Question orale n° 1258 :
déchets

12e Législature

Question de : M. Pierre Albertini
Seine-Maritime (2e circonscription) - Union pour la Démocratie Française

M. Pierre Albertini souhaite interroger Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur l'installation d'un centre d'enfouissement de déchets sur la commune de Pîtres. En novembre 2004, le préfet de l'Eure a proposé l'installation d'un centre d'enfouissement technique sur le territoire de la commune de Pîtres dans le département de l'Eure. Cette annonce, effectuée sans aucune concertation préalable, a suscité une levée de boucliers de la part des élus et des habitants de la vallée Galantine, lieu envisagé de l'implantation. Ce projet n'est pas nouveau, une installation comparable, finalement annulée par le tribunal administratif de Rouen puis par la cour administrative d'appel de Nantes, ayant déjà été décidée en 1997. Ces péripéties ont tellement agité la population locale que les élus sortants ont été battus par les opposants au projet litigieux en mars 2001. Ce simple rappel suffirait à montrer combien le sujet est sensible. La vallée Galantine est en effet d'exceptionnelle qualité, sur le plan écologique et paysager. La biodiversité qu'elle renferme s'explique par la présence de trois entités complémentaires : forêt, prairies et cultures dont de nombreux rapports scientifiques ont souligné l'intérêt. L'ensemble de ces éléments auraient dû convaincre l'État de renoncer définitivement à ce projet : il n'en n'est pourtant rien, le préfet ayant décidé de poursuivre le processus, en demandant une étude d'évaluation à la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement. Cette étude sera rendue publique à la fin du mois de juin. La question qui se pose est simple : peut-on envisager l'installation d'un tel centre d'enfouissement sur un territoire d'une telle qualité environnementale, contre l'avis de toute sa population et de tous ses élus ? Ce projet contre nature doit être clairement abandonné. Il attend une réponse précise à ce sujet en espérant qu'elle soit inspirée par le seul bon sens. Le déficit de l'Eure en termes de traitement des déchets ne justifie pas le sacrifice de la vallée Galantine.

Réponse en séance, et publiée le 22 juin 2005

PROJET DE CENTRE D'ENFOUISSEMENT DES DECHETS A PITRES DANS L'EURE

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Albertini, pour exposer sa question, n° 1258.
M. Pierre Albertini. Madame la ministre de l'écologie et du développement durable, permettez-moi d'associer à ma question François Loncle, député de l'Eure, qui partage entièrement mon analyse.
M. François Loncle. Absolument !
M. Pierre Albertini. Le préfet de l'Eure envisage aujourd'hui de donner suite au funeste projet de création par la société SITA, sur une aire de stockage de 13 hectares environ, d'un centre d'enfouissement technique permettant l'enfouissement de 1 300 000 mètres cubes de déchets non valorisables sur une période de quatorze ans environ.
Ce projet est la résurgence d'un projet plus ancien qui avait échoué devant le tribunal administratif puis devant la cour administrative d'appel. La vallée Galantine, où l'on projette d'installer ce centre, est pourtant un site d'une qualité exceptionnelle : c'est une vallée sèche largement boisée et particulièrement fragile car constituée de coteaux crayeux, donc friables. L'écoulement des eaux se fait très certainement dans cette couche de craie en créant des cavités karstiques, et vous savez combien la Seine-Maritime et l'Eure sont, hélas ! l'une et l'autre sujettes à ce fléau des marnières et des cavités karstiques.
Ce projet funeste rencontre l'opposition résolue et unanime des élus locaux, et d'abord de ceux de la commune de Pîtres qui envisagent de créer dans cette vallée une zone naturelle. Il rencontre aussi l'hostilité des élus environnants, notamment de ceux de la communauté d'agglomération Seine-Eure et du conseil général de l'Eure qui s'est prononcé à l'unanimité, toutes tendances confondues, contre ce projet.
Même si le traitement des déchets mérite que chaque département prenne en charge ce problème de manière responsable, les centres d'enfouissement technique ne doivent pas être créés n'importe où et dans n'importe quelles conditions. Voilà pourquoi nous sommes très mobilisés sur ce dossier. Nous attendons l'étude de faisabilité que M. le préfet a commandée à la DRIRE.
Les démarches que j'ai effectuées auprès de votre prédécesseur depuis le mois de décembre sont restées jusqu'ici sans réponse. J'aimerais donc que ce dossier soit traité avec le soin, la diligence et la capacité d'expertise dont le ministère de l'écologie et du développement durable est capable.
M. François Loncle. Excellente question !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Messieurs Albertini et Loncle, j'ai bien noté votre grande inquiétude sur ce projet de centre d'enfouissement technique à Pîtres. Je sais que l'ouverture de telles installations suscite toujours beaucoup de problèmes et que l'exercice est difficile. Comme vous, je pense qu'il faut trouver un site adéquat, doté d'une bonne desserte, avec une géologie adaptée, sans riverains à proximité immédiate et où la réalisation d'un tel projet n'aura surtout pas d'impacts importants. Évidemment, de tels sites sont rares et les projets suscitent beaucoup d'opposition de la part des riverains, comme vous l'avez souligné.
On essaiera - car il faut garder à l'esprit que les usines d'incinération sont nécessaires - de trouver les meilleurs sites et de faire en sorte qu'il y ait adhésion des élus et de la population.
Plusieurs études ont mis en évidence le risque de voir un grand nombre de départements en situation de pénurie de capacités de traitement d'ici à quelques années, car il est évident que les projets n'aboutissent pas. Une telle perspective nous paraît très inquiétante, car elle signifie que l'élimination des déchets risque de se concentrer sur quelques sites seulement, avec pour conséquences un accroissement des transports de déchets et une hausse des coûts du traitement, alors que celle-ci a déjà été très forte au cours des dernières années.
S'agissant du dossier que vous évoquez, je vous signale qu'il ne s'agit pas d'une initiative d'État mais d'un projet porté par un exploitant. Le préfet a pris bonne note des arguments avancés par les opposants au projet. Il souhaite toutefois examiner la question sous ses différents aspects et a demandé à ses services une analyse sur le caractère stratégique du projet pour les industriels et artisans du nord de l'Eure. Il s'agit d'apprécier les besoins réels et la pertinence du projet pour y répondre. Cette étude, sur laquelle je veillerai personnellement et dont les résultats devraient être disponibles prochainement, permettra en tout cas d'éclairer le débat. Il me semble qu'une telle approche est adaptée à ce type de situation.
En outre, et vous le savez, l'exploitation d'un tel site est soumise à autorisation préfectorale au titre des installations classées. L'instruction du dossier de demande d'autorisation permet de s'assurer que l'exploitant a pris les dispositions nécessaires pour prévenir les nuisances. À ce stade, aucune demande d'autorisation n'a encore été déposée.
Vous insistez enfin sur le manque de concertation. Le porteur du projet a présenté ses intentions au préfet en présence du maire de la commune au mois de novembre dernier. Il me semble important d'assurer une large concertation le plus en amont possible. Je demanderai au préfet qu'il en soit ainsi.
Connaissant votre implication personnelle dans ce dossier, je puis vous assurer que j'ai demandé à mes services de le suivre avec une attention toute particulière et je reste bien évidemment à votre disposition.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Albertini.
M. Pierre Albertini. Madame la ministre, nous vous remercions pour les précisions que vous venez de nous apporter. Nous notons avec satisfaction, et cela nous a été confirmé hier, que le projet n'a pas encore été déposé. Il s'agit donc de mettre en oeuvre une vigilance et une expertise particulières, comme vous vous y êtes engagée à l'instant.
J'insiste sur le fait que nous défendons l'intérêt écologique et paysager, et non pas seulement la présence d'un habitat relativement dispersé sur le site. À nos yeux, c'est vraiment l'intérêt général qui doit primer sur toute autre considération.
Je sais combien la tâche est difficile, mais les élus sont à votre disposition pour essayer de trouver des sites plus adaptés, chaque département devant traiter de manière responsable les problèmes qu'il provoque lui-même.

Données clés

Auteur : M. Pierre Albertini

Type de question : Question orale

Rubrique : Déchets, pollution et nuisances

Ministère interrogé : écologie

Ministère répondant : écologie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 juin 2005

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