décentralisation
Question de :
M. Éric Raoult
Seine-Saint-Denis (12e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Éric Raoult attire l'attention de Mme la ministre déléguée à l'intérieur sur la campagne de désinformation et de propagande menée par le conseil général de la Seine-Saint-Denis au sujet du « prétendu désengagement de l'État ». En effet, par la voix de son président, le conseil général de la Seine-Saint-Denis a fait paraître par l'intermédiaire du journal Le Parisien, puis envoyé à tous les citoyens de ce département un courrier les informant d'une tentative de l'État de se désengager de ses missions historiques : RMI, fonds sociaux, APA, TOS... Ainsi, il serait question, pour le seul RMI, d'un écart entre les dépenses et les compensations de l'État d'un montant s'élevant à 26 millions d'euros en 2004 et de 50,6 millions d'euros en prévisionnel pour 2005. À cela s'ajouterait d'autres décalages : 5 millions d'euros au titre des fonds sociaux (logement, jeunesse, énergie), 4,5 millions pour l'allocation personnalisé d'autonomie (APA), 5 millions pour les transferts des techniciens et ouvriers spécialisés dans les collèges (TOS), et plus de 20 millions liés aux transferts des routes nationales et des personnels de la DDE. Toutes ces affirmations jettent le trouble dans la population et réclament une vérification et une clarification. Dans le cadre de l'actualité de ce dossier, qui n'a comme unique objectif que de justifier des hausses de fiscalité départementales mais qui suscite des craintes et des interrogations, il lui demande de rassurer les habitants et les familles du département de la Seine-Saint-Denis quant à l'engagement total de l'État sur ce dossier, et de rétablir la vérité.
Réponse en séance, et publiée le 23 mars 2005
FISCALITE DEPARTEMENTALE EN SEINE-SAINT-DENIS
M. le président. La parole est à M. Éric Raoult, pour exposer sa question, n° 1153, relative à la fiscalité départementale en Seine-Saint-Denis.M. Éric Raoult. Monsieur le président, madame la ministre déléguée à l'intérieur, mes chers collègues, Robert Pandraud et Jean-Claude Abrioux s'associent à ma question relative à la politique de fiscalité départementale en Seine-Saint-Denis.
La majorité du conseil général a récemment lancé une campagne de communication - ou, plutôt, de propagande -, baptisée " Envie d'avenir ". Tous, dans cet hémicycle, nous avons " envie d'avenir ", mais, en Seine-Saint-Denis, nous avons également, comme le propose cette communication départementale, " besoin de vérité ". Or, par cette campagne de désinformation, le conseil général montre qu'il n'a peut-être pas encore pris conscience des engagements de l'État sur les minima et autres dépenses sociales.
Ainsi, son président affirme que, pour le seul RMI, le désengagement atteindrait plus de 26 millions d'euros en 2004 et, selon ses prévisions, 50,6 millions d'euros en 2005. Il cite d'autres chiffres à propos du fonds de solidarité pour le logement, du fonds d'aide aux jeunes, du fonds de solidarité pour l'énergie, et prétend que l'allocation départementale personnalisée d'autonomie serait en déficit.
Cette propagande, diffusée à grande échelle, perturbe le débat politique, et l'on peut s'interroger sur les méthodes utilisées, l'équivalent de plusieurs millions de francs ayant été dépensés pour des encarts dans la presse, pour la distribution de magazines dans les boîtes aux lettres, pour une campagne de pétition qui a recueilli 10 000 signatures - ce qui est, somme toute, assez modeste dans un département qui compte plus de 1,4 million d'habitants. On le voit, en Seine-Saint-Denis - qui, pendant des années, a été située plus à l'est qu'à gauche -, on n'a pas oublié les bonnes vieilles méthodes des années cinquante.
Au-delà de la fausseté des chiffres, au-delà de la méthode utilisée, je souhaite vous faire part, madame la ministre, de l'inquiétude qu'éprouvent les élus de la majorité nationale, qui craignent que la mise en oeuvre des dispositifs du plan de cohésion sociale ne soit sabotée en Seine-Saint-Denis : en effet, malgré les directives du préfet, le département n'a pas étudié avec une attention suffisante les contrats d'avenir.
Je souhaitais, madame la ministre, vous demander de rétablir la vérité des chiffres, vous faire part de nos interrogations sur les méthodes auxquelles a recours la majorité communiste du conseil général et de l'inquiétude de nombreux élus sur les risques de dévoiement et de freinage du dispositif du plan de cohésion sociale du Gouvernement.
Je tenais, en même temps, à vous remercier de l'intérêt que vous avez déjà témoigné à nos préoccupations, en recevant, la semaine dernière, une délégation d'élus départementaux, régionaux et nationaux de Seine-Saint-Denis.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'intérieur.
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, les affirmations d'un quotidien relayant un courrier adressé par l'assemblée départementale aux habitants de Seine-Saint-Denis peut en effet susciter une certaine crainte chez les citoyens. On peut d'ailleurs se demander si une collectivité locale est bien dans son rôle en orchestrant une telle campagne de propagande.
Pourtant, les choses me semblent claires. Les transferts de compétences aux collectivités territoriales n'ont jamais été accompagnés d'autant de garanties constitutionnelles que depuis 2003.
En application de la loi d'août 2004, la compensation financière des transferts de compétences sera intégrale, concomitante, contrôlée et conforme à l'objectif d'autonomie financière inscrit dans la Constitution.
Toutes les dépenses, directes et indirectes, liées à l'exercice des compétences transférées seront prises en compte dans le calcul de la compensation. Les charges de fonctionnement seront évaluées à partir de la moyenne des dépenses consacrées par l'État au cours des trois années précédant le transfert.
En ce qui concerne les charges d'investissement, le niveau de dépenses variant d'un exercice à l'autre, la compensation sera fondée sur la base de la moyenne actualisée des crédits précédemment ouverts au budget de l'État, au titre des investissements exécutés ou subventionnés au cours des cinq années, au moins, précédant le transfert.
De même, le Gouvernement veillera scrupuleusement au respect du principe de compensation concomitante, par des ressources nouvelles, des charges nouvelles qu'auront à assumer les collectivités locales.
Les montants attribués sont inscrits dans la loi de finances pour 2005. Les évaluations sont provisoires, puisqu'elles sont établies sur des bases prévisionnelles pour l'année 2004. Elles seront donc réévaluées et régularisées a posteriori par voie d'arrêtés interministériels.
Le droit provisionnel à compensation de la Seine-Saint-Denis a ainsi été fixé à 4,380 millions d'euros, dont 235 000 euros au titre du fonds d'aide aux jeunes ; 152 946 euros au titre des centres locaux d'information et de coordination, les CLIC ; 3,673 millions d'euros au titre du fonds de solidarité pour le logement ; 284 127 euros au titre du fonds eau-énergie ; et 35 313 euros au titre des conventions de restauration.
Ce droit provisoire a été fixé au vu des dépenses de fonctionnement des trois années précédant le transfert ; il a de surcroît été décidé, par exemple pour le droit à compensation des centres locaux d'information et de coordination, de tenir compte de la montée en charge du dispositif.
En outre, ces questions seront toutes examinées par la commission consultative d'évaluation des charges, la CCEC, qui est chargée de veiller à la justesse de la compensation, tant dans ses méthodes d'évaluation que dans son montant. Cette commission a débuté ses travaux le 10 mars dernier et va avancer à grandes enjambées. En donnant son avis sur les projets d'arrêtés interministériels fixant le montant de la compensation pour chacune des collectivités, elle veillera à l'adéquation entre les charges et les ressources transférées. Présidée par M. Jean-Pierre Fourcade, sénateur des Hauts-de-Seine, et composée paritairement de représentants de l'État et d'élus de chaque catégorie de collectivités territoriales, elle permet aux élus de s'assurer, au plus près de la réalité, du caractère loyal de la compensation des charges résultant des transferts.
Lors de sa première séance, elle a adopté un calendrier de travail qui devrait la conduire à examiner avant l'été les questions relatives aux routes, au RMI, aux personnels TOS, au fonds de solidarité pour le logement et au fonds d'aide aux jeunes.
Pour ce qui est du RMI, je vous remercie, monsieur le député, de me donner l'occasion de préciser encore une fois les choses. Contrairement à ce qui peut être dit, le Gouvernement a intégralement rempli ses obligations légales. Ainsi, il a versé, au titre de l'année 2004, 4,941 milliards d'euros, dont 198 448 696 euros pour la Seine-Saint-Denis, ce qui correspond à la dépense exécutée par l'État en 2003. Or, les départements ont constaté un décalage entre leurs dépenses au titre de 2004 et les versements de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, décalage dû, en l'état des connaissances actuelles, à la hausse des dépenses de RMI en 2004, dont la moyenne nationale est de 9 %.
Dans ce contexte, le Premier ministre a annoncé, le 7 mars dernier, que " l'État financera le coût exact de la dépense ", y compris le décalage constaté, allant ainsi bien au-delà de ses obligations légales.
Cette compensation, nous avons déjà eu l'occasion de le dire, se fera après exploitation des comptes administratifs, lesquels seront clôturés au plus tard le 30 juin 2005. La loi de finances initiale pour 2006 et la loi de finances rectificative pour 2005 fixeront alors le niveau définitif de la fraction de TIPP au regard du montant définitif du droit à compensation.
Contrairement à ce que certains laissent croire, la compensation des transferts de compétences est engagée par le Gouvernement selon un processus équilibré et dans un souci de totale transparence et de loyauté. Vous le voyez, monsieur le député, nous sommes loin du " désengagement de l'État " qui a été évoqué.
S'agissant du plan Borloo, nous serons particulièrement attentifs à la manière dont il sera exécuté. Les annonces qui ont été faites par l'État seront concrétisées et nous veillerons notamment à ce qu'elles soient parfaitement appliquées dans votre département, dont la population est particulièrement visée par ce plan Borloo.
M. le président. La parole est à M. Éric Raoult.
M. Éric Raoult. Madame la ministre, merci de ces clarifications. Au moment où, dans les régions et dans certains départements, certains, plutôt que de chercher à informer et à communiquer, font, pour manipuler l'opinion, oeuvre de propagande - vous avez repris ce terme que j'ai moi-même utilisé, et je vous en remercie parce qu'il correspond à la réalité -, il est important de réaffirmer qu'on ne joue pas avec la pauvreté et la précarité. Les élus de gauche peuvent polémiquer sur de très nombreux sujets, il est tout à fait regrettable que, sur le dossier des plus défavorisés, on essaie de faire croire n'importe quoi.
C'est la raison pour laquelle, madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. J'espère que le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis en tiendra compte lors du vote de son budget. Je trouve profondément regrettable cette démarche politicienne qui consiste à utiliser, dans un département comme celui de la Seine-Saint-Denis, le fait que la gauche ne s'entend pas au sein de la majorité départementale pour influer sur la vie quotidienne, difficile, des habitants. Les éléments de réponse que vous venez de fournir seront envoyés à l'ensemble des élus, d'Aubervilliers, de La Courneuve et des quarante communes du département de la Seine-Saint-Denis.
Auteur : M. Éric Raoult
Type de question : Question orale
Rubrique : État
Ministère interrogé : intérieur (MD)
Ministère répondant : intérieur (MD)
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 mars 2005