Question au Gouvernement n° 953 :
terrorisme

12e Législature

Question de : M. Jean-Paul Garraud
Gironde (10e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

Question posée en séance, et publiée le 27 novembre 2003

APPLICATION DES PEINES
EN MATIÈRE DE TERRORISME

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.
M. Jean-Paul Garraud. Monsieur le garde des sceaux, la juridiction de la libération conditionnelle du tribunal de Pau vient d'ordonner la remise en liberté de l'un des plus emblématiques terroristes emprisonnés sur le territoire français : Georges Ibrahim Abdallah, condamné à la réclusion criminelle en 1987. Heureusement, sur vos instructions, le Parquet a immédiatement fait appel de cette décision. L'ex-chef des Fractions armées révolutionnaires libanaises, détenu depuis 1984, restera donc emprisonné jusqu'à l'examen de l'appel, le 16 janvier prochain.
Sans porter la moindre appréciation sur une décision de justice, je m'interroge sur l'application de la loi du 15 juin 2002 qui a déjà permis, le 19 mars 2001, la libération d'un autre terroriste condamné en 1985 à la réclusion criminelle à perpétuité. Je rappelle qu'avant cette loi, c'est le ministre de la justice qui se prononçait dans ce domaine qui concerne la sécurité de l'Etat et de nos concitoyens.
Si je comprends l'évolution législative en matière de droit commun, je suis plus que réservé en matière de terrorisme, à l'heure où celui-ci frappe avec une violence extrême dans le monde.
Pour l'enquête et le jugement des terroristes, une procédure particulière est mise en oeuvre : la cour d'assises siège en formation spéciale, c'est-à-dire qu'elle est composée uniquement de magistrats professionnels et non de jurys populaires, on comprend pourquoi. Or aucune disposition spécifique n'est prévue quant à l'application des peines infligées aux délinquants terroristes et c'est donc le droit commun qui s'applique. Ainsi, la juridiction de la libération conditionnelle apprécie un acte terroriste comme pour n'importe quelle autre infraction - vol, escroquerie, par exemple - alors qu'il est bien évidemment radicalement différent.
Ma question est simple, monsieur le garde des sceaux : afin d'éviter, une telle érosion des peines que j'ai déjà dénoncée ici même car il ne faut pas oublier que ces terroristes ont été condamnés à perpétuité - et - des mises en liberté intempestives, n'est-il pas envisageable, dans un souci de logique et de parallélisme des règles de procédure entre les phases d'enquête, de jugement et d'application des peines, de mettre en place une procédure spécifique pour l'application des peines en matière de terrorisme ? Il existe d'une procédure spécifique avant jugement ; il serait cohérent d'instaurer une procédure spécifique après jugement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous avez raison de souligner le particularisme de la lutte antiterroriste. C'est une quasi-guerre que nous menons à l'encontre de certaines organisations terroristes internationales. C'est la raison pour laquelle, la France s'est progressivement dotée d'un dispositif juridique particulier.
Après les attentats qui ont touché notre pays voilà une vingtaine d'années, le legislateur a donné une compétence spéciale au tribunal de grande instance de Paris, avec une spécialisation tant au niveau du Parquet qu'au niveau des juges d'instruction. Ce système donne entière satisfaction.
Je rappelle que, cet après-midi même, vous allez examiner, en deuxième lecture, le texte relatif à la lutte contre la criminalité organisée, qui comprend un certain nombre d'éléments de nature à renforcer la lutte contre le terrorisme. Je pense aux possibilités d'infiltration, de sonorisation ou encore de prise en compte des repentis : autant d'armes qui permettront à la justice de combattre plus efficacement le terrorisme national et international.
Pour répondre précisément à votre question, monsieur le député Garraud, les lois de 1986 et de 1996 ont aggravé les peines susceptibles d'être prononcées par les magistrats mais, comme vous l'avez souligné, le particularisme en vigueur avant la condamnation ne se retrouve pas au stade de l'exécution des peines. Nous devons tout de même prendre en compte le fait que l'exécution des peines suppose une certaine proximité entre le juge qui en est chargé et le détenu. Si nous confions, par hypothèse, l'exécution des peines à des juges du tribunal de grande instance de Paris, cela ne manquera pas de poser quelques problèmes pratiques pour les condamnées détenus dans différentes prisons de France ; je souhaite, en effet, maintenir la possibilité de les affecter dans des prisons différentes, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité que chacun comprendra ici.
Je ne peux vous donner de réponse aujourd'hui, monsieur le député. Nous devons faire le point et mettre en regard les inconvénients et les avantages d'un système centralisé, car n'oubliez pas - le cas que vous avez évoqué en est d'ailleurs une illustration - qu'il est toujours possible de faire appel, c'est-à-dire de renvoyer la décision, à la cour d'appel, qui peut prendre plus de distance vis-à-vis des faits.
Quoi qu'il en soit, je m'engage, à faire le point complet sur cette affaire pour choisir entre avantages et inconvénients des deux formules. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Paul Garraud

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Ordre public

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 novembre 2003

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