Question au Gouvernement n° 981 :
DOM : Guyane

12e Législature

Question de : Mme Christiane Taubira
Guyane (1re circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 4 décembre 2003

RÉFORME INSTITUTIONNELLE EN GUYANE

M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira, pour le groupe socialiste.
Mme Christiane Taubira. Monsieur le président, lorsque M. le Premier ministre, il y a quelques minutes, a salué les présidents des assemblées que vous avez invités en leur souhaitant la bienvenue dans ce haut lieu de la démocratie, nous nous attendions à un propos digne, élevé, audacieux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), à la mesure de ce magnifique défi que constituent l'élargissement et le partage d'un idéal. Or nous avons été atterrés de le voir céder à la tentation facile de chamailleries mesquines (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs) à l'encontre d'une opposition qui a montré, lorsqu'elle était aux responsabilités, sa détermination et sa confiance dans la construction européenne. Il nous revient donc de souhaiter à nouveau avec panache la bienvenue à ces pays,...
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Leurs représentants ne sont plus dans les tribunes du public !
Mme Christiane Taubira. ... en leur promettant que jamais nous ne leur ferons payer nos règlements de comptes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'en viens à ma question. Je souhaite interroger Mme la ministre de l'outre-mer au sujet du référendum sur la réforme institutionnelle, qui se déroulera ce dimanche en Martinique et en Guadeloupe. Cette consultation populaire n'a pas lieu en Guyane au motif officiel que les exécutifs de nos deux collectivités territoriales n'auraient pas produit dans les délais un texte conforme aux prescriptions constitutionnelles.
M. Robert Lamy. Eh oui !
Mme Christiane Taubira. Loin de moi l'intention d'absoudre qui que ce soit de ses insuffisances. Dès votre désignation, madame la ministre, vous vous êtes appliquée à rappeler que l'outre-mer vous était familier parce que vous le serviez déjà en d'autres fonctions. Je ne vous ferai donc pas l'injure de vous rappeler que la revendication d'une réforme institutionnelle, d'une nouvelle répartition des responsabilités, d'un nouveau partage de compétences est récurrente depuis la départementalisation de 1946.
M. Marc-Philippe Daubresse. Vous n'avez rien fait !
Mme Christiane Taubira. Vous savez aussi bien que moi que la source de cette revendication est d'abord civile, sociale, populaire, et qu'elle est relayée avec des fortunes diverses et des talents inégaux par la classe politique. Toutefois, je vous demande combien de temps encore vous ferez mine de poursuivre avec les élus un dialogue de sourds qui prend la Guyane en otage. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous sommes las de cette mauvaise querelle.
M. Dominique Dord. Vous n'avez rien fait !
Mme Christiane Taubira. Je vous demande comme une faveur de ne pas me répondre en invoquant les carences des uns et les jeux partisans et pernicieux des autres - auxquels le Gouvernement se livre au moins autant que certains élus de Guyane. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Bernard Deflesselles. Vous n'avez rien fait !
M. le président. Madame Taubira, pouvez-vous poser votre question ?
Mme Christiane Taubira. Je vous demande, madame la ministre, une réponse à l'intention de la société guyanaise. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Tôt ou tard, les Guyanais devront être consultés. Ils répondront ce qu'ils voudront,...
M. le président. Merci, madame Taubira.
Mme Christine Taubira. ... mais ils doivent avoir la liberté de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés socialistes et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Madame Taubira, s'il y a bien un point sur lequel vous avez raison, c'est quand vous dites que le débat statutaire, institutionnel, outre-mer, aux Antilles comme en Guyane, n'est pas récent. Je suis donc toujours un peu étonnée quand j'entends parler d'un processus qui tombe du ciel, d'une évolution précipitée, de quelque chose de totalement nouveau. C'est méconnaître complètement l'outre-mer que de continuer à affirmer qu'il s'agit de choses tout à fait récentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
En cette affaire, le Gouvernement avait pour seul projet de réviser le cadre constitutionnel de l'outre-mer - ce qu'il a fait en réformant la Constitution - pour permettre aux collectivités qui le souhaitent d'évoluer comme elles l'entendent.
Pour le reste, il n'a pas de projet. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ce n'est pas à Paris de dicter, d'imposer une réforme institutionnelle ou statutaire à des collectivités d'outre-mer qui appartiennent désormais à une République décentralisée et qui, en plus, sont situées à une distance comprise entre 8 000 et 20 000 kilomètres de la capitale. C'est aux élus, et à eux seuls, de dire ce qu'ils veulent et de convaincre la population que leur projet est bon.
Du reste, s'agissant des élus, j'ai toujours dit que je me mettais à leur rythme, et j'ai eu de nombreux contacts avec ceux de Guyane.
Qu'est-ce que je constate aujourd'hui ? J'observe qu'aux Antilles, un projet inscrit dans un document d'orientation et conforme à la Constitution a été voté à une très large majorité à l'assemblée de Guadeloupe et à celle de Martinique. En revanche, je note qu'en Guyane il ne se dégage pas un large accord politique au sein des deux assemblées pour les supprimer et pour créer une nouvelle collectivité. Vous savez très bien, madame Taubira, qu'en Guyane, seuls sept conseillers généraux sur dix-neuf ont accepté de supprimer le conseil général.
M. Dominique Dord et M. Jean-Claude Lenoir. Et alors, madame Taubira ?
Mme la ministre de l'outre-mer. Or, avant de supprimer une assemblée démocratiquement élue, la moindre des choses à faire est de s'assurer que la majorité de ses membres est d'accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Lorsqu'il y aura un large accord politique en Guyane, lorsque le document sur lequel les élus continuent de travailler sera juridiquement acceptable et sans défaut, le processus sera engagé dans ce département d'outre-mer comme il l'a été en Guadeloupe et en Martinique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Données clés

Auteur : Mme Christiane Taubira

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : outre-mer

Ministère répondant : outre-mer

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 décembre 2003

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