Question orale n° 1156 :
GIAT-Industries

12e Législature

Question de : M. François Rochebloine
Loire (3e circonscription) - Union pour la Démocratie Française

M. François Rochebloine souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de la défense, sur la situation particulièrement préoccupante du groupe d'armement terrestre GIAT Industries. La mise en oeuvre du plan de restructuration GIAT 2006, décidé voici deux ans, pose de réels problèmes, tant aux plans financier et industriel - les objectifs de production n'étant pas atteints -, qu'au plan social, dans la mesure où les reclassements des personnels s'avèrent particulièrement difficiIes à réaliser, notamment dans des bassins d'emplois frappés par la désindustrialisation. Il lui rappelle, par ailleurs, que l'État avait pris un certain nombre d'engagements pour accompagner le plan dont les répercussions sur les territoires concernés méritent d'être objectivement analysées. Considérant ces différents éléments, il lui demande de bien vouloir lui préciser si elle envisage de tirer les conséquences des difficultés actuelles.

Réponse en séance, et publiée le 30 mars 2005

SITUATION DE GIAT INDUSTRIES

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour exposer sa question, n° 1156.
M. François Rochebloine. Madame la ministre de la défense, le 7 avril 2003, la direction de Giat Industries annonçait le sixième plan social et de restructuration du groupe industriel d'armement terrestre, depuis sa création en 1990. Cette décision, lourde de conséquences en termes économiques, financiers et humains, a fait l'objet de nombreuses critiques et de propositions alternatives, hélas toutes restées lettre morte.
Si l'idée d'une restructuration pouvait sembler inéluctable dans le contexte difficile de la crise des industries de l'armement et de la constitution de pôles de compétences de dimension européenne, l'abandon de pans entiers d'activités d'armement traditionnellement ancrés sur des bassins d'emplois n'est pas allée sans provoquer de profonds traumatismes et un affaiblissement des potentialités de production pour des territoires déjà largement fragilisés dans le passé. Élu du département de la Loire, j'ai essayé avec mes autres collègues élus, de sensibiliser le Gouvernement à la gravité de ces difficultés : j'ai ainsi tenté de lui montrer que ce plan comportait des incohérences ; qu'il ne se ferait pas sans surcoût, sans perte de compétences et de savoir-faire ; que les salariés n'accepteraient pas facilement de jouer la mobilité géographique ; que l'abandon de certaines activités dans le cadre d'externalisations arrangées était risqué, ou encore que la disparition du site de Giat à Saint-Chamond ne serait pas compensée. Le plan GIAT 2006 ayant été élaboré dans le secret des cabinets et des bureaux parisiens, il n'a jamais été possible pour les élus d'en discuter, comme si l'avenir de Giat ne concernait pas aussi les élus de la nation.
Je rappelle simplement que, pour des raisons historiques, Giat Industries est un groupe public, placé sous la tutelle du ministère de la défense, que son principal donneur d'ordres est l'État et qu'enfin, pour plusieurs bassins d'emplois, le groupe était un élément suffisamment important pour jouer un rôle structurant.
Mon propos ne consiste pas à faire le débat que nous avons tenté à plusieurs reprises de faire naître ici même dans cet hémicycle. Hélas, deux ans se sont écoulés, et nous commençons à mesurer aujourd'hui les effets des choix opérés par les experts, puis validés par les différents gouvernements.
Le passé étant le passé, mon propos porte d'abord et avant tout sur les possibilités qui s'ouvrent aujourd'hui au Gouvernement pour arrêter une dérive dangereuse pour l'avenir même de notre outil de défense, pour l'alerter sur des méthodes de management manifestement inadaptées et qui démontrent leur inefficacité.
Tout cela a été dit et écrit par les organisations syndicales, qui ont constamment rappelé au cours des deux dernières années les enjeux industriels et humains d'une restructuration coûteuse en termes financiers. Et là, le temps venu, il faudra bien tirer le bilan d'une telle gestion.
Voici quelques jours, nos collègues Georges Siffredi et Jean-Claude Viollet, membres de la commission de la défense nationale de notre assemblée et auteurs d'un rapport d'information sur le suivi des mesures sociales d'accompagnement du plan Giat 2006, ont mis en cause certaines attitudes de la direction du groupe dans une communication particulièrement précise et détaillée. Permettez-moi d'en citer un court extrait :
" Les explications partielles, les dissimulations, les faux-fuyants n'ont pas contribué à établir des relations de confiance avec une direction qui donne l'impression de louvoyer, externalisant tout ce qui peut l'être dès qu'une difficulté se présente.
Les rapporteurs n'ont pu que regretter cette impression de fuite des responsabilités qui entame sérieusement la crédibilité du groupe. "
Comment admettre en effet que le PDG d'un groupe public puisse être coupé des réalités de son entreprise au point de refuser de se rendre sur certains sites depuis des années ? D'ailleurs, M. Vigneron connaît-il seulement son entreprise ?
Ce qui ressort également, toujours en termes de constat, c'est le manque de pragmatisme de cette direction, qui obstinément, aveuglément, refuse d'admettre que les restructurations envisagées sont si peu pertinentes qu'elles engendrent des surcoûts financiers injustifiables : investissements immobiliers, embauches de personnels, frais de transfert, comme c'est le cas entre autres avec l'arme de petit calibre de Saint-Chamond à Tulle par exemple, alors que dans le même temps on reconnaît qu'il faire des économies, réduire la voilure, etc.
Et comme tout se sait, vous comprendrez que la démobilisation des personnels, nourrie par ce sentiment de gabegie, puisse être à son comble. Bref, tout indique que la fuite en avant continue.
À cela s'ajoutent une politique de communication inexistante avec les élus des territoires concernés, et des méthodes d'intimidation déplorables que nous avons pu constater récemment. Je vous signale simplement, madame la ministre, que c'est sur ma demande insistante que nos collègues Siffredi et Viollet ont pu se rendre sur le site de Saint-Chamond, la direction estimant qu'il n'y avait pas lieu de le visiter, craignant pour leur sécurité, alors que l'on sait pourtant que près de 650 emplois sont appelés à disparaître et qu'il est l'un de ceux où les difficultés de reclassement des personnels sont sans aucun doute les plus préoccupantes, pour ne pas dire plus, notamment pour les personnels sous convention collective.
C'est en quelque sorte faire insulte aux responsables syndicaux et aux élus politiques locaux. Les reclassements, parlons-en !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. François Rochebloine. C'est un sujet important.
À titre d'exemple, sur le bassin d'emplois de Saint-Chamond, en six mois, seuls 28 salariés ont pu en bénéficier, 11 autres devant y parvenir également, avec difficulté.
Aussi, nous attendons non seulement un engagement complémentaire de votre ministère - peut-être avec des solutions de proximité - mais également, comme cela avait été indiqué, l'implication d'autres ministères. Plus largement, pour débloquer cette situation, il est indispensable que des reclassements s'effectuent dans les trois fonctions publiques : des pistes existent.
Pour conclure, je crois pouvoir affirmer que la direction, une fois de plus, s'y est mal pris, mais qu'il est encore temps de limiter la dérive.
Manifestement, des mesures s'imposent. La représentation nationale attend du Gouvernement des décisions fermes qui permettront de rétablir la crédibilité de Giat Industries, et plus largement l'organisation de notre industrie de défense.
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur Rochebloine, je vous rappelle dans quelle situation était GIAT à mon arrivée. Je vous rappelle aussi que nombreux étaient ceux qui conseillaient la fermeture pure et simple de l'entreprise puisque le carnet de commandes était vide et que la restructuration paraissait très coûteuse.
J'ai souhaité garder une industrie d'armement terrestre, et c'est la raison pour laquelle, en associant très largement tous les élus, j'ai choisi de transformer Giat en une entreprise moderne, mature, tournée vers le client et bien positionné sur le plan industriel, avec des perspectives d'alliances solides lui permettant ensuite de jouer un rôle de leader européen.
Je ne peux pas laisser dire que le plan a été élaboré dans " le secret des cabinets " : dix-huit mois avant l'annonce du plan, je vous ai tous reçus au ministère, séparément ou ensemble, pour parler des perspectives et préparer le plan.
De la même façon, il est évident que lorsque des parlementaires veulent aller dans une entreprise publique, comme dans n'importe quelle administration, et particulièrement au ministère de la défense, je veille à ce qu'ils puissent le faire et aller où ils veulent, en toute transparence.
M. François Rochebloine. Très bien !
Mme la ministre de la défense. Le rapport de M. Siffredi et de M. Viollet salue la mobilisation du ministère de la défense et souligne qu'il a tenu ses engagements :
Engagements financiers, d'abord : nous avons recapitalisé l'entreprise à hauteur de 1 milliard d'euros ;
Engagements industriels, ensuite : nous avons passé les commandes 2004, notamment des canons Caesar et des munitions de moyen calibre.
Sur le plan des engagements sociaux, les offres de postes et les reclassements sont là puisque 1056 salariés sur 2041 à reclasser en trois ans ont d'ores et déjà trouvé des solutions, sans compter les départs naturels à la retraite.
Les engagements sont également tenus en ce qui concerne la reconversion industrielle : chaque site a un ou plusieurs projets annoncés ou à l'étude, ce qui a d'ailleurs été salué dans le cadre d'une précédente question.
M. François Rochebloine. Pas à Saint-Chamond !
Mme la ministre de la défense. Qu'il y ait encore des difficultés, certes, mais, comme je l'ai déjà prouvé, vous pouvez compter sur ma mobilisation pour tenir totalement les engagements de l'État. Je vous signale d'ailleurs - je crois que ce n'est pas encore connu - qu'à titre exceptionnel j'ai décidé d'ouvrir cinquante postes au sein du ministère de la défense pour permettre le recrutement de personnels de GIAT sous contrats de convention collective.
M. François Rochebloine. Très bien !
Mme la ministre de la défense. Cela va donc au-delà de ce qui est normal ou obligatoire pour l'État.
Sur le plan social, monsieur Rochebloine, l'offre de proximité, hors de la défense, doit être effectivement augmentée...
M. François Rochebloine. Nous sommes d'accord !
Mme la ministre de la défense. ...au niveau des autres administrations, mais également des collectivités locales. Nous sommes là pour nous dire la vérité. Je vais donc vous la dire : les collectivités locales n'ont effectivement pas répondu aux engagements pris.
M. François Rochebloine. C'est vrai !
Mme la ministre de la défense. Quand je constate les quelques postes proposés par des collectivités locales, je dois dire qu'elles n'ont pas tenu leur part des engagements.
M. François Rochebloine. D'accord !
Mme la ministre de la défense. Sur le plan commercial, là aussi, les engagements de l'État se poursuivent. Plusieurs négociations en cours devraient aboutir très prochainement. Des programmes ont été remis en ordre, qu'il s'agisse du développement du véhicule blindé de combat d'infanterie - le fameux VBCI - qui sera le produit phare de la nouvelle entreprise ou de la rénovation de l'AMX 10 RC.
Telles sont les observations que je souhaitais faire, monsieur le député, sur les engagements qui ont été totalement tenus par l'État et notamment par le ministère de la défense.
Vous avez abordé d'autres questions. Je vous rappelle qu'il n'est pas d'usage, dans cet hémicycle, de faire des mises en cause nominales.
M. François Rochebloine. Il y a eu un rapport !
Mme la ministre de la défense. La société GIAT Industries a, pour moi, un réel avenir dans une perspective nationale et européenne. Nous lui donnerons cette capacité européenne lorsqu'elle sera forte sur le plan national. Cet avenir et cette force dépendent de la réussite du plan de transformation engagé auquel nous devons tous apporter notre pierre.
Le ministère de la défense l'a fait et continuera à le faire.
M. le président. La parole est à M. François Rochebloine.
M. François Rochebloine. Je vous remercie, madame la ministre, des précisions que vous avez bien voulu m'apporter. Il n'est certes pas d'usage de mettre en cause nominativement une personne dans cet hémicycle. Un rapport a toutefois été rédigé. Des milliers de personnes sont concernées et des centaines ont perdu leur emploi. Ce rapport soulève les véritables problèmes que rencontre aujourd'hui GIAT Industries. Sans doute comptez-vous prendre des mesures, ce que j'espère.

Données clés

Auteur : M. François Rochebloine

Type de question : Question orale

Rubrique : Défense

Ministère interrogé : défense

Ministère répondant : défense

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 mars 2005

partager