encore, c'est une exigence de responsabilité sur la scène internationale.
M. Patrick Lemasle. Vous avez cédé !
M. le ministre des affaires étrangères. Certification du désarmement, nécessité que l'ONU puisse prendre toute sa place au terme de ce processus, respect de la souveraineté de l'Irak et mise en place d'une autorité irakienne légitime : il faut un processus légitime, un processus politique, et nous travaillons en ce sens.
M. Christian Bataille. Vous n'êtes pas très convaincant !
M. le ministre des affaires étrangères. Tout cela suppose à la fois la vigilance et une attitude constructive de la communauté internationale, et telle est bien l'attitude de la France.
Au niveau bilatéral, nous poursuivons la remontée en puissance de notre présence en Irak, à travers une section d'intérêt, à travers la nomination d'un coordonnateur interministériel, M. François Dopfer, qui suivra l'ensemble des opérations de reconstruction.
Au niveau multilatéral, nous participerons à la conférence des donateurs, qui sera organisée par les Nations unies à New York le 24 juin. En même temps, nous restons engagés dans la région pour les autres crises, et en particulier celle du Proche-Orient. Bagdad est évidemment essentielle pour la stabilité, mais n'oublions pas la situation du Proche-Orient et de Jérusalem. C'est le message que le Conseil européen de Thessalonique apportera à la communauté internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Données clés

Auteur : M. Paul Giacobbi

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 juin 2003

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