Question orale n° 1387 :
machines et appareils électriques

12e Législature

Question de : M. Jacques Desallangre
Aisne (4e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains

M. Jacques Desallangre interroge M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes sur les licenciements abusifs que la société Nexans s'apprête à commettre. Dans quelques semaines plus de 50 employés de l'usine Nexans à Chauny vont être licenciés. La raison officielle avancée : « La crise mondiale du cuivre affecte la rentabilité de l'entreprise et menace son avenir ». La réalité : Nexans est le leader mondial en câbles et systèmes de câblage. C'est 20 000 emplois. C'est 4 900 millions d'euros de chiffre d'affaires. C'est un bénéfice net distribuable de 73 441 090,11 euros. C'est une entreprise qui va racheter cette année des actions à 50 euros pour augmenter le profit des actionnaires. La réalité : l'entreprise Nexans depuis exactement trois ans a multiplié par 400 % sa capitalisation boursière. Ses actionnaires ont vu leur dernier dividende multiplié par 150 %. Et Nexans, pour améliorer encore l'outrageante richesse de ses actionnaires, va jeter au chômage, première étape vers l'ASS puis le RMI, cinquante honmmes et femmes. Quand va-t-on se décider à interdire de telles pratiques scandaleuses, inhumaines ? Quand va-t-on interdire ces licenciements boursiers qui se moquent des difficultés de notre pays et des efforts pour l'emploi dont le gouvernement assure qu'ils sont sa priorité ? Le gouvernement réduit le périmètre des aides aux ZEP, réduit le remboursement des médicaments, réduit la qualité des retraites, alors que les détenteurs du capital et de la gouvernance économique peuvent sur le dos de la nation faire des profits monstrueux sans un regard sur la misère humaine qu'ils créent par leur égoïsme cynique et irresponsable. Il attire son attention sur la proposition de loi qu'il a déposée visant à interdire les licenciements boursiers usurpant le qualificatif d'économique, et lui demande si le Gouvernement va se ranger à ses arguments et aller dans le sens qu'elle prône pour enfin plus de justice et d'humanité dans notre pays.

Réponse en séance, et publiée le 18 janvier 2006

LICENCIEMENTS A LA SOCIETE NEXANS
A CHAUNY DANS L'AISNE

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour exposer sa question, n° 1387, relative aux licenciements à la société Nexans à Chauny dans l'Aisne.
M. Jacques Desallangre. Monsieur le ministre, plus de cinquante employés de l'usine Nexans de Chauny seront licenciés dans quelques semaines. La raison officielle en serait que " la crise mondiale du cuivre affecte la rentabilité de l'entreprise et menace son avenir ". La réalité est bien différente : Nexans est le leader mondial de l'industrie des câbles et systèmes de câblage, avec 20 000 emplois, 4 900 millions d'euros de chiffre d'affaires et un bénéfice net distribuable de 73 441 090 euros. Cette année, cette entreprise a racheté une partie de ses actions au plus haut cours, pour augmenter, bien entendu, le profit de ses actionnaires. Depuis exactement trois ans, l'entreprise Nexans a multiplié par 400 % sa capitalisation boursière. Ses actionnaires ont vu leur dernier dividende multiplié par 150 %.
pourtant Nexans ; tirant les conséquences de la monstrueuse inspiration de l'arrêt de la cour de cassation du 11 janvier dernier, sera l'une des deux premières entreprises en France à pratiquer le licenciement " préventif ", surfant sur le flou du nouveau concept jurisprudentiel de licenciement destiné à " prévenir les difficultés économiques à venir ". Selon cet arrêt, la réorganisation de l'entreprise n'a pas à être subordonnée à des difficultés économiques à la date du licenciement. Ainsi il n'est plus besoin pour l'employeur de prouver des difficultés économiques réelles, d'établir leur intensité ou leurs conséquences financières. Il lui suffit de prétendre qu'il se pourrait que, dans un avenir indéterminé, l'entreprise doive s'adapter aux évolutions du marché et connaisse des difficultés. Que d'incertitudes, alors que les licenciements seront, eux, bien réels.
L'objet de cette nouvelle offensive libérale est en fait de faire peser sur les salariés le risque de perdre leur emploi même si les conditions sont favorables. Ainsi, grâce à cette nouvelle contrainte, le salarié devra accepter servilement le durcissement des conditions de travail et la réduction de là masse salariale destinés à accroître encore la rentabilité du capital investi.
Monsieur le ministre, face à une telle décision, qui conforte des pratiques humainement insupportables, ma proposition de loi visant à empêcher la pratique de licenciements boursiers camouflés derrière la fallacieuse qualification de " licenciements économiques " est plus que jamais opportune. Soit on veut interdire ces licenciements boursiers, qui se moquent des difficultés de notre pays et des efforts nécessaires pour préserver l'emploi, dont vous nous assurez qu'ils sont votre priorité, soit on supporte que les détenteurs du capital, maîtres de la gouvernance économique, accumulent toujours plus de profits, sans un regard pour la misère humaine qu'engendre leur égoïsme irresponsable. Et si on veut interdire ces licenciements boursiers, on doit accepter la discussion de ma proposition de loi, exacte réplique à cet arrêt, qui abandonne encore plus le sort des salariés à l'appétit du capital ?
Le mot de justice aura-t-il encore un sens, monsieur le ministre, si personne ne se lève pour défendre, sans retard et sans faiblesse, les salariés contre la férocité des appétits financiers ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances.
M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances. Monsieur le député, vous appelez l'attention du Gouvernement sur la réorganisation de l'entreprise Nexans basée à Chauny, dont le plan de sauvegarde de l'emploi envisagerait la suppression de 51 postes, sur les 208 que compte le site. Vous estimez que cette restructuration est scandaleuse, alors que Nexans réalise des profits considérables, et demandez au Gouvernement d'interdire les licenciements boursiers.
La société Nexans est spécialisée dans la production et la commercialisation des fils de cuivre nu, sur un site qu'elle partage avec son fournisseur, la société de Coulée Continue de Cuivre. Elle doit faire face aux nouvelles pressions qui s'exercent sur un marché géographiquement limité, et qui se traduisent par des prix de vente en décrue permanente et une concurrence atomisée.
Dans ce contexte, courant 2005, l'entreprise a dû recourir ponctuellement à la mise en chômage partiel de ses salariés de production.
Elle doit donc adapter sa structure à ces contraintes externes qui provoquent un effondrement de son chiffre d'affaires sans que les perspectives pour 2006 permettent d'envisager un redressement. Dans le même temps, elle doit également procéder à un redéploiement de ses activités sur de nouveaux segments de marché tout en réduisant ses frais fixes.
Ce projet a été présenté en septembre 2005 au comité d'entreprise, qui a validé en novembre le plan de sauvegarde de l'emploi. Celui-ci comprend de nombreuses mesures d'accompagnement des cinquante et un salariés touchés et facilite notamment les départs volontaires en retraite anticipée ainsi qu'en mobilité interne au groupe. La dynamique engagée par ce plan de sauvegarde a déjà permis de réduire à vingt-quatre le nombre des licenciements, dont les départs, au terme du déploiement des différentes mesures, se dérouleront jusqu'à la fin de cette année.
Comme vous le voyez, les services de l'État, en particulier la Direction départementale du travail de l'emploi et de la formation professionnelle de l'Aisne, ont suivi et continue à suivre avec grande attention ce dossier. Cette vigilance a porté sur la qualité des mesures sociales proposées, qui devaient être à la hauteur des moyens financiers du groupe.
Le Gouvernement attache la plus grande importance au respect de la responsabilité sociale d'entreprise de tels groupes. C'est ce qui l'a conduit l'été dernier à intervenir fermement auprès de la direction de la société Hewlett-Packard qui avait annoncé la suppression de 1 240 postes, chiffre ramené dernièrement à 890.
En ce qui concerne votre proposition d'interdire les licenciements boursiers, le Gouvernement, qui comme vous veut favoriser les entreprises qui emploient en France plutôt que celles qui licencient, va ouvrir prochainement, à la demande du Président de la République, le chantier du financement de la protection sociale, afin de basculer une fraction des cotisations patronales sur une cotisation assise sur l'ensemble de la valeur ajoutée des entreprises, au lieu des seuls salaires actuellement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.
M. Jacques Desallangre. Vous allez avoir beaucoup de mal, monsieur le ministre, car Mme Laurence Parisot vous a déjà répondu en qualifiant cette idée d'" imbécile " ou " sotte " - je ne me rappelle plus le terme exact qu'elle a employé, mais elle a jugé très durement la proposition du Président de la République.
Ma question visait à attirer votre attention sur la notion floue et très extensive de " sauvegarde de la compétitivité ", que la loi ne prévoit pas. Devant un tel jugement, il est temps de rappeler le juge à la loi. Pour ce faire, nous ne disposons que de la loi.
Puisque le MEDEF déplore " l'insécurité juridique régnant autour du licenciement ", je vous propose donc de lui répondre avec une loi qui brise l'arbitraire de l'interprétation extensive dont témoigne l'arrêt du 11 janvier 2006 - qui, j'en suis certain, le ravit.
À titre personnel, permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que je suis peiné, car je vous admire beaucoup pour d'autres choses, de vous voir contraint de défendre un aussi mauvais dossier.

Données clés

Auteur : M. Jacques Desallangre

Type de question : Question orale

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : emploi, travail et insertion professionnelle des jeunes

Ministère répondant : emploi, travail et insertion professionnelle des jeunes

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 janvier 2006

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