Question orale n° 1293 :
EDF

12e Législature

Question de : M. Pierre Forgues
Hautes-Pyrénées (1re circonscription) - Socialiste

M. Pierre Forgues attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la situation de la production d'aluminium primaire en France. La libéralisation du marché de l'énergie a fait exploser son prix et met en péril la production de l'aluminium primaire en France et en Europe, alors que la France est déficitaire de plus de 300 000 tonnes par an et l'Europe de plus de 2 000 000 de tonnes par an. L'avenir du site de Lannemezan dans les Hautes-Pyrénées qui appartient au groupe Alcan est en jeu aujourd'hui. En effet, le contrat énergétique en cours, entre EDF et l'usine de Lannemezan arrive à expiration fin avril 2006. EDF envisage de faire passer le prix actuel de 19 euros le mégawatt à plus de trente euros à compter de mai 2006. Le maintien de l'usine de production de Lannemezan n'est pas compatible avec un tel prix. Il est absolument nécessaire que le prix de l'énergie consenti par EDF à Alcan soit nettement inférieur au prix public... comme cela se fait en Espagne et en Italie où les industries grandes consommatrices d'énergie bénéficient d'un prix de vingt-quatre euros le mégawatt... Ce qui a été possible en Italie et en Espagne doit être possible en France. Est-ce que la France peut se passer de la production d'aluminium primaire au regard des besoins croissants de ce métal pour la construction automobile aéronautique, pour le bâtiment, pour les emballages, et au regard du déficit de notre commerce extérieur ? Peut-on aujourd'hui accepter ce drame industriel économique et humain dans un département particulièrement touché par les restructurations : plus de 300 emplois en jeu, plus de 50 000 tonnes par an de production ? Le Gouvernement a le devoir impérieux d'agir auprès de l'entreprise nationale EDF, afin que le prix de l'énergie fournie soit un « tarif industriel » et non un tarif de consommation courante. Faute de cette volonté du Gouvernement, il n'y aura place que pour le désarroi, la désespérance et l'exaspération qui peuvent conduire au pire. Il lui demande, d'une part, d'agir auprès du président d'EDF et, d'autre part, d'engager un véritable débat à l'Assemblée nationale sur l'avenir de l'industrie lourde dans notre pays.

Réponse en séance, et publiée le 19 octobre 2005

AVENIR DE LA PRODUCTION D'ALUMINIUM PRIMAIRE A LANNEMEZAN

M. le président. La parole est à M. Pierre Forgues, pour exposer sa question, n° 1293, relative à l'avenir de la production d'aluminium primaire à Lannemezan.
M. Pierre Forgues. Monsieur le ministre délégué à l'industrie, je tiens à attirer votre attention sur la situation de la production d'aluminium primaire en France, et en particulier à Lannemezan, dans les Hautes-Pyrénées.
Contrairement à ce qui avait été annoncé, la libéralisation du marché de l'énergie a fait exploser son prix et met en péril la production de l'aluminium primaire en France et en Europe, alors que la France est déficitaire de plus de 300 000 tonnes par an et l'Europe de plus de 2 000 000 de tonnes par an. L'avenir du site de Lannemezan dans les Hautes-Pyrénées, qui appartient au groupe Alcan, est en jeu aujourd'hui. En effet, le contrat énergétique en cours entre EDF et l'usine de Lannemezan arrive à expiration fin avril 2006. EDF envisage de faire passer le prix actuel de 19 euros le mégawatt à plus de 30 euros à compter de mai 2006. Le maintien de l'usine de production de Lannemezan n'est pas compatible avec un tel prix.
Monsieur le ministre, il est absolument nécessaire que le prix de l'énergie consenti par EDF à Alcan soit nettement inférieur au prix public, comme cela se fait en Espagne et en Italie, où les industries grandes consommatrices d'énergie bénéficient d'un prix de 24 euros le mégawatt. Ce qui a été possible en Italie et en Espagne doit l'être en France.
Monsieur le ministre, la France peut-elle se passer de la production d'aluminium primaire au regard des besoins croissants de ce métal pour la construction automobile, l'aéronautique, le bâtiment, les emballages, mais également au regard du déficit de notre commerce extérieur - qui s'élève aujourd'hui à 15 milliards d'euros, soit près de 100 milliards de francs ?
Peut-on aujourd'hui accepter ce drame industriel, économique et humain dans un département particulièrement touché par les restructurations : plus de 300 emplois et plus de 50 000 tonnes par an de production d'aluminium sont en jeu ?
Le Gouvernement a le devoir impérieux d'agir auprès de l'entreprise nationale EDF - l'État est encore le seul actionnaire, pour l'instant certes, dans le capital de cette entreprise -, afin que le prix de l'énergie fournie soit un " tarif industriel " et non un tarif de consommation courante.
M. Jean-Louis Dumont. Très bien !
M. Pierre Forgues. Si le Gouvernement n'agit pas, Alcan ne poursuivra pas la production d'aluminium sur le site de Lannemezan. Et s'il n'a pas la volonté de tout mettre en oeuvre pour favoriser le maintien des emplois à Lannemezan, alors il n'y aura place que pour le désarroi, la désespérance et l'exaspération qui peuvent, monsieur le ministre, vous le savez, conduire au pire.
Je vous demande, d'une part, d'agir auprès du président d'EDF et, d'autre part, d'engager un véritable débat national sur l'avenir de l'industrie lourde dans notre pays.
M. Jean-Louis Dumont. Très bien ! Il n'y en a que pour M. Gadonneix ce matin !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur Forgues, qu'a dit la direction d'Alcan ?
La direction d'Alcan a annoncé, il y a quelques jours, le 13 octobre dernier, la fermeture de l'usine de Lannemezan. Cette annonce a été faite aux salariés lors d'une réunion du comité central d'entreprise. 270 salariés sont concernés. Le schéma annoncé par la direction est celui d'une fermeture progressive, de 2006 à 2008, 2008 étant la date effective d'arrêt de l'usine.
Vous m'interrogez sur la responsabilité d'EDF et des tarifs d'électricité dans cette annonce de fermeture. Je suis obligé d'être très clair sur ce point avec vous. La décision de fermer l'usine de Lannemezan a été prise par la direction d'Alcan et n'est pas due aux tarifs d'électricité. La direction de l'entreprise explique que cette usine est en fin de vie et nécessiterait des investissements tels pour la remettre à niveau qu'aucun tarif d'électricité raisonnable ne peut permettre de les rentabiliser.
L'État a fait tout ce qu'il est possible de faire vis-à-vis d'EDF, et EDF a participé à toutes les discussions, pour donner ses chances au site de Lannemezan en matière de tarifs électriques. Des discussions constantes avec Alcan ont été menées, non seulement pour Lannemezan, mais aussi sur un plan général. D'ailleurs, Alcan a été associé aux travaux que nous avons engagés, que j'ai conduits cet été, pour dégager des solutions dans le cadre de ce que l'on appelle les industries électrointensives. Effectivement, Alcan fait partie de ces industries électrointensives et a obtenu les mêmes assurances que les autres entreprises françaises de ce secteur.
Malgré cela, la compétitivité globale du site est malheureusement considérée comme insuffisante pour maintenir l'outil de production en activité.
Au moment où est annoncée la fermeture de ce site, on pourrait évidemment polémiquer sur les causes, mais le plus important est de tout faire pour que les salariés de l'usine bénéficient des meilleures conditions de reclassement et que la réindustrialisation du bassin d'emploi soit menée par Alcan de façon approfondie.
Des discussions doivent maintenant avoir lieu entre la direction et les représentants des salariés sur ces points. J'engage la direction d'Alcan à mettre en oeuvre les conditions d'un dialogue qui permette de définir des solutions optimales pour chacun. Le Gouvernement veillera très attentivement à ce que l'entreprise réponde à ses obligations.
M. le président. La parole est à M. Pierre Forgues.
M. Pierre Forgues. Monsieur le ministre, j'ai la conviction que vous ne faites pas preuve d'une grande volonté.
D'abord, il y a non pas 270, mais plus de 300 salariés. Il y a ceux qui sont directement employés par Alcan et tous les intérimaires, ce qui fait plus de 300. Sans compter tous les emplois induits dans les entreprises qui travaillent pour l'usine de Lannemezan.
Vous dites que la fermeture de l'usine n'est pas due aux tarifs de l'électricité. Je me suis rendu récemment au Canada où j'ai rencontré la direction d'Alcan et le langage qu'elle tient, au-delà des considérations sur la mondialisation et l'apport de bauxite, est que le prix de l'énergie est trop cher en France ! Jusqu'à maintenant, l'usine de Lannemezan dégage du bénéfice pour Alcan, et, elle en dégagera jusqu'en mai 2006, plus de 6 millions d'euros par an. Or on nous dit : dès l'instant où l'énergie passe au-dessus de 24 euros pour atteindre à peu près à 30 euros le mégawatt, on ne dégage plus de bénéfices et on va donc fermer.
Certes, il faudrait moderniser l'usine, mais cela est un autre problème. Certes, il faudrait, nous dit-on, des entreprises de plus de 500 000 tonnes de production par an. Mais dans ces conditions, même pour Dunkerque, usine phare de Pechiney, je crains aussi le pire lorsque le contrat d'EDF arrivera à expiration !
Le problème qui est posé est de savoir si, oui ou non, on veut produire de l'aluminium primaire en France et en Europe. Si on ne le veut pas, il faudra l'acheter ! Or je vous ai rappelé le montant du déficit du commerce extérieur de notre pays.
Je crois donc que le Gouvernement doit montrer une ferme volonté.
Il y a d'abord le maintien de l'emploi. Nous n'avons pas, nous, un tissu de PME capable de remplacer ces emplois. Il faut donc maintenir ce qui est, en tout cas, un engagement exemplaire de la société Alcan.
Ce que nous attendons du Gouvernement, de l'État, ce que les salariés attendent de leurs élus, des hommes politiques, - ils ne comptent que sur eux puisque vous parlez de dialogue, mais personne ne les écoute - est que l'État marque une volonté à l'égard d'EDF pour que, pendant un certain nombre d'années, le tarif consenti soit compatible avec la rentabilité, et qu'il fasse pression auprès d'Alcan, qui a bénéficié de l'apport de Pechiney, qui bénéficie de sa technologie, afin que cette entreprise reste présente, d'une manière ou d'une autre, sur le site de Lannemezan.

Données clés

Auteur : M. Pierre Forgues

Type de question : Question orale

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 18 octobre 2005

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