Question orale n° 1132 :
biocarburants

12e Législature

Question de : M. David Habib
Pyrénées-Atlantiques (3e circonscription) - Socialiste

M. David Habib appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les perspectives de développement des biocarburants. La France a pris du retard en ce domaine par rapport à ses voisins européens alors que l'utilisation des biocarburants présente de nombreux avantages : augmentation de notre indépendance énergétique, lutte contre la pollution et le réchauffement climatique, amélioration de l'emploi en milieu rural. Bien qu'en progrès, les agréments de défiscalisation annoncés par le Gouvernement ne permettront pas d'atteindre l'objectif de 3 % de taux d'incorporation dans les essences en 2007, en particulier pour l'éthanol dont le montant est seulement de 320 000 tonnes contre 480 000 tonnes pour le diester. Il lui demande donc si, afin de remplir l'objectif de 5,75 % d'incorporation pour 2010, il ne juge pas nécessaire de mettre fin au contingentement de ces agréments de défiscalisation, la France étant actuellement le seul pays européen à contingenter la quantité de biocarburants bénéficiant de réductions de taxes.

Réponse en séance, et publiée le 23 mars 2005

PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENT
DES BIOCARBURANTS

M. le président. La parole est à M. David Habib, pour exposer sa question, n° 1132, relative aux perspectives de développement des biocarburants.
M. David Habib. Monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, chacun connaît les tensions qui existent sur le marché énergétique, du fait de la raréfaction des matières premières. Par ailleurs, les engagements de la France, de la communauté internationale, en faveur de la préservation du milieu, du respect du protocole de Kyoto et de la directive européenne ont amené les pouvoirs publics à s'interroger sur le développement de la filière biocarburants.
Bien qu'élu de l'opposition, je veux saluer les initiatives qui ont été prises récemment pour rattraper le retard pris en la matière par la France par rapport à des pays limitrophes - je pense notamment à l'Allemagne. L'utilisation des biocarburants présente de nombreux avantages : augmentation de notre indépendance énergétique et amélioration de l'emploi en milieu rural notamment.
Néanmoins, le dispositif dit des agréments de défiscalisation risque de freiner les efforts accomplis pour rattraper notre retard. Bien qu'en progrès, les agréments de défiscalisation annoncés par le Gouvernement ne permettront pas d'atteindre l'objectif de 3 % de taux d'incorporation dans les essences en 2007, pour l'éthanol et le diester. Comment le Gouvernement entend-t-il atteindre l'objectif de 5,75 % d'incorporation pour 2010 ? Envisage-t-il de mettre fin au contingentement de ces agréments de défiscalisation, la France étant actuellement le seul pays européen à contingenter la quantité de biocarburants bénéficiant de réductions de taxes ?
Nous avons là une occasion historique de donner une perspective à notre agriculture et de favoriser des passerelles entre elle et l'industrie, notamment dans le secteur bien particulier de la chimie.
Au-delà de ces enjeux nationaux, vous comprendrez qu'en tant qu'élu du bassin de Lacq, lequel a donné du gaz à notre pays pendant des années, je souhaite que cette politique de développement des biocarburants permette d'envisager une mutation de ce territoire grâce à la perspective qu'offre l'autorisation de défiscaliser les biocarburants. Nous pourrions installer notre pays dans une " chimie verte " dont nous connaissons tous les intérêts.
Permettez-moi d'insister sur la nécessité de favoriser la recherche en la matière. Nous sommes en retard sur ce plan et il existe des perspectives tracées par les maïsiculteurs en particulier, les céréaliers et les industriels en général. Je souhaite que le Gouvernement nous réponde sur ce point aussi.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous m'interrogez sur la politique énergétique de la France et plus particulièrement sur le développement des biocarburants. Je vous trouve un peu sévère, même envers les précédents gouvernements, quand vous dites que la France a pris du retard dans ce domaine.
M. David Habib. C'est pourtant la réalité !
M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Tel est en tout cas votre avis et vous avez raison de l'exprimer librement. Mais je vous rappelle tout d'abord que, depuis 1992, la France a amorcé un mouvement qui, au-delà des différences politiques qui peuvent s'exprimer, recueille un consensus. Notre pays est aujourd'hui le second consommateur européen de biocarburants, juste derrière l'Allemagne, et sa production est quasiment à la hauteur de sa consommation.
Je tiens ensuite à vous assurer que le Gouvernement est engagé sur cette affaire. Je vous le dis non seulement en tant que ministre en charge des questions budgétaires, mais en tant qu'élu du nord de la Seine-et-Marne, secteur très impliqué en la matière, et pour cause. Les enjeux environnementaux, énergétiques et agricoles sont susceptibles de nous réconcilier tous après des années de non-dialogue. Si le président de cette assemblée n'était tenu au devoir de réserve, il nous indiquerait quelles actions nous menons tous, dans nos régions respectives.
Il faut évidemment poursuivre le combat et bousculer quelques habitudes. Le plan " biocarburants ", lancé par le Premier ministre, répond à cette nécessité. Ses objectifs, annoncés en septembre dernier, sont de tripler, à l'horizon de 2007, le volume de biocarburants faisant l'objet d'une défiscalisation, ce qui impliquerait une augmentation de 800 000 tonnes. Vous mesurez, en la matière, la disponibilité du ministre du budget.
La loi de finances pour 2005, à laquelle vous avez fait allusion, a constitué un rendez-vous important, puisqu'elle mentionne les objectifs à atteindre en matière de biocarburants. Si le taux de 3 % d'incorporation n'était pas atteint en 2007, un mécanisme de sanction, fondé sur la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, serait mis en place. Autant d'éléments qui vont dans le bon sens.
Trois avis d'appel à candidatures pour 2005, pour 2006 et pour 2007 ont ainsi été publiés au Journal officiel des Communautés européennes. Les candidats avaient jusqu'au 17 mars pour faire connaître leurs demandes, qui portent sur un volume global de biocarburants de 2,2 millions de tonnes. Après avis de la commission française d'examen des demandes d'agrément, le Gouvernement fera connaître sa décision en mai prochain.
Je reste optimiste quant à la possibilité d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés pour 2007. En effet, les estimations effectuées à partir de la consommation actuelle de carburants montrent que le taux de pénétration des biocarburants dans les carburants fossiles devrait se situer à 2,6 % à l'horizon de 2007 et que le taux d'éthanol dans les essences devrait s'élever à 2,9 %. L'objectif de 3 % devrait donc être quasiment atteint à cette date.
La croissance des volumes va affecter prioritairement la filière des biodiesels, dont la croissance sera de 480 000 tonnes, alors que celle du bioéthanol sera de l'ordre de 320 000 tonnes. Cette différence s'explique simplement par la dynamique de la consommation de gazole en France, carburant auquel les esters sont incorporés. Au reste, il n'est pas question d'aviver des querelles ou de faire jouer la concurrence entre les filières, mais de les développer toutes les deux.
Pour ce qui est du contingentement, je ne pense pas qu'il soit de nature à freiner le développement des biocarburants.
Tout d'abord, le système actuel fonctionne bien. Il permet de soutenir le développement des biocarburants tout en connaissant l'ensemble des opérateurs de la filière.
Ensuite, la France n'est pas le seul pays en Europe à pratiquer des contingentements, puisque l'Italie a adopté le même système.
Enfin, la disparition du contingentement ne permettrait plus de maîtriser la dépense fiscale, dont je dois vous rappeler qu'elle représente environ 200 millions d'euros pour 2004 et qu'elle devrait tripler d'ici à 2007.
Étant donné qu'il n'est pas question de financer ces mesures en creusant le déficit, il faut que des économies soient réalisées ailleurs, ce qui impose d'agir avec modération.
L'Assemblée nationale examine cette semaine le projet de loi d'orientation sur l'énergie qui réaffirme nos objectifs ambitieux en matière de biocarburants. Je ne doute pas, monsieur le député, que vous le soutiendrez avec enthousiasme. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. David Habib.
M. David Habib. Vous êtes trop averti des réalités législatives, monsieur le ministre, pour ignorer que, malheureusement, le texte qui nous est soumis ne se limite pas à la seule question des biocarburants. Il aborde d'autres domaines, qui nécessitent un approfondissement de la pensée gouvernementale.
Je prends néanmoins acte des indications que vous venez de nous donner et notamment des objectifs que le Gouvernement s'est fixés pour l'année 2007. Je vous rappelle en outre la dimension agricole d'un tel projet, ainsi que la nécessité de favoriser des perspectives à moyen terme et d'offrir aux agriculteurs un réel espoir de développement de leur filière.
Enfin, je partage votre souci de ne pas opposer le biodiesel et le bioéthanol. Certains ont essayé de le faire, à tort. La France a besoin des deux filières.
M. le président. Merci de cet éclairage sur cet important dossier !

Données clés

Auteur : M. David Habib

Type de question : Question orale

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 22 mars 2005

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