SNCF
Question de :
M. Jean-Claude Sandrier
Cher (2e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
M. Jean-Claude Sandrier souhaite interroger M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur la situation et l'avenir de la SNCF à Vierzon et à Bourges. En quelques mois, plusieurs décisions négatives ont concouru à affaiblir le service public ferroviaire dans le centre de la France : abandon du projet de liaison pendulaire à grande vitesse (POLT) et remplacement par un système plus onéreux qu'actuellement, sans gain de temps, ni interconnexion au réseau européen à grande vitesse ; remise en cause du caractère national de la transversale Lyon/Nantes ; menace de délocalisation de certains services de l'établissement SNCF Vierzon/Bourges ; fermetures des buffets des gares de Bourges et Vierzon depuis plusieurs mois ; absence de proposition tarifaire attractive de la part de la SNCF pour le développement du trafic fret entre Vierzon et le Port de Nantes-Saint-Nazaire dans le cadre de la création d'un port sec. Une telle spirale n'est pas que de la responsabilité de l'entreprise publique SNCF. Celle-ci, en effet, est sous l'autorité de l'État qui a la charge de l'organisation des relations ferroviaires nationales. C'est pourquoi, alors que la région Centre porte le projet d'électrification de Tours-Vierzon dont les travaux vont débuter en 2005, il demande au Gouvernement ce qu'il compte faire afin de permettre à la SNCF d'assumer pleinement sa mission de service public de transport ferroviaire de voyageurs, et d'oeuvrer pour le développement du centre ferroviaire de Vierzon comme point nodal essentiel du trafic fret.
Réponse en séance, et publiée le 19 janvier 2005
AVENIR DE LA SNCF À VIERZON ET À BOURGES
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour exposer sa question, n° 1013, relative à l'avenir de la SNCF à Vierzon et à Bourges.M. Jean-Claude Sandrier. Je voudrais tout d'abord faire part à M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire de ma grande inquiétude à propos des orientations économiques et sociales que le Gouvernement impose à la SNCF et qui vont avoir pour le département du Cher des répercussions désastreuses.
Alors qu'elle table sur un bénéfice de 113 millions d'euros en 2005, l'entreprise publique augmente inconsidérément ses tarifs voyageurs, réduit son offre grandes lignes et l'activité fret, gèle le processus de désendettement et, pour couronner le tout, supprime 3 590 postes de cheminots, voire 4 000 si l'on compte ceux transférés par les filiales.
La SNCF, qui s'était redressée sous l'égide de Jean-Claude Gayssot, connaît aujourd'hui une véritable hémorragie de ses moyens et de ses emplois. De septembre 2002 à septembre 2004, 11 765 emplois de cheminots auront été supprimés, dont 539 postes de conducteurs et 1 174 à l'équipement, ce qui ne lui permet plus d'entretenir correctement un certain nombre de kilomètres de voie où, faute de mieux, les trains circulent désormais à vitesse réduite. Nous voici donc revenus à l'aberrante logique dite libérale, qui en privilégiant la rentabilité financière, contraint la SNCF dans sa mission de service public.
L'État traîne les pieds pour régler ses dotations à la SNCF. Le Gouvernement ne doit-il pas, dans les jours prochains, remettre en cause les investissements inscrits aux contrats de plan État-région ? On parle d'un recul de 30 à 50 % pour le rail. Dans ces conditions, je comprends et soutiens les syndicats de cheminots qui appellent demain à un mouvement de grève national de 24 heures.
La politique menée aujourd'hui a des répercussions importantes, particulièrement pour l'établissement de Vierzon-Bourges, pour lequel des décisions extrêmement négatives ont été prises ou annoncées. Ainsi, le projet de liaison à grande vitesse pendulaire, dit POLT, qui devait se traduire par une amélioration des caractéristiques de la ligne Paris-Orléans-Vierzon-Limoges-Toulouse, a été rayé d'un trait de plume pour être remplacé par un corail dit amélioré, sans gain de temps de parcours, sans interconnexion au réseau européen des TGV, mais dont les tarifs d'accès sont revus à la hausse. Ainsi, pour un abonné prenant son train chaque jour pour aller à son travail, la hausse est de 28 %. Cette suppression du POLT a été décidée alors même que les régions avaient trouvé et signé un accord sur le financement avec l'État.
Autre décision négative : la suppression de trains sur la ligne Lyon-Nantes. On sait que la SNCF demande maintenant que les collectivités locales prennent à leur charge les éventuels déficits des lignes corail, comme c'est le cas pour la ligne Lyon-Nantes. Elle le fait au mépris des lois qui répartissent les compétences en matière de transport ferroviaire, et refuse d'assumer son rôle d'aménagement du territoire, mais aussi celui de service public. Le caractère national de cette ligne est menacé, alors que cet itinéraire est inscrit dans le schéma européen du trafic fret.
Alors que la région fait des efforts considérables en faveur du rail, avec notamment l'électrification du tronçon Tours-Vierzon, le Gouvernement n'a toujours pas confirmé ses engagements financiers sur ce projet pour 2005 et les années suivantes. Peut-être une réponse sur ce point me sera-t-elle donnée aujourd'hui.
Enfin, nous apprenons que des menaces de délocalisation de certains services pèsent sur l'établissement SNCF Vierzon-Bourges, tout comme nous avons appris la fermeture des buffets de gare de Bourges et de Vierzon, ce qui est parfaitement symbolique d'une attitude d'abandon.
Je demande non seulement qu'aucun service ne soit délocalisé, mais qu'au contraire de nouveaux services viennent renforcer notre département. Trop c'est trop. Porter des coups à l'activité ferroviaire d'un département qui souffre déjà des restructurations des établissements de défense comme GIAT, MBDA, ETBS, et qui a perdu plus de 1 000 emplois l'an dernier, témoigne pour le moins d'une désinvolture inquiétante. Je suis également particulièrement préoccupé par l'absence de proposition tarifaire attractive de la part de la SNCF pour le développement du trafic fret entre Vierzon et le port de Nantes-Saint-Nazaire dans le cadre de la création d'un port sec au sein du centre ferroviaire de Vierzon. Il s'agit là d'un projet innovant et porteur d'espoir pour ce territoire. La SNCF détient un rôle clé pour sa mise en oeuvre. Il apparaît donc indispensable de lever cette hypothèque tarifaire.
Je souhaite donc connaître les dispositions, y compris financières, que compte prendre le Gouvernement pour que l'entreprise publique puisse assumer pleinement sa mission de service public de transport de voyageurs, de développement du fret ferroviaire et pour que, au lieu de contribuer au déclin du département du Cher, la SNCF et l'État participent au nécessaire soutien à ce département en grande difficulté économique.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'aménagement du territoire.
M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'État à l'aménagement du territoire. Monsieur le député, la réponse que je vais vous faire au nom de M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, retenu actuellement à Toulouse pour l'inauguration de l'A 380, sera principalement axée sur les deux thèmes essentiels de votre question.
En ce qui concerne le transport ferroviaire de voyageurs et la mission de service public de la SNCF, notamment sur la liaison Nantes-Lyon, Gilles de Robien a convenu avec le président de l'Association des régions de France et le président de la SNCF, lors d'une réunion tenue en septembre 2004, de la mise en place d'un groupe de travail tripartite pour effectuer un diagnostic précis et partagé de l'état actuel des liaisons corail transversales, dont Nantes-Lyon. Un audit comptable de ces liaisons interrégionales sera bientôt lancé et un cadre méthodologique pour la refonte de dessertes de trains corail est en cours de finalisation. Dès cette année, l'ensemble des partenaires pourra rechercher des solutions au cas par cas afin de rendre à ces dessertes une pertinence en matière de services offerts et d'équilibre économique. Les décisions devront prendre effet dans le plan de transport de décembre 2005.
Sur le site de Vierzon, M. le ministre souhaite vous apporter les précisions suivantes. L'évolution envisagée des trois établissements d'exploitation de Vierzon, Tours et Orléans, a pour objectif de réduire les frais de structure, ce qui inclut une baisse de l'effectif des sièges de ces établissements, sans modifier ceux des unités opérationnelles. L'année 2005 sera mise à profit pour discuter d'une nouvelle organisation en deux établissements, les unités opérationnelles - dont celle de Bourges - restant en place. La mise en oeuvre est prévue pour 2006. Les mêmes évolutions sont envisagées ultérieurement pour les trois établissements d'équipement de Vierzon, Tours et Orléans du fait de la fin des travaux en cours sur la ligne Vierzon-Orléans.
Pour les buffets de gare, vous savez sans doute que leur fermeture n'est pas le fait de la SNCF, qui s'emploie au contraire activement à trouver de nouveaux candidats susceptibles d'offrir des prestations équivalentes à celles qui existaient auparavant.
Quant à la politique tarifaire fret de la SNCF et à ses incidences sur le port sec de Vierzon, les difficultés proviennent avant tout de l'insuffisance de marchés porteurs sur la liaison ferroviaire, situation qui empêche la SNCF de formuler des offres commerciales.
S'agissant du POLT, l'étude du système de pendulation est bien abandonnée pour cette liaison, compte tenu notamment des surcoûts liés à la pendularisation du matériel et de la faible rentabilité de cette formule. Il est en revanche inexact d'affirmer qu'est mis en place " un système plus onéreux, sans gain de temps ni interconnexion au réseau européen à grande vitesse ".
En effet, conformément aux décisions du CIADT du 18 décembre 2003, d'importants travaux de régénération de l'infrastructure ferroviaire sur l'axe Paris-Limoges-Toulouse ont commencé. L'engagement financier de l'État s'élève à 233 millions d'euros dans le cadre de la subvention de régénération versée à Réseau ferré de France. Ces travaux permettront des gains de régularité. Par ailleurs, l'État financera seul, pour un montant de 7 millions d'euros, la suppression des cinq premiers passages à niveau dans l'Indre, augmentant là encore la régularité et la sécurité des usagers ; la poursuite de ces suppressions, en relation avec les régions, permettra, pour un coût nettement inférieur à l'ancien projet, des gains de temps de parcours et une amélioration de la fiabilité de la ligne. Depuis peu, des rames TEOZ, réputées confortables, sont mises en service sur cette ligne à la satisfaction d'un nombre croissant d'usagers.
Enfin, après la présentation d'une étude examinant toutes les possibilités d'accès au réseau d'interconnexion des trains à grande vitesse, Gilles de Robien a demandé lors d'une réunion, le 9 novembre dernier, qu'une convention soit rapidement conclue entre la SNCF et les présidents des régions Centre, Limousin et Midi-Pyrénées pour la mise en service de rames TGV sur la ligne, afin de relier l'aéroport Roissy-Charles-de- Gaulle.
Un comité de suivi, présidé par le préfet de la région Limousin, veille à la poursuite des travaux d'amélioration de cette ligne.
Vous avez évoqué, enfin, l'opération d'électrification entre Tours et Vierzon inscrite au contrat de plan entre l'État et la région Centre. Les dernières études sont en cours d'achèvement et la convention de financement des travaux est en discussion entre les différents partenaires du projet. Ce document permettra d'arrêter les modalités de réalisation de cette opération.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
M. Jean-Claude Sandrier. Je vous remercie pour cette réponse, monsieur le secrétaire d'État. Je reviendrai cependant sur deux points. Vous avez évoqué la nécessité de faire un audit comptable pour la ligne Lyon-Nantes. Mais celui-ci a d'ores et déjà été réalisé. Certes, peut-être mérite-t-il d'être réactualisé. En tout état de cause, il y a une dizaine, voire une quinzaine d'années, cette ligne avait été déclarée parfaitement rentable si l'on prenait en compte le transport du fret et des voyageurs. Par conséquent, il serait bon de se reporter à cette étude.
Par ailleurs, s'agissant de la restructuration envisagée des trois établissements d'exploitation de Vierzon, Orléans et Saint-Pierre-des-Corps, j'attire l'attention du secrétaire d'État à l'aménagement du territoire que le bassin d'emploi le plus touché en région Centre est celui de Vierzon. Il serait donc inadmissible de déshabiller Vierzon pour habiller Orléans ou Tours qui connaissent des problèmes d'emploi de moindre importance.
Auteur : M. Jean-Claude Sandrier
Type de question : Question orale
Rubrique : Transports ferroviaires
Ministère interrogé : équipement
Ministère répondant : équipement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 janvier 2005