personnes sans domicile fixe
Question de :
Mme Muguette Jacquaint
Seine-Saint-Denis (3e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
Mme Muguette Jacquaint attire l'attention de M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille sur l'association départementale de sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence de la Seine-Saint-Denis qui, en révélant récemment que 5 000 enfants du département n'avaient pas de domicile fixe, a mis au jour l'inadaptation des moyens dont elle dispose en matière de protection de l'enfance. Ce phénomène a pris des proportions dramatiques puisqu'entre 2001 et 2004 le nombre de prises en charge de familles à l'hôtel par le département a été multiplié par quatre et qu'en 2003 985 familles et 2016 enfants ont été hébergés sur les crédits de l'aide sociale à l'enfance. La réponse qui consiste à proposer comme seule solution à ces familles un hébergement temporaire à l'hôtel, hébergement fort coûteux entièrement pris en charge par le département, n'est ni adaptée à l'ampleur du phénomène ni de nature à le régler. Le département ne peut rester seul à faire face. Il faut que l'Etat, avec l'ensemble des partenaires, la protection de l'enfance et les acteurs du logement, mesure l'ampleur du problème et prenne ses responsabilités. Elle lui demande donc ce qu'il entend faire pour ces familles et ces enfants en matière d'hébergement d'urgence et d'accompagnement socio-économique.
Réponse en séance, et publiée le 2 février 2005
PRISE EN CHARGE DES FAMILLES ET ENFANTS
SANS DOMICILE FIXE EN SEINE-SAINT-DENIS
Mme Muguette Jacquaint. Il y a quelques jours, l'association départementale de sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du 93 révélait que, dans le département, 5 000 enfants étaient sans domicile fixe.
Les raisons sont multiples. Parfois, ce sont des enfants de femmes victimes de violences conjugales, obligés de quitter le domicile avec leur mère. Les enfants sans domicile fixe, qui font partie de familles défavorisées, la plupart du temps expulsées de leur logement, sont provisoirement hébergés à l'hôtel ou dans des meublés insalubres, ballottés avec leur famille d'hôtel en squat ou en logement temporaire. Ils vivent évidemment dans de mauvaises conditions matérielles, mais aussi affectives. Ces enfants sont exposés à tous les dangers et souvent, à terme, à l'éclatement familial et à la déscolarisation. Ce ne sont pas là, vous en conviendrez avec moi, les meilleures conditions pour atteindre l'égalité des chances dont parle M. Fillon.
Ce phénomène a pris des proportions dramatiques dans mon département de la Seine-Saint-Denis puisque, de 2001 à 2004, le nombre de prises en charge de familles à l'hôtel par le conseil général a été multiplié par quatre, et qu'en 2003 985 familles et 2 016 enfants ont été hébergés sur les crédits de l'aide sociale à l'enfance. La réponse qui consiste à proposer comme seule solution à ces familles un hébergement temporaire à l'hôtel, fort coûteux et entièrement pris en charge par le département, n'est ni adaptée à l'ampleur du phénomène, ni de nature à le régler. De surcroît, cet argent est mal employé. Faute de structures d'hébergement d'urgence en nombre suffisant, le département se trouve dans l'obligation de pallier cette carence en parant au plus pressé. En révélant la gravité de cette situation, l'ADSEA 93 a ainsi mis au jour l'inadaptation des moyens dont elle dispose et fait le lien entre la protection de l'enfance et le droit au logement.
Le département de la Seine-Saint-Denis ne peut plus continuer à faire face seul à ce problème et à colmater les brèches. Comme le soulignait Mme Claire Brisset, défenseur des enfants, dans son premier rapport, les politiques départementales d'aide sociale à l'enfance doivent pouvoir s'appuyer sur des partenariats avec d'autres institutions. Il faut donc que l'État mesure l'ampleur de ce phénomène et prenne ses responsabilités.
Madame la secrétaire d'État, vous qui avez affirmé votre volonté de lutter, comme le ministre des solidarités, contre la pauvreté des familles, je vous demande ce que le Gouvernement compte faire en matière d'hébergement d'urgence et de développement des moyens des services d'aide sociale à l'enfance en Seine-Saint-Denis.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État aux personnes handicapées.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées. Madame la députée, vous mettez l'accent sur l'inadéquation des moyens dont dispose le département de la Seine-Saint-Denis en matière de protection de l'enfance, celui-ci étant amené à prendre en charge de nombreux mineurs sans domicile et à héberger, sur les crédits de l'aide sociale à l'enfance, ces enfants et leurs familles dans des hôtels. Vous demandez au Gouvernement ce qu'il entend faire en matière d'hébergement d'urgence et d'accompagnement socio-économique.
Les lois de décentralisation de 1982 et de 1986 ont confié, comme vous le savez, aux conseils généraux la responsabilité du service d'aide sociale à l'enfance. Ce service est chargé, selon l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles, d'apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique aux mineurs, à leur famille, aux mineurs émancipés et aux majeurs âgés de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés sociales susceptibles de compromettre gravement leur équilibre, ainsi que de mener en urgence des actions de protection en faveur des mineurs et de pourvoir à l'ensemble des besoins des mineurs qui lui sont confiés. Le service doit disposer de structures d'accueil pour les femmes enceintes, pour les mères avec leurs enfants, en vertu de l'article L. 221-2 du même code.
Des prestations d'aide sociale à l'enfance sont par ailleurs accordées à la demande des parents, comme l'aide à domicile, lorsque la santé de l'enfant, sa sécurité, son entretien ou son éducation l'exigent ou lorsque les parents ne disposent pas de ressources suffisantes, aux termes de l'article L. 222-2. L'aide à domicile comporte notamment le versement d'aides financières effectuées sous forme soit de secours exceptionnels, soit d'allocations mensuelles, en vertu de l'article L. 222-3. Ces aides financières peuvent donc aider ponctuellement des familles confrontées à des problèmes d'hébergement.
L'État mène pour sa part une politique active en matière d'hébergement d'urgence et d'accompagnement social et économique.
Il a mis en place un dispositif national d'accueil, d'hébergement et d'insertion pour les personnes sans domicile fixe. Celui-ci remplit une mission qui va de l'accueil en urgence à l'accompagnement vers une insertion durable, en partenariat et en complémentarité avec les collectivités locales. Ce dispositif repose sur un socle permanent de 90 000 places au niveau national. Pour la Seine-Saint-Denis, il s'agit de 1 803 places en 2004, auxquelles s'ajoutent environ 2 000 places de logement temporaire financées par l'État.
Une circulaire du 18 octobre 2004, signée par ma collègue Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et la lutte contre l'exclusion, est relative à ce dispositif et précise qu'il est conçu pour apporter en priorité des réponses aux plus vulnérables : les familles avec enfants, les jeunes en rupture familiale, les femmes victimes de violences, les personnes de santé fragile et les personnes les plus désocialisées.
La loi de programmation pour la cohésion sociale prévoit un renforcement sans précédent de ce dispositif afin d'atteindre, en 2007, 100 000 places d'hébergement grâce, notamment, à la création de 1 800 places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale. La prise en charge des femmes enceintes et des mères isolées avec enfants de moins de trois ans revient néanmoins au conseil général, en vertu de l'article L. 222-5 du code précité.
Enfin, concernant les mineurs étrangers isolés, l'État a créé en 2002 une structure spécifique, qu'il finance entièrement, pour résoudre le problème que posait au département de la Seine-Saint-Denis l'arrivée massive de ces jeunes à Roissy. Une étroite coopération entre les services de l'État et ceux des collectivités locales est indispensable pour traiter ce problème avec humanité et efficacité.
Vous le voyez, madame la députée, le Gouvernement met en oeuvre des moyens sans précédent pour répondre à la poignante question de la protection de l'enfance et de la famille.
M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
Mme Muguette Jacquaint. J'ai bien entendu votre réponse, madame la secrétaire d'État.
Vous avez fait référence aux lois de décentralisation et au rôle et aux responsabilités que doivent prendre, depuis, les départements. Mais vous savez comme moi que certains d'entre eux sont plus particulièrement touchés, et le phénomène a une ampleur toute particulière en Seine-Saint-Denis. J'ajoute que les récentes lois de décentralisation ont transféré aux départements des dépenses supplémentaires auxquelles ils vont devoir faire face.
J'espère qu'au-delà des chiffres que vous nous avez donnés - 1 803 places en centre d'urgence, 2 000 placements temporaires -, il y aura un effort aussi important dans la construction de logements sociaux. Et nous ferons d'ailleurs le bilan avec le département. Mais, pour l'instant, je peux vous dire que toutes ces mesures annoncées n'ont toujours pas réglé la situation dramatique des 5 000 enfants qui étaient l'objet de ma question.
Auteur : Mme Muguette Jacquaint
Type de question : Question orale
Rubrique : Politique sociale
Ministère interrogé : solidarités, santé et famille
Ministère répondant : solidarités, santé et famille
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 1er février 2005