métallurgie
Question de :
M. Jacques Desallangre
Aisne (4e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
Question posée en séance, et publiée le 11 décembre 2003
POLITIQUE INDUSTRIELLE
M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
M. Jacques Desallangre. Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
Madame la ministre, lundi prochain, l'un des fleurons de l'industrie française, découvreur de l'aluminium, quatrième producteur mondial, leader dans les techniques de l'électrolyse, dégageant 12 milliards d'euros de chiffre d'affaires et comptant 34 000 salariés, Pechiney, passsera entre les mains du géant étranger Alcan.
Les libéraux, par aveuglement, face au dieu marché omnipotent mais impitoyable, mènent une politique de désindustrialisation de la France. Le naufrage de Pechiney est à ce titre significatif.
Vous avez dans un premier temps, au nom du dogme libéral, privatisé Pechiney. Vous l'avez soumis aux règles du marché. Privé du statut protecteur d'entreprise publique, qui lui aurait permis de se refonder à un moment crucial de son existence, Pechiney a vu sa direction, obnubilée par le cours de l'action en bourse et obsédée par l'objectif de rentabilité à 15 %, multiplier les erreurs stratégiques. Puis, au nom de la non-intervention de l'Etat libéral dans les affaires économiques, vous avez laissé un groupe étranger « prendre effectivement possession » - je cite le journal les Echos - de ce groupe industriel français.
Vous privatisez au nom du marché mais, demain, d'autres entreprises risquent d'être rachetées par des compagnies étrangères qui, lors de restructurations ultérieures, ne se priveront pas de licencier sur des sites industriels en France. Déjà, des noms de sites sacrifiés sonnent tristement aux oreilles des employés de Pechiney qui n'ont pas eu droit quant à eux au golden parachute de 3 millions d'euros de leur patron, pourtant premier responsable de la chute de l'entreprise pour avoir préféré la gestion financière à la gestion industrielle.
Demain, lorsque Alcan taillera dans ses activités jamais assez rentables, quand il licenciera des centaines d'ouvriers français, que ferez-vous ? Rien, car vous avez déjà capitulé. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le niveau du secteur industriel ne régresse-t-il pas cependant pour atteindre 14 % seulement du PIB, et entraîner la montée du chômage de masse ? Vous allez me lancer l'anathème : « Passéiste ! » Peut-être, mais vous ne m'empêcherez pas de regretter que soit renié le choix que faisaient hier les gouvernements - et pas seulement de gauche -, celui d'une politique industrielle au service des intérêts de la nation...
M. le président. Pourriez-vous poser votre question, monsieur Desallangre ?
M. Jacques Desallangre. J'y viens, monsieur le président : madame la ministre, êtes-vous aujourd'hui capable de nous avouer que vous avez définitivement choisi de rompre avec la conduite par l'Etat d'une politique industrielle au service de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le député, votre question est polémique et théâtrale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Quant à ma réponse, elle sera sereine et réaliste. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il est faux de dire que la France est en voie de désindustrialisation. Ne démobilisez pas les Français...
M. Jacques Desallangre. C'est vous qui les démobilisez !
M. André Chassaigne. L'anathème est trop facile !
Mme la ministre déléguée à l'industrie. ... en les faisant douter d'eux-mêmes au moment où la croissance revient. Votre attitude est peut-être de bonne guerre partisane, mais elle n'est pas responsable.
Il est vrai que des secteurs industriels souffrent, avec leurs cortèges de drames humains. Dans chaque situation, le Gouvernement a à coeur de faire en sorte que les engagements soient respectés à l'égard de tous les salariés.
M. Jacques Desallangre. C'est faux !
Mme Martine David. Mensonge !
Mme la ministre déléguée à l'industrie. S'agissant de Pechiney, nous avons accueilli avec la plus grande attention les engagements pris par Alcan, concernant notamment le maintien des capacités industrielles et technologiques qui permettront de conserver les emplois.
Votre vision de l'industrie française, monsieur le député, me semble défaitiste et elle ne correspond pas à la réalité. La France demeure le cinquième pays exportateur de biens industriels au monde.
M. Jacques Desallangre. Ça ne va pas continuer !
Mme la ministre déléguée à l'industrie. Nous entendons qu'elle le reste. Pour cela, oui, nous avons une politique industrielle, monsieur le député ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Mme Martine David. Vous n'en avez pas et vous démoralisez !
Mme la ministre déléguée à l'industrie. Mais cette politique n'est pas celle du dirigisme d'Etat auquel vous avez longtemps souscrit et qui a partout conduit à la pauvreté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jacques Desallangre. De votre politique, on voit le résultat !
Mme la ministre déléguée à l'industrie. Ce n'est pas de plus d'aides d'Etat que les entreprises ont besoin, c'est de plus d'air ! Nous agissons en ce sens depuis plus d'un an.
Notre politique consiste à libérer les énergies pour que nos industries et nos entreprises puissent, le moment venu, saisir les opportunités de la croissance retrouvée.
Nous semons et, très bientôt, j'en suis convaincue, nous récolterons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Mme Martine David. Quelle catastrophe !
Auteur : M. Jacques Desallangre
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : industrie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 décembre 2003