commerce international
Question de :
M. François Grosdidier
Moselle (1re circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Question posée en séance, et publiée le 19 novembre 2003
TAXES AMÉRICAINES SUR L'ACIER
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour le groupe UMP.
M. François Grosdidier. Monsieur le ministre de l'économie et des finances, fils de sidérurgiste, élu de Lorraine, je ne vous apprendrai rien, car vous connaissez cela mieux que personne mais il est utile de rappeler au Gouvernement et au Parlement que, en une génération en Lorraine, nous avons perdu 100 000 emplois directs dans la sidérurgie, les mines de fer et les houillères, sous les gouvernements de gauche et de droite, et d'ailleurs davantage sous les premiers que sous les seconds. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Les esprits en sont toujours marqués et notre terre en souffre encore physiquement, comme en témoignent les affaissements miniers qui nous préoccupent tant aujourd'hui. Les hommes ont été reconvertis, des territoires ont été requalifiés et notre industrie a été affûtée. Nous avons payé le prix fort pour que notre sidérurgie soit la plus compétitive. Il a donc fallu à la fois opérer de bons choix stratégiques et accepter bien des sacrifices pour que notre industrie devienne aussi hautement performante. Nous vendons de l'acier haut de gamme sur tous les continents.
M. Jean-Claude Lefort. Sauf aux Etats-Unis !
M. François Grosdidier. Notre acier habille non seulement les voitures françaises, mais aussi les grosses berlines allemandes et américaines.
Tous les pays producteurs, dont les Etats-Unis, n'ont pas accepté les mêmes sacrifices. Nous avons donc à affronter une concurrence émergente des pays en voie de développement, ce qui n'est pas toujours facile à accepter, mais le plus inacceptable a été la mise en place de barrières douanières par les Etats-Unis, en mars 2000, pour entraver l'exportation de notre acier sur leur marché en le frappant de surtaxes pouvant atteindre jusqu'à 30 %. On ne peut pas admettre ce libre-échange pratiqué à sens unique par la première puissance commerciale du monde.
M. Jean-Claude Lefort. Exact !
M. François Grosdidier. Ce protectionnisme est si grossier que l'OMC a jugé les mesures américaines illégales et a sommé les Etats-Unis de les abolir sans délai.
M. Jean-Claude Lefort. Exact !
M. François Grosdidier. Immédiatement, la Maison-Blanche a fait savoir qu'elle contestait le jugement de l'OMC.
M. Jean-Claude Lefort. Elle n'est pas si blanche !
M. François Grosdidier. Monsieur le ministre, comment allez-vous assurer les débouchés de notre industrie ?
M. le président. Merci !
M. François Grosdidier. Le gouvernement français et l'Union européenne comptent-ils ramener les Etats-Unis dans la légalité au besoin en utilisant des moyens de rétorsion économiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Claude Lefort. Des sanctions !
M. François Grosdidier. Monsieur le président, je n'ai pas excédé mon temps de parole.
M. le président. Il faut que chacun consente un effort, sinon le dernier orateur ne pourra pas bénéficier de la diffusion télévisée.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, je vais faire un effort pour rattraper le retard !
Monsieur le député, l'expérience américaine de protectionnisme - parce qu'il faut appeler un chat un chat (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...
M. Jean-Claude Lefort. Pour une fois !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... a une origine purement électorale et politique.
M. Michel Bouvard. Très juste !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les Etats-Unis ont mis le feu aux poudres en octobre 2001 mais, deux ans plus tard, cette expérience, dans une organisation mondiale du commerce qui fonctionne,...
M. Jean-Claude Lefort. Non !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... avec un panel qui fonctionne,...
M. Jean-Claude Lefort. Non !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... se sera traduite, dans des délais certes un peu longs mais cependant relativement raisonnables, par un échec pour l'administration américaine.
M. Jean-Claude Lefort. Les Etats-Unis n'appliquent rien !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous serons fixés le 5 décembre.
Soit l'administration américaine reconnaît qu'elle a eu tort,...
M. Jean-Claude Lefort. Elle a tort !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et elle supprime toutes ses mesures de sauvegarde. Dès lors, l'Europe, mais aussi la Chine, le Japon et la Corée du Sud en tirent les conséquences et mettent fin à leurs mesures de rétorsion.
Soit pour des raisons qui lui seraient propres - probablement d'ailleurs les mêmes qui ont provoqué la décision initiale -, l'administration américaine décide de reconduire ces mesures. Comme dans tout autre domaine, l'imagination est au pouvoir. Dans ces conditions, les mesures de rétorsion douanières prévues par l'Union européenne - dont je me permets de vous faire remarquer que, au moins dans ce domaine, elle est efficace - seront déclenchées à la hauteur prévue, c'est-à-dire 646 millions d'euros par an. En effet, la politique commerciale européenne, même si elle est centralisée à Bruxelles, est gérée de manière intelligente.
Je ne doute pas, d'ailleurs, que, dans le contexte de l'OMC, la prochaine réunion de Genève nous démontrera que nous avons, nous aussi, dans ce domaine, une politique intelligente.
M. Jean-Claude Lefort. Ce sont les directeurs qui se réunissent !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Grosdidier, la réponse est donc entre les mains de l'administration américaine. Je crois avoir compris qu'elle serait raisonnable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Auteur : M. François Grosdidier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Relations internationales
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 19 novembre 2003