habitat insalubre
Question de :
Mme Muguette Jacquaint
Seine-Saint-Denis (3e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
Mme Muguette Jacquaint fait part à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, de son désir de mettre en évidence la nécessité pour les pouvoirs publics, de mener un combat plus efficient et opiniâtre contre l'habitat indigne. Malheureusement, l'actualité de l'année passée a été marquée par plusieurs drames qui ont fait des dizaines de victimes, révélant ainsi le scandale d'un habitat extrêmement dégradé, non conforme aux normes en vigueur, mais malgré tout occupé par des locataires. Ce ne sont pas des cas isolés puisque Paris compte 1 000 immeubles insalubres dont 550 fortement dégradés. Tant d'autres villes vivent la même situation, ainsi La Courneuve, où c'est 600 logements indignes que nous recensons. Beaucoup de collectivités locales mènent des actions contre ce type « d'habitat », utilisant notamment, l'arsenal juridique dont elles disposent, quand le dialogue a échoué avec des propriétaires qui font fi des règlements d'hygiène et de santé, ou d'urbanisme. Toutefois, un bon nombre de procédures engagées par elles restent sans suite - pour ne pas dire dans les tiroirs - au niveau des tribunaux. S'agit-il seulement d'un manque de moyens, comme il est souvent fait état, ou d'une absence de directive de la part du ministère concerné, afin d'exercer une plus grande fermeté dans le traitement de ces affaires ? L'absence de sanctions pénales a une double conséquence : l'impunité pour les contrevenants, qui peuvent donc se sentir dégagés de toute contrainte au regard des lois et règlements, et même servir « d'exemple » à d'autres, le découragement pour les élus et les services spécialisés, qui veulent faire reculer l'habitat indigne, dans les faits et pas seulement dans les déclarations. Cette problématique fait partie intégrante de la loi d'engagement national pour le logement, car la qualité et la sécurité de l'habitat existant concernent des millions de nos concitoyens qui attendent de vrais changements en ce domaine. Aussi elle souhaite l'entendre sur les dispositions qu'il compte prendre afin que les procédures judiciaires engagées par les collectivités territoriales contre l'habitat indigne, soient menées jusqu'à leur terme.
Réponse en séance, et publiée le 8 février 2006
PROCEDURES JUDICIAIRES ENGAGEES
PAR DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
CONTRE L'HABITAT INDIGNE
Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre délégué à l'industrie, notre assemblée a examiné le projet de loi portant engagement national pour le logement. J'ai interrogé le garde des sceaux à ce sujet, car je souhaite mettre en évidence la nécessité, pour les pouvoirs publics, de mener un combat plus efficient et opiniâtre contre l'habitat indigne.
Malheureusement, l'actualité de l'année passée a été marquée par plusieurs drames qui ont fait des dizaines de victimes, révélant ainsi le scandale d'un habitat extrêmement dégradé, non conforme aux normes en vigueur, mais malgré tout occupé par des locataires.
Ce ne sont pas des cas isolés, puisque Paris compte 1 000 immeubles insalubres, dont 550 fortement dégradés et quantité d'autres villes vivent la même situation. Je citerai l'exemple de la Courneuve - dont je suis élue -, où nous recensons 600 logements indignes. Beaucoup de collectivités locales mènent des actions contre ce type d'habitat, utilisant notamment l'arsenal juridique dont elles disposent, quand le dialogue a échoué avec des propriétaires qui font fi des règlements d'hygiène, de santé, ou d'urbanisme,
Toutefois, je déplore à regret qu'un bon nombre de procédures engagées par elles, restent sans suite - pour ne pas dire dans les tiroirs - au niveau des tribunaux. S'agit-il seulement d'un manque de moyen, comme il est souvent fait état, ou d'une absence de directive de la part du ministère concerné, afin d'exercer une plus grande fermeté dans le traitement de ces affaires ?
L'absence de sanctions pénales a une double conséquence : d'abord, l'impunité pour les contrevenants, qui peuvent donc se sentir dégagés de toute contrainte au regard des lois et règlements, et même servir " d'exemple " à d'autres ; ensuite le découragement pour les élus et les services spécialisés, qui veulent faire reculer l'habitat indigne, dans les faits et pas seulement dans les déclarations.
Je considère cette problématique comme partie intégrante de la loi d'engagement national pour le logement, car la qualité et la sécurité de l'habitat existant concernent des millions de nos concitoyens qui attendent de vrais changements en ce domaine.
Quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il prendre, monsieur le ministre, afin que les procédures judiciaires engagées par les collectivités territoriales contre l'habitat indigne, soient menées jusqu'à leur terme ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Madame la députée, M. le garde des sceaux m'a chargé de vous faire la réponse suivante.
Vous avez bien voulu appeler l'attention du Gouvernement sur l'état du logement en France, notamment sur la nécessité pour les pouvoirs publics de mener un combat sans faille contre l'habitat indigne alors même que l'Assemblée nationale examine actuellement le projet de loi portant engagement national pour le logement.
Vous évoquez un certain nombre de drames qui ont endeuillé la région Île -de -France, notamment au cours de l'année 2005, des immeubles ayant été en effet la proie d'incendies très meurtriers.
Je veux que vous sachiez que l'autorité judiciaire n'est bien évidemment pas restée insensible à ces événements tragiques. Il nous apparaît utile de vous indiquer que les tribunaux correctionnels ont prononcé trente condamnations au cours des années 2002, 2003 et 2004 pour des manquements graves aux règles de l'habitat ou des conditions d'hébergement indignes.
L'autorité judiciaire ne peut toutefois prétendre seule à mettre fin à ces situations intolérables. C'est pourquoi, le Gouvernement conduit, dans le cadre de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, qui l'a autorisé à prendre par ordonnances les mesures nécessaires, un vaste projet pour lutter contre les différentes formes d'habitat contraires à la dignité humaine.
Ainsi l'ordonnance n° 2005-1566 du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux vise à simplifier et à harmoniser les divers régimes de police administrative ; à faciliter la réalisation des travaux, l'hébergement et le relogement des occupants ; à clarifier les responsabilités respectives des autorités de l'État et des collectivités locales ; à préserver les droits des occupants et propriétaires de bonne foi ; et à faciliter le traitement d'urgence des situations graves pour la sécurité et la santé de nos concitoyens.
Elle autorise enfin l'application d'office par le maire des mesures d'urgence prises par le préfet, en application de l'article L.1311-4 du code de la santé publique, et facilite le recouvrement des sommes engagées qui peuvent être supportées le cas échéant par l'État.
Sur le plan répressif, le Gouvernement a tenu à renforcer les sanctions pénales applicables en la matière tant dans le code de la santé publique que dans celui de la construction et de l'habitation.
C'est ainsi que le propriétaire d'un immeuble qui ne respecterait pas une interdiction d'habiter décidée par le préfet en raison du caractère impropre à l'habitation du local, en raison de sa dangerosité, ou qui ne respecterait pas une interdiction d'habiter frappant un immeuble menaçant ruine, encourt une peine de trois ans d'emprisonnement et une amende de 100 000 euros.
Les différents mécanismes déclinés par l'ordonnance du 15 décembre 2005 donnent désormais aux maires et aux préfets de véritables instruments pour mener une politique efficace et transparente contre l'habitat indigne.
J'espère, madame le député, que ces brèves observations répondent à vos légitimes préoccupations.
M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
Mme Muguette Jacquaint. J'ai bien entendu vos réponses, monsieur le ministre, et je vous en remercie. Toutefois, au regard de la situation dans ma ville et dans ma circonscription, je me permets de dire que trente condamnations, c'est peu ! Je souligne aussi que l'application de l'arsenal juridique qui peut sembler suffisant reste problématique. Or c'est la question n° 1.
M. le président. Je suspends la séance quelques minutes.
Auteur : Mme Muguette Jacquaint
Type de question : Question orale
Rubrique : Logement
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 7 février 2006