Question au Gouvernement n° 913 :
établissements

12e Législature

Question de : Mme Élisabeth Guigou
Seine-Saint-Denis (9e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 19 novembre 2003

LUTTE CONTRE LE RACISME ET L'ANTISÉMITISME

M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Guigou, pour le groupe socialiste.
Mme Elisabeth Guigou. Monsieur le Premier ministre, dans la nuit de vendredi à samedi, à Gagny, en Seine-Saint-Denis, un incendie criminel a détruit des bâtiments d'une école juive ; M. Pandraud vient d'en parler.

Cet acte odieux vient après une longue liste d'agressions visant nos concitoyens de confession juive : jets de pierres contre des synagogues, dégradation de cimetières, insultes et rackets contre des enfants et des adolescents juifs dans les transports en commun ou même parfois, hélas, dans les écoles, agressions physiques contre des rabbins.
Ces violences intolérables contre nos concitoyens juifs doivent cesser. Chacune de ces attaques est une attaque contre la République et ses valeurs. C'est la communauté nationale tout entière qui doit s'élever contre l'antisémitisme et contre toute forme de racisme.
Hier, le Président de la République s'est exprimé au nom de la nation. Votre gouvernement, vous venez vous-même de le rappeler, a annoncé des initiatives auxquelles nous sommes prêts à nous associer. Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre pour sanctionner implacablement de tel actes et aussi pour assurer une meilleure prévention à l'école et dans la société, afin d'éviter la banalisation des actes et des propos racistes et antisémites ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Madame la députée, lorsqu'on regarde les chiffres terribles concernant l'antisémitisme, on constate pratiquement une multiplication par vingt des actes ou des menaces antisémites dans la période 2000-2001-2002. Si je le dis, c'est pour indiquer que nous avons affaire à une nouvelle forme d'antisémitisme. Il ne s'agit plus de l'antisémitisme de l'extrême droite - celle-ci a totalement disparu dans les établissements scolaires, il faut le dire (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) - mais d'un antisémitisme d'origine islamiste, lié très clairement à la réfraction des conflits du Moyen-Orient. C'est cela qu'il faut d'abord combattre. Comment ?
J'ai réuni à plusieurs reprises les recteurs et les chefs d'établissement pour leur indiquer que l'on ne pouvait pas se contenter de convoquer des conseils de discipline pour prononcer des sanctions disciplinaires et qu'il ne fallait pas hésiter à porter plainte. Tous ceux qui l'ont fait me confirment que cette politique de fermeté est très efficace. Contre cette pédagogie de la compréhension qui a trop dominé le monde scolaire dans les dernières années, la première chose à faire est de rappeler que nous avons besoin de rétablir l'autorité et que l'autorité sans sanction n'existe pas.
Deuxièmement, vous-même posiez très justement la question : quelle prévention doit-on mettre en place aujourd'hui ? Je le dis quitte à choquer certains : nous ne sommes plus au temps des leçons de morale ni même des cours d'instruction civique. L'autre jour, j'ai lu une fiche remplie par un élève à qui on demandait ce qu'il aimait et ce qu'il n'aimait pas. Il avait répondu : « J'aime le foot, je n'aime pas les juifs » ! Ce n'est pas avec des leçons de morale qu'on va remédier à ce type de comportement.
Mme Martine David. Alors, que faire ?
M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Il faut développer une pédagogie nouvelle, inventer de nouveaux cours d'instruction civique. La semaine prochaine, je mettrai sur internet un livret républicain qui aura la particularité non seulement d'être un guide pratique pour les chefs d'établissement, mais aussi de faire appel aux documentaires, aux films, à la fiction (Murmures sur les bancs du groupe socialiste) pour répondre à ces nécessités pédagogiques nouvelles. J'ai vu Nuit et Brouillard quand j'avais quatorze ans : je peux vous dire que cela m'a marqué à vie. Voir un film comme La Liste de Schindler ou lire un livre comme Le Choix de Sophie, c'est parfois beaucoup plus utile qu'un cours d'instruction civique et un rappel des principes de la IIIe République, même si on doit aussi, évidemment, rappeler ces principes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Nous avons besoin, sur ces sujets, de réinventer l'instruction civique - ou, si l'on y tient, les leçons de morale. C'est ce que nous sommes en train de faire ; vous pourrez le constater dès la semaine prochaine sur l'internet. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Données clés

Auteur : Mme Élisabeth Guigou

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Enseignement

Ministère interrogé : jeunesse et éducation nationale

Ministère répondant : jeunesse et éducation nationale

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 novembre 2003

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