universités
Question de :
M. Alain Bocquet
Nord (20e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
Question posée en séance, et publiée le 26 novembre 2003
GRÈVE DES ÉTUDIANTS
M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
M. Alain Bocquet. Monsieur le ministre de la jeunesse et de l'éducation nationale, de nombreux étudiants sont en grève (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)... C'est curieux, dès que je dis un mot ici, on proteste.
Et leur mouvement s'amplifie de jour en jour. Cette mobilisation témoigne de la dégradation de leurs conditions de vie et de leur profonde inquiétude quant à leur avenir face à vos projets de réforme de l'université.
Etre étudiant aujourd'hui, c'est, pour beaucoup, se trouver confronté aux difficultés parfois insurmontables que représente le coût des études, du logement et des transports quand on dispose de ressources insuffisantes.
S'agissant du projet de loi d'autonomie des universités que vous entendez faire aboutir, personne n'est dupe : vous faites mine de reculer pour mieux sauter. Selon l'expression d'une étudiante gréviste de Lille, « le ministre Luc Ferry joue au yo-yo avec ses déclarations, on ne sait plus sur quel pied danser. Il faut que cela soit clarifié ».
Le monde universitaire vous dit non : non à l'abolition du caractère national des diplômes, non à l'instauration d'un sas supplémentaire de sélection après la licence, non à la suppression de la compensation annuelle des notes, non enfin aux menaces pesant sur la session de septembre.
Si vos projets sont contestés, c'est tout simplement parce qu'ils visent à écarter des formations diplômantes des milliers de jeunes au moment où l'on constate d'inconcevables pénuries d'emplois qualifiés. A force de tailler dans les moyens consacrés aux dépenses socialement utiles de l'Etat, dont la recherche ou l'université, on en arrive à des gabegies telles qu'elles jouent contre l'économie et découragent des milliers de vocations et d'espérances. Il y va de l'avenir de notre jeunesse et de la France.
Monsieur le ministre, ma question est donc double : allez-vous renoncer à ce projet, et accepter le débat national sur les missions de l'enseignement supérieur français, que vous demandent étudiants et universitaires ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean Marsaudon. C'est la pêche aux voix !
M. Alain Bocquet. Allez-vous écouter ceux qui ne cessent de rappeler qu'une autre manière de concevoir l'harmonisation européenne des diplômes est possible, notamment en donnant à notre enseignement supérieur les moyens que lui refuse votre budget 2004 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Il est tout simplement faux, monsieur le député, d'affirmer que les étudiants et les universitaires disent non à l'harmonisation des diplômes européens.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il n'y a que l'UNEF !
M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Je vous rappelle en effet que 87 % des étudiants sont favorables à la mise en place de ce système, que trois organisations étudiantes importantes, la fédération des associations générales étudiantes, la FAGE, l'Union nationale inter-universitaire, UNI, la Promotion et défense des étudiants, PDE...
Un député du groupe socialiste. Des faux-nez !
M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... soutiennent également cette réforme (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française) ainsi que la totalité de la conférence des présidents d'université. Alors, je vous en prie, même s'il y a des divergences entre nous, ayez la gentillesse de ne pas les alimenter par des rumeurs. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Je vous répète ce que j'ai dit hier à Bordeaux où j'ai rencontré des étudiants, majoritairement grévistes. Premièrement, il n'y aura pas de sélection à l'entrée à l'université, le ticket d'entrée à l'université reste le bac. Deuxièmement, il n'y aura pas de suppression des diplômes nationaux, notamment des diplômes français bac + 2 et bac + 4, pas plus que des BTS et des DUT ; pas davantage encore des maîtrises, dont nous avons besoin pour faire la différence entre le CAPES et l'agrégation. Ceux qui prétendent le contraire soit mentent, soit se livrent à la désinformation, involontairement peut-être, mais j'ai du mal à le croire. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Troisièmement, il n'y aura aucune modification du régime des droits d'inscription, et je l'ai dit à maintes reprises : ce qui vaut pour Sciences-Po Paris ne vaut pas nécessairement pour les universités. Enfin, il n'y aura aucune privatisation, aucune régionalisation, aucun désengagement de l'Etat en ce qui concerne les universités.
La mise en place de l'harmonisation des diplômes européens a été voulue par Claude Allègre ; elle a été poursuivie par Jack Lang. Il est donc aujourd'hui assez grotesque de la part de ceux qui ici se prétendent pro-européens, quand ils n'ont pas eux-même engagé cette réforme, de se contredire, de répandre des rumeurs absurdes et finalement de nuire à ce que est une chance pour les étudiants. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Auteur : M. Alain Bocquet
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Enseignement supérieur
Ministère interrogé : jeunesse et éducation nationale
Ministère répondant : jeunesse et éducation nationale
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 26 novembre 2003