étang de Berre
Question de :
M. Michel Vaxès
Bouches-du-Rhône (13e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
M. Michel Vaxès attire l'attention de M. le ministre de l'écologie et du développement durable sur l'arrêt de la Cour européenne de justice qui a condamné la France, le 7 octobre dernier, pour ne pas avoir pris « des mesures appropriées afin de prévenir, réduire et combattre la pollution massive et prolongée de l'étang de Berre ». Avec cette condamnation la France est désormais contrainte d'agir sous peine d'être condamnée à de lourdes pénalités financières et se doit de résoudre enfin le problème écologique auquel est confronté l'étang de Berre depuis de trop nombreuses années. Le mois dernier s'est ouverte la période des négociations avec la Commission européenne pour un plan de reconquête de l'étang menacé par les rejets de la centrale EDF de Saint-Chamas, Il lui demande si dans son plan de réhabilitation la France a décidé de concilier les impératifs relatifs à l'emploi, l'environnement et l'utilisation d'énergies propres dans une optique de développement durable. Il pense notamment à une dérivation souterraine de l'eau douce vers le Rhône.
Réponse en séance, et publiée le 23 mars 2005
LUTTE CONTRE LA POLLUTION
DE L'ETANG DE BERRE
M. Michel Vaxès. Monsieur le ministre délégué à la recherche, le 7 octobre dernier, la France a été condamnée par la Cour européenne de justice pour ne pas avoir pris " des mesures appropriées afin de prévenir, réduire et combattre la pollution massive et prolongée de l'étang de Berre ". Désormais, la France est contrainte d'agir, sous peine d'être condamnée à de lourdes pénalités financières. Il lui appartient de résoudre, enfin, le problème écologique auquel est confronté l'étang de Berre depuis de trop nombreuses années.
Le mois dernier s'est ouverte la période des négociations avec la Commission européenne pour un plan de reconquête de l'étang, menacé par les rejets de la centrale EDF de Saint-Chamas. Ce plan de réhabilitation devra concilier les impératifs relatifs à l'emploi et ceux liés à l'environnement, en préconisant l'utilisation d'énergie propre dans une optique de développement durable. C'est pourquoi il convient de donner la priorité à une solution pérenne.
Je ne sous-estime pas les quelques petites améliorations qui ont été réalisées ces dernières années, mais, vous en conviendrez avec moi, la seule solution pérenne serait la réalisation d'un canal de dérivation conduisant les eaux douces vers le Rhône. L'étang retrouverait ainsi sa salinité originelle, la chaîne Durance-Verdon serait préservée et le potentiel énergétique conservé.
Monsieur le ministre, le Gouvernement va-t-il donner à l'étang de Berre les chances d'une réhabilitation définitive en faisant le choix d'une solution durable, dans l'intérêt de la nation ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la recherche.
M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Monsieur le député, la France a effectivement été condamnée pour les rejets d'eau douce de la Durance dans l'étang de Berre, effectués par la centrale hydroélectrique de Saint-Chamas.
L'arrêt vise, sur le fond, une insuffisance des mesures prises par la France pour réduire la pollution de l'étang résultant de ces rejets massifs et erratiques d'eau douce dans l'étang salé que constitue l'étang de Berre.
La France - dois-je le rappeler ? - a déjà pris des mesures pour réduire progressivement cette pollution. En 1995, Michel Barnier, alors ministre de l'environnement, avait déjà fortement limité les quantités d'eau douce et de limon rejetés dans l'étang de façon à concilier protection de l'étang et maintien de la production hydroélectrique. En effet, la centrale de Saint-Chamas utilise une énergie renouvelable, l'eau, permettant de lutter contre le réchauffement climatique.
La condamnation en 2004 de la France a conduit le Gouvernement à proposer une nouvelle étape dans l'attente du résultat des études engagées par le groupement d'intérêt public pour la restauration de l'étang de Berre sur une solution de dérivation des rejets.
Les premiers éléments semblent montrer que cette dérivation serait, hélas ! extrêmement coûteuse, et on peut s'interroger sur le renchérissement considérable qu'elle générerait sur l'électricité produite au regard du gain environnemental escompté.
Cette première étape consiste à expérimenter pendant quatre ans un " lissage ", c'est-à-dire l'étalement dans l'année, des rejets de la centrale et une diminution des rejets de limon. Cela devrait permettre de garantir une salinité minimale permanente de l'étang. L'objectif est de réintroduire dans l'étang la moule de Méditerranée et de recréer de nouveaux herbiers, de façon à apporter des améliorations concrètes et immédiates à partir de l'automne prochain.
Le contenu de cette solution a été présenté à la Commission européenne.
Dès que nous aurons validé le dispositif avec la Commission, nous pourrons lancer l'expérimentation et la concertation avec les acteurs locaux pour la mettre en oeuvre. Pour la suivre, nous mettrons en place un comité d'experts internationaux, chargé de suivre le niveau de restauration obtenu de l'étang de Berre.
Cette période d'expérimentation sera mise à profit pour mettre au point, au-delà des quatre ans, une nouvelle étape au sein de laquelle sera examinée la possibilité de mettre en oeuvre le projet de dérivation, s'il s'avérait opportun.
Les décisions qui seront prises prendront en compte la nécessité de concilier les impératifs liés à l'emploi, à la protection de l'environnement - qualité des eaux et lutte contre le réchauffement climatique -, à la sécurité d'approvisionnement électrique et à l'économie.
M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.
M. Michel Vaxès. Monsieur le ministre, je partage les objectifs que vous rappelez - je les ai moi-même énoncés dans la question - de la requalification environnementale, du maintien de l'emploi, du maintien de la production énergétique propre par l'eau. Cela dit, vous me permettrez deux ou trois remarques.
Vous avez évoqué le plan Barnier de 1995. Effectivement, il se proposait de réduire de 200 000 tonnes par an le déversement de limon. Quatre ans plus tard, nous constatons que la réduction effective n'est que de 100 000 tonnes. Il se proposait de réduire de 35 % les quantités d'eau douce déversées. Aujourd'hui, EDF nous dit qu'il faut maintenir - ce qu'on peut comprendre - 2 milliards de mètres cubes de rejet d'eau douce dans l'étang, c'est-à-dire environ deux fois et demie le volume d'eau que contient l'étang. Je crains que la proposition d'EDF de " lissage " n'apporte pas une solution définitive à terme.
J'ajoute que les coûts cumulés depuis vingt ans à force de tentatives de réhabilitation de l'étang de Berre représentent à eux seuls beaucoup plus que le seul investissement pour un canal de dérivation. Selon moi, plus nous tarderons à la réalisation de ce canal de dérivation, plus l'argent que nous utiliserons n'aura, au bout du compte, pas beaucoup d'efficacité. Les pêcheurs sont patients, les populations environnantes le sont aussi. Plusieurs hypothèses ont été formulées. Vous avez évoqué également le GIPREB : il est aujourd'hui convaincu de la nécessité de cette solution de dérivation.
Je ne voudrais pas, enfin, que l'État français subisse une nouvelle condamnation, dans quelque temps, après cette expérimentation, du fait des insuffisances du traitement qu'il aurait proposé.
Auteur : M. Michel Vaxès
Type de question : Question orale
Rubrique : Déchets, pollution et nuisances
Ministère interrogé : écologie
Ministère répondant : écologie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 mars 2005