secteurs sauvegardés
Question de :
M. Maxime Bono
Charente-Maritime (1re circonscription) - Socialiste
M. Maxime Bono interroge M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur les sauniers de l'île de Ré qui rencontrent d'importantes difficultés pour exercer leur profession en raison de l'interprétation restrictive de l'article R. 146-2 du code de l'urbanisme traitant des aménagements admis dans les espaces remarquables au titre de la loi littoral. Cet article, modifié par le décret du 26 décembre 2000, est relatif â la définition de la surface hors oeuvre nette des constructions. La modification de l'article précité conduit, pour les services de l'Etat, à ne plus accepter, dans les espaces remarquables, des aménagements créant de la surface hors oeuvre brute, à l'exception des locaux de superficie maximale de 20 mètres carrés répondant aux prescriptions réglementaires sanitaires nationales et communautaires. Or les sauniers ont besoin pour exercer leur métier dans de bonnes conditions, de cabanes où ils peuvent entreposer à proximité le matériel d'outillage et plus particulièrement les bâches, planches et tuyaux, qui sans cet abri, rendent les abords du marais peu esthétiques. En outre, la mise en valeur de la fleur de sel conditionnée en sacs sur les marais nécessite qu'elle soit stockée sur place. L'édification de ces « cabanes » est directement liée à « l'exercice des activités agricoles, de pêche et cultures marines ou lacustres, conchylicoles, pastorales et forestières » selon les termes de l'alinéa b de l'article R. 146-2. Elles permettent le stockage du sel et du matériel nécessaire à l'exploitation des marais mais ont une SHOB supérieure à 20 mètres carrés et ne sont pas imposées par des prescriptions réglementaires nationales et communautaires. Le schéma directeur de l'île de Ré a souhaité et reconnu le bien-fondé et la possibilité d'édification de ces « cabanes ». Les plans d'occupation des sols des communes concernées y font également référence. Le conseil d'urbanisme, d'architecture et d'environnement de la Charente-Maritime (CAUE 17) a indiqué dans une étude exhaustive dans quelles conditions lesdites cabanes pouvaient être édifiées : intégration dans le paysage du fait de leur faible surface, de leur construction à flanc de bosse, en bois, avec couverture en tuiles tiges de botte, le tout sur une dalle d'argile. Soulignant les efforts engagés pour la valorisation économique et la conservation du patrimoine, il lui demande quelles mesures sont envisagées pour préserver l'activité traditionnelle des sauniers.
Réponse en séance, et publiée le 5 février 2003
CONDITIONS D'ÉDIFICATION DES CABANES
DES SAUNIERS DE L'ILE DE RÉ
M. le président. La parole est à M. Maxime Bono, pour exposer sa question, n° 111, relative aux conditions d'édification des cabanes des sauniers de l'île de Ré.
M. Maxime Bono. Monsieur le secrétaire d'Etat au transport et à la mer, ma question concerne les sauniers de l'île de Ré qui rencontrent d'importantes difficultés pour exercer leur profession en raison de l'interprétation restrictive de l'article R. 142-6 du code de l'urbanisme relatif aux aménagements admis dans les espaces remarquables au titre de la loi littoral. L'île de Ré dispose de ce type d'espaces et les cabanes implantées dans les marais y sont bien entendu soumises.
Cet article, modifié par le décret du 26 décembre 2000, est relatif à la définition de la surface hors oeuvre nette des constructions. La modification de l'article précité conduit, pour les services de l'Etat, à ne plus accepter, dans les espaces remarquables, des aménagements créant de la surface hors oeuvre brute, à l'exception des locaux de superficie maximale de vingt mètres carrés répondant aux prescriptions réglementaires sanitaires nationales et communautaires. Or les sauniers ont besoin, pour exercer leur métier dans de bonnes conditions, de cabanes où ils peuvent entreposer leur matériel et leur outillage, plus particulièrement les bâches, planches et tuyaux qui, quand ils sont entreposés hors de ces abris, rendent les abords du marais peu esthétiques.
En outre, la mise en valeur récente de la fleur de sel conditionnée en sacs sur les marais nécessite qu'elle soit stockée sur place. L'édification de ces cabanes est directement liée à « l'exercice des activités agricoles, de pêche et cultures marines ou lacustres, conchylicoles, pastorales et forestières » selon les termes de l'alinéa b de l'article R. 146-2. Elles permettent le stockage du sel et du matériel nécessaire à l'exploitation des marais mais ont une surface hors oeuvre brute - SHOB - supérieure à vingt mètres carrés. Ainsi, c'est là que le bât blesse, elles ne sont pas autorisées en vertu de prescriptions réglementaires nationales et communautaires.
Le schéma directeur de l'île de Ré a reconnu le bien-fondé de l'édification de ces cabanes. Les plans d'occupation des sols des communes concernées y font également référence. Le conseil d'urbanisme, d'architecture et d'environnement de la Charente-Maritime - le CAUE 17 - a indiqué, dans une étude exhaustive, dans quelles conditions lesdites cabanes pouvaient être édifiées : intégration dans le paysage du fait de leur faible surface - environ dix-huit mètres carrés - et de leur construction à flanc de bosse, en bois, avec couverture en tuiles tiges de botte, le tout sur une dalle d'argile.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il semble pour le moins choquant que la simple interprétation d'un texte puisse anéantir l'ensemble des efforts engagés par les professionnels et les collectivités en matière de valorisation économique et de conservation de notre patrimoine naturel. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir m'indiquer les mesures que le Gouvernement pourrait adopter pour préserver cette activité traditionnelle des sauniers de l'île de Ré et d'ailleurs.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le député-maire de La Rochelle, merci de nous faire rêver dans cette froide matinée hivernale parisienne en parlant des sauniers de l'île de Ré ; c'est un peu de mer et de qualité de vie qui nous rejoignent.
Votre question rejoint celle que m'avait posée, il y a quelques mois, Didier Quentin, élu comme vous de ce très beau département de Charente-Maritime et qui concernait plus particulièrement les activités ostréicoles et conchylicoles.
Les professions dont l'activité est liée à la mer ont besoin d'installations à proximité de leur lieu d'exploitation. Dans le cas des cultures marines, la directive européenne de juillet 1991, transposée en droit français par un décret d'avril 1994, impose ainsi aux ostréiculteurs, aux mytiliculteurs, expéditeurs de coquillages, très nombreux dans votre département, des normes sanitaires concernant leurs établissements. Ces normes ont des implications directes en termes de surfaces pour leurs locaux.
Or l'article R. 146-2 du code de l'urbanisme, tel qu'il a été effectivement modifié par un décret d'application de la loi SRU en décembre 2000, interdit l'édification dans les espaces littoraux remarquables d'aménagements créant de la surface hors oeuvre brute ou de locaux excédant vingt mètres carrés. De ce fait, comme vous l'avez rappelé, il impose aux diverses professions qui sont amenées à exercer leurs activités dans ces espaces, dont les sauniers de l'île de Ré, des contraintes qui compromettent la survie de leurs exploitations et, surtout, ce qui peut être encore plus grave, interdisent d'éventuelles reprises. Ces contraintes demandent également la mise aux normes européennes des exploitations anciennes.
En empêchant ainsi la modernisation et la mise aux normes des exploitations, ces dispositions vont à l'encontre même de la bonne conservation et de la gestion de ces espaces résultant du maintien de ces activités professionnelles traditionnelles.
Je suis, pour ma part, convaincu, comme vous je le pense, de l'importance de concilier la nécessaire protection des espaces remarquables du littoral et le maintien ou le développement des activités économiques. Quand le droit actuel ne permet pas cet équilibre, pourtant voulu par la loi littoral elle-même, il est évidemment souhaitable de le faire évoluer.
L'une des pistes envisagées à court terme est de modifier l'article R. 146-2. En effet, la modification du décret en l'an 2000 - n'y voyez pas un propos polémique - a été effectuée hâtivement par l'ancien gouvernement, sans que toutes les conséquences en aient été mesurées. Notre objectif est de permettre que les installations indispensables aux activités économiques puissent être autorisées sous réserves, monsieur Bono, qu'elles s'intègrent dans l'environnement. Il s'agit donc d'écrire, dans le respect de la loi littoral qui n'autorise que des aménagements légers, un décret aussi adapté que possible aux réalités de terrain.
Ce travail, qui est en cours avec les différents services concernés, se fait en concertation avec ma collègue Roselyne Bachelot, et devrait être achevé rapidement. En répondant à M. Quentin, j'avais même souhaité que tout soit prêt avant la fin de l'année, mais vous connaissez, comme moi, le fonctionnement de l'administration. Nous avons donc avancé un peu plus lentement, mais cette modification réglementaire importante interviendra rapidement et elle devrait régler, pour l'essentiel, les problèmes économiques et environnementaux qui sont l'objet de vos questions.
M. le président. La parole est à M. Maxime Bono.
M. Maxime Bono. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, pour cette réponse encourageante. Connaissant votre attachement personnel à nos paysages de Charente-Maritime, je ne doute pas que ce décret permettra de résoudre cette difficulté.
Je me permets simplement de rappeler que les sauniers ont une difficulté toute particulière. Si la modification du décret avait eu pour but de mettre un terme à certains abus de quelques ostréiculteurs qui, n'étant pas tenus par une surface hors oeuvre brute, mais seulement par une surface hors oeuvre nette, avaient parfois transformé des cabanes d'ostréiculteurs en véritables restaurants. Or les ostréiculteurs, qui sont soumis à des règlements sanitaires communautaires, ont désormais la possibilité d'édifier ces cabanes. En revanche, cela n'est pas permis aux sauniers qui ont pourtant un simple besoin de stocker leur sel et leur matériel. Ils ne peuvent pas construire alors que toutes les mesures ont été prises pour que le caractère de nos marais soit préservé et afin qu'ils restent toujours aussi agréables.
Auteur : M. Maxime Bono
Type de question : Question orale
Rubrique : Urbanisme
Ministère interrogé : équipement, transports et logement
Ministère répondant : équipement, transports et logement
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 3 février 2003