pharmacie
Question de :
Mme Muguette Jacquaint
Seine-Saint-Denis (3e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
Mme Muguette Jacquaint souhaite attirer l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur la situation des salariés d'Aventis-Pharma qui luttent maintenant depuis plusieurs années contre les projets de restructuration décidés par leur direction. Cette restructuration, qui affecterait principalement le centre de recherche de Romainville, se traduirait par la suppression de 666 emplois hautement qualifiés et le transfert de 400 autres. Cette restructuration est uniquement motivée par des raisons financières, ce qui est d'autant plus scandaleux que le groupe a annoncé en 2002 un résultat net en hausse de 28 %. Le groupe a ainsi décidé d'arrêter ses recherches sur la maladie de Parkinson et de se désengager des anti-infectieux, ce qui constitue une aberration sur le plan médical, industriel et éthique à l'heure où 17 millions d'hommes et de femmes meurent de maladies infectieuses dans le monde et où, dans notre pays même, se développent les infections nosocomiales à l'hôpital. Un gouvernement soucieux de la santé publique ne peut rester inactif face à l'annonce d'un tel gâchis scientifique, industriel et social. Pour leur part, les organisations syndicales ont récemment présenté, lors d'un comité central d'entreprise, un contre-projet prévoyant de créer à Romainville un pôle pharmaceutique permettant de développer les recherches publiques et privées sur les maladies négligées par les multinationales de la pharmacie. Elle lui demande donc s'il est dans ses intentions de favoriser et soutenir la mise en oeuvre de ce projet ou de laisser disparaître le deuxième centre de recherche pharmaceutique de France pour satisfaire les intérêts de quelques actionnaires.
Réponse en séance, et publiée le 26 février 2003
AVENIR DU CENTRE DE RECHERCHE PHARMACEUTIQUE
D'AVENTIS À ROMAINVILLE
M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour exposer sa question, n° 141, relative à l'avenir du centre de recherche pharmaceutique d'Aventis à Romainville.
Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre délégué au commerce extérieur, les salariés d'Aventis-Pharma luttent maintenant depuis quatre ans contre les projets de restructuration décidés par leur direction.
Une telle restructuration, qui affecterait principalement le centre de recherche de Romainville, se traduirait par la suppression de 666 emplois hautement qualifiés et le transfert de 400 autres.
Cette restructuration est uniquement motivée par des raisons financières, ce qui est d'autant plus scandaleux que le groupe a annoncé en 2002 un résultat en hausse de 28 %.
Ce groupe a ainsi décidé de se désengager de la recherche sur la maladie de Parkinson et sur les anti-infectieux en l'externalisant dans de nouvelles sociétés. Cette décision est une aberration sur les plans humain, médical, éthique et industriel à l'heure ou dix-sept millions d'hommes, de femmes et d'enfants meurent de maladies infectieuses de par le monde et où, dans notre pays même, se développent les infections nosocomiales à l'hôpital.
Un gouvernement soucieux de la santé publique ne saurait rester inactif face à l'annonce d'un tel gâchis scientifique, industriel et social qui irait notamment à l'encontre de ses objectifs politiques visant à porter l'effort national de recherche à 3 % du PIB par l'accroissement de l'effort des entreprises.
En outre, au moment où se pose avec force la question de l'accès aux soins, une telle décision accentuerait le déséquilibre entre notre potentiel de recherche pharmaceutique et celui des Etats-Unis, et aggraverait la situation de dépendance à l'égard des multinationales anglo-saxonnes.
Face à cette situation, les organisations syndicales ont été amenées à élaborer un contre-projet prévoyant de créer à Romainville un pôle pharmaceutique destiné à développer les recherches publiques et privées sur les maladies que négligent les multinationales de la pharmacie.
La crédibilité de cette solution alternative suppose la création d'une structure de recherche et de développement sur le site de Romainville, sous une forme juridique adaptée, dans laquelle les pouvoirs publics et les collectivités territoriales seraient parties prenantes aux côtés d'Aventis et des différents acteurs de la recherche publique et privée. Mme la ministre déléguée à l'industrie avait semblé manifester de l'intérêt pour ce plan.
C'est dans ce contexte qu'hier, lors d'une réunion du comité central d'entreprise, les organisations syndicales ont donné un avis négatif sur le projet de réorganisation de la recherche que leur soumettait la direction et ont à nouveau fait valoir leurs propositions alternatives pour qu'elles soient sérieusement examinées et prises en compte.
Monsieur le ministre, face à cette situation de blocage où deux logiques différentes s'affrontent, comment le Gouvernement compte-t-il intervenir ?
Laisserez-vous disparaître le deuxième centre de recherche pharmaceutique français ? Laisserez-vous la logique financière prendre le pas sur les intérêts scientifiques, industriels, économiques et sociaux du pays pour satisfaire quelques actionnaires ? Ou bien, au contraire, allez-vous favoriser et soutenir la mise en oeuvre du projet des salariés d'Aventis Pharma, qui défend l'intérêt général et est soucieux de la santé publique dans notre pays ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué au commerce extérieur.
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Madame la députée, en concentrant ses forces de recherche en France, essentiellement sur deux sites et selon deux axes thérapeutiques, l'oncologie et la maladie d'Alzheimer, la direction d'Aventis a l'ambition d'en pérenniser l'avenir et d'en faire des centres d'excellence mondiaux.
En ce qui concerne l'avenir du site de Romainville, le Gouvernement sera vigilant sur le maintien de l'emploi dans cette partie défavorisée de l'agglomération parisienne. Il a noté avec satisfaction que la direction d'Aventis a pris des engagements très clairs quant au maintien d'une activité économique sur ce bassin d'emploi. Une mission de développement et de valorisation de l'offre économique territoriale a été confiée à la société Sopran, avec pour objectif à terme un impact neutre sur l'emploi. Soyez assurée que, sur ce dossier comme sur tous les autres, le Gouvernement sera particulièrement attentif au respect des obligations qui s'imposent à l'entreprise.
Constatons ensuite que le dialogue social existe aujourd'hui entre la direction de l'entreprise et les élus des personnels. Un accord de méthode d'information a été conclu le 15 novembre dernier et signé par les syndicats CGT et CFDT, représentant 90 % du comité central d'entreprise de Romainville.
Selon cet accord, Aventis a accepté de prendre part au financement de l'étude du projet alternatif des salariés, ce qui démontre, si besoin était, que la direction de l'entreprise est prête à étudier l'ensemble des possibilités qui permettraient d'offrir un avenir économiquement crédible à ce site.
Ce projet alternatif, baptisé Néréïs, a été présenté très récemment par ses promoteurs aux deux ministères en charge de l'industrie et de la recherche, et je vous indique, madame la députée, que ma collègue Claudie Haigneré répond actuellement à une question sur le même sujet au Sénat. Ce projet est à ce jour à un stade d'ébauche et nécessite d'être plus travaillé afin de juger de sa viabilité économique. Sa dimension doit être précisée en fonction de la mobilisation des acteurs privés, puisque ce projet n'a de sens que s'il répond à une logique de développement économique.
D'ores et déjà, je puis indiquer qu'une partie de ce projet correspond à certaines orientations actuellement étudiées par la direction d'Aventis, qui souhaite en discuter plus en détail avec les partenaires désignés par les représentants des salariés.
Dépassant le seul cas d'Aventis Romainville, nous devrions tous nous interroger, madame la députée, sur les causes de l'appauvrissement, constaté depuis quelques années, de la recherche pharmaceutique en France. Les solutions, qui ne sont pas simples, ne passent certainement pas par des actions coercitives.
Nous pensons, au contraire, que la solution passe par un renouveau de la confiance mutuelle entre l'Etat et l'industrie pharmaceutique.
Nous allons donc refonder une relation partenariale, mise à mal par quelques années de mesures autoritaires, en donnant à chacun des deux partenaires visibilité et stabilité. Nous allons poursuivre et amplifier les mesures déjà prises pour redonner à notre pays l'attractivité nécessaire pour accueillir des investissements étrangers dans ce domaine. Enfin, nous devons jouer la carte de la synergie entre l'industrie pharmaceutique et notre recherche académique, pour attirer et conserver les chercheurs français ou étrangers les plus brillants dans ce secteur de l'activité industrielle.
Mme la présidente. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
Mme Muguette Jacquaint. J'enregistre, monsieur le ministre, d'après ce que vous venez de dire, que les propositions faites par les salariés n'en sont encore qu'au stade préliminaire.
Votre souci est celui de la logique économique, mais je crois qu'il est une autre logique qui doit être prise en compte : celle, je l'ai déjà dit, de la santé publique et de la recherche dans le domaine des maladies infectieuses.
Si j'ai bien entendu la réponse qui a été faite à ma question, toutes les possibilités restent ouvertes en ce qui concerne le plan proposé par les salariés d'Aventis pour définir un projet intermédiaire qui permettrait de conserver les activités de recherche sur le site de Romainville. Il s'agit là d'une question importante qui concerne la santé publique et la recherche pharmaceutique dans le domaine de la lutte contre les maladies infectieuses.
Auteur : Mme Muguette Jacquaint
Type de question : Question orale
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : industrie
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 24 février 2003