Question orale n° 102 :
allocation personnalisée d'autonomie

12e Législature

Question de : M. Nicolas Perruchot
Loir-et-Cher (1re circonscription) - Union pour la Démocratie Française

M. Nicolas Perruchot attire l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur le problème du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie. En instituant l'aide personnalisée d'autonomie par la loi n° 2001-647 du 20 juillet 2001, l'intention du législateur était de venir en aide aux 800 000 personnes âgées dépendantes. Cependant, faute d'une réflexion sérieuse sur le financement de cette aide, les départements vont être contraints d'augmenter la fiscalité locale pour financer cette dépense, au moment même où l'on annonce aux Français une baisse des prélèvements obligatoires. Le 18 décembre dernier, le secrétaire d'Etat aux personnes âgées a annoncé devant l'Assemblée nationale une répartition du surcoût de l'aide personnalisée d'autonomie, qui est estimé à 1,2 milliards d'euros, à part égale entre l'Etat, les départements et les bénéficiaires de l'aide personnalisée d'autonomie. Dans le département de Loir-et-Cher, la hausse des taxes départementales devrait être d'au moins 9 %, sans que les autres dépenses du conseil général n'augmentent. Or, les conseils généraux seront peut-être amenés à minorer les autres postes de dépense de leur budget, afin de modérer l'augmentation de la fiscalité. C'est visiblement la solution vers laquelle on se dirige dans le département de Loir-et-Cher. Il lui demande de lui indiquer les mesures qu'il entend mettre en oeuvre pour mieux cibler le dispositif de l'aide personnalisée d'autonomie sur les personnes qui en ont besoin, afin de soulager rapidement les départements et les communes d'un surcoût exorbitant.

Réponse en séance, et publiée le 5 février 2003

FINANCEMENT DE L'ALLOCATION
PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour exposer sa question, n° 102, relative au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie.
M. Nicolas Perruchot. Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur le problème du financement de l'allocation personnalisée d'autonomie.
Le vieillissement de la population française accroît le nombre de ceux qui, le grand âge venu, souffrent de troubles du comportement ou de handicaps physiques qui ne leur permettent plus d'être autonomes. En instituant l'aide personnalisée d'autonomie par la loi du 20 juillet 2001, l'intention du législateur était de venir en aide aux 800 000 personnes âgées dépendantes. Cependant, faute d'une réflexion sérieuse sur le financement de cette aide, les départements sont contraints d'augmenter la fiscalité locale pour financer cette dépense, au moment même où l'on annonce aux Français une baisse, très attendue, des prélèvements obligatoires.
Le 18 décembre dernier, vous avez annoncé, devant l'Assemblée nationale, monsieur le secrétaire d'Etat aux personnes âgées, une répartition du surcoût de l'aide personnalisée d'autonomie, qui est estimé à 1,2 milliard d'euros, à part égale entre l'Etat, les départements et les bénéficiaires de l'aide personnalisée d'autonomie. Dans le département de Loir-et-Cher, pour vous citer un exemple que je connais bien, la hausse des taxes départementales devrait être cette année d'au moins 6 %, sans que les autres dépenses du conseil général augmentent. Une hausse avait déjà été décidée l'année dernière pour combler le déficit dû au passage de la PSD à l'APA. Il manquait alors une cinquantaine de millions de francs cette année, c'est encore un peu plus.
Pour modérer l'augmentation de la fiscalité, les conseils généraux seront peut être amenés à minorer les autres postes de dépenses de leur budget - c'est la solution que s'apprête à adopter le département de Loir-et-Cher - mais beaucoup d'autres départements, notamment de la région Centre, prévoient d'alourdir leur fiscalité. En tout état de cause, dans le département de Loir-et-Cher, de nombreuses subventions en faveur des investissements ne seront plus versées, alors même que les collectivités sont les principaux investisseurs au niveau local, des dotations en faveur de la politique culturelle, par exemple au profit du festival des jardins de Chaumont, seront supprimées ; des actions pour financer le SAMU, le transport sanitaire aéroporté, le dépistage du cancer du sein, etc., seront annulées. On peut encore citer, entre autres exemples de coupes budgétaires sans doute prochainement décidées par le conseil général de Loir-et-Cher, l'aide aux communes pour l'assainissement et plusieurs projets importants de voirie. J'espère que le conseil général saura trouver des solutions, mais cela devient très difficile.
Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d'Etat, savoir quelles mesures vous entendez mettre en oeuvre pour mieux cibler le dispositif de l'aide personnalisée d'autonomie sur les personnes qui en ont besoin, afin de soulager rapidement les départements mais aussi, demain, les communes, d'un surcoût exorbitant.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le député, je connais fort bien les problèmes que vous évoquez, puisque, avant d'occuper les responsabilités qui sont les miennes aujourd'hui, je présidais aux destinées d'un département. De fait, tous les départements doivent faire face aux conséquences les plus connues du vieillissement de la population, à savoir la fragilisation de l'équilibre financier des régimes de retraite - la question est d'actualité - mais aussi du système de santé.
Si nous ne prenons pas la juste mesure du problème du vieillissement, si nous ne l'anticipons pas, si nous ne l'accompagnons pas par des mesures concrètes, alors nous rencontrerons dans les années à venir d'immenses difficultés qui se répercuteront inévitablement sur les collectivités : la politique en faveur des personnes âgées est en effet une compétence première des conseils généraux.
Certes, le sujet est un peu tabou : on préférerait vieillir sans avoir à aborder la question du vieillissement. Pourtant, les perspectives sont clairement dessinées : l'augmentation du nombre des personnes très âgées - quatre-vingts ans et plus - et par voie de conséquence des personnes âgées dépendantes est inéluctable. Il y a actuellement un million de personnes âgées dépendantes. Un peu moins de 50 % d'entre elles vivent encore dans leur domicile, un peu plus de 50 % sont accueillies dans nos 10 000 établissements publics et privés. Et ces chiffres vont augmenter considérablement dans les années à venir.
La prévalence de la dépendance est en effet très fortement corrélée à l'âge. Près de 10 % des personnes dépendantes ont quatre-vingts ans, soit une personne sur dix, près de 25 % des personnes dépendantes ont quatre-vingt-cinq ans, soit une proportion de un sur quatre, et 35 % des personnes dépendantes ont quatre-vingt-dix ans, soit une sur trois.
Tout en intégrant l'hypothèse d'un gain d'espérance de vie sans incapacité, et il est heureux qu'une grande majorité de personnes vieillissent sans problème, car vieillir n'est pas une maladie, nous devons nous préparer à l'idée de voir la population dépendante augmenter de 25 % d'ici à 2020 et de 55 % d'ici à 2040.
C'est dans un tel contexte que l'allocation personnalisée d'autonomie a été mise en place.
Comme vous l'avez fort bien relevé, sa mise en oeuvre pose d'ores et déjà un problème de financement. Je dirai même que le problème de cette mesure, qui est une bonne mesure sociale, est son financement. Nos prédécesseurs, qui ont instauré cette allocation, n'en ont pas prévu les financements correspondants et se sont appuyés sur une très mauvaise évaluation de l'APA : alors qu'ils escomptaient 800 000 dossiers à l'horizon 2004-2005, ce chiffre est d'ores et déjà atteint.
Le plan de financement pour 2003 était établi sur la base de 2,5 milliards d'euros. Or la projection réalisée évalue aujourd'hui le coût à 3,7 milliards d'euros et, en année pleine, il faudra 4 milliards d'euros pour financer l'APA. Aujourd'hui, pour l'année 2003, le surcoût est donc évalué à 1,2 milliard d'euros.
A la demande de M. le Premier ministre, nous avons engagé, il y a quelques semaines, une concertation avec l'Assemblée des départements de France, car les départements financent les deux tiers de cette mesure, le tiers restant étant financé par l'Etat, à travers le FFAPA, le fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, et avec les parlementaires de tous bords afin de sauvegarder l'APA, je dirai même de sauver l'APA. L'objet de cette concertation est de proposer un plan de financement équilibré, mais aussi de conforter une gestion décentralisée de proximité, assurée par les conseils généraux.
Compte tenu des conclusions de ces travaux, diverses dispositions d'ordre législatif et réglementaire devront être mises en oeuvre, elles seront proposées au cours des prochaines semaines, avant le 30 mars, date à laquelle l'ensemble des conseils généraux votent leur budget, ou les taux s'il ont voté leur budget plus tôt.
Vous avez fort bien décrit les difficultés que rencontrent aujourd'hui les départements. En raison des contraintes qui pèsent sur les finances publiques, et dans un objectif de responsabilisation, le principe d'un effort partagé pour couvrir le besoin de financement supplémentaire, qui est évalué à 1,2 milliard d'euros, a donc été retenu. L'Etat, par le biais du FFAPA, apportera une contribution supplémentaire de 400 millions d'euros. Les collectivités départementales seront appelées à réaliser un effort financier équivalent et le complément de financement devra être dégagé par une meilleure maîtrise de la dépense et une contribution ajustée des usagers.
Notre souci est donc : un, de sauver la mesure ; deux, de conserver le caractère universel de la prestation, afin de renforcer l'équité de traitement selon que la personne âgée vit à domicile ou en établissement. Dans cette optique, le barème de participation sera aménagé par décret - il est en préparation - pour augmenter la participation moyenne des usagers vivant à leur domicile de 5 à 12 %. Des dispositions seront soumises prochainement au Parlement pour garantir une meilleure effectivité des aides.
Sur le plan du financement, le FFAPA portera sa contribution à près de 1 380 millions d'euros - une contribution de base de 980 millions d'euros à laquelle s'ajoutera une contribution complémentaire de 400 millions d'euros, contre une participation globale de 800 millions d'euros en 2002 - afin d'aider les départements à faire face à la montée en charge de l'APA, et singulièrement ceux d'entre eux dont la situation est difficile en raison d'une richesse fiscale faible et d'un poids de population âgée important. La fiscalité et le nombre de personnes âgées sont en effet inégalement répartis sur l'ensemble des départements de France.
Parallèlement, les acomptes mensuels versés par le FFAPA seront portés de 80 % des encaissements aujourd'hui à près de 100 %, ce qui est important aussi pour les finances départementales.
Telles sont, monsieur le député, les dispositions que le Gouvernement souhaite prendre, très rapidement - dans les semaines à venir - à travers une loi, pour garantir le maintien d'une prestation à nos yeux essentielle pour répondre aux besoins des personnes âgées, et surtout les plus fragiles d'entre elles, et dont le financement, reconnaissons-le, n'était jusqu'à aujourd'hui pas globalement assuré, mettant à mal l'ensemble des finances départementales.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.
M. Nicolas Perruchot. Merci, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir répondu aussi clairement à un problème compliqué, et d'avoir su réagir aussi vite. Il est vrai que vos prédécesseurs n'avait pas prévu une très grande partie du financement de cette aide et qu'il a fallu trouver des mesures structurelles. Vous en avez proposé certaines sur le long terme. J'ose espérer que, dans le très court terme, les conseils généraux et les communes vout réussir à tenir le coup. Il va sans doute falloir faire des sacrifices et ce ne sera pas toujours facile à expliquer.
J'ai bien noté votre souci de prendre en compte les problèmes de trésorerie des départements. En outre, l'ancien responsable du Var que vous êtes sait bien que le vote du budget et la fixation des taux doivent impérativement intervenir avant le 30 mars. Un projet de loi doit donc être présenté d'ici là. En tout état de cause, la question de l'instauration d'un plafond de ressources, sur laquelle je n'ai pas voulu revenir ce matin, reste posée : est-il normal qu'une personne disposant de 7 000 ou 8 000 euros de revenus mensuels puisse bénéficier de l'APA ? Le Gouvernement devra répondre sur ce point. Pour l'heure, les éléments que vous m'avez communiqués me donnent entière satisfaction.

Données clés

Auteur : M. Nicolas Perruchot

Type de question : Question orale

Rubrique : Personnes âgées

Ministère interrogé : santé

Ministère répondant : personnes âgées

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 février 2003

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