Question orale n° 1442 :
maladies rares

12e Législature

Question de : M. François Rochebloine
Loire (3e circonscription) - Union pour la Démocratie Française

M. François Rochebloine attire l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur les modalités de prise en charge de l'agénésie dentaire. Ayant eu connaissance de certaines situations difficiles, il lui paraît nécessaire de lui rappeler les difficultés financières rencontrées par les malades et leurs proches. Les soins très longs engendrés par cette pathologie rare et dont les variantes semblent multiples entraînent des frais extrêmement élevés pour les familles concernées, l'assurance maladie ne remboursant que très partiellement les frais de traitement et la pose d'implants. Aussi, il le remercie de bien vouloir lui préciser l'état d'avancement de ce dossier porté par l'association pour la reconnaissance de l'agénésie dentaire (ARAD).

Réponse en séance, et publiée le 1er mars 2006

PRISE EN CHARGE DE L'AGENESIE DENTAIRE

Mme la présidente. La parole est à M. François Rochebloine, pour exposer sa question, n° 1442.
M. François Rochebloine. Avant de poser ma question, je souhaite, madame la présidente, m'associer à la question précédente et dire combien je partage la demande de Gilles Artigues.
Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, nous sommes régulièrement amenés à intervenir auprès du Gouvernement en faveur d'assurés sociaux atteints de maladies rares ou orphelines et non reconnues ou insuffisamment reconnues par la sécurité sociale. Cela doit nous amener à réfléchir sur les raisons de certains blocages dont sont victimes les malades et leurs familles.
L'an dernier, ici même, j'étais intervenu sur la situation des personnes atteintes du syndrome de Rett en regrettant que certains polyhandicaps ne soient pas mieux pris en considération.
Aujourd'hui, je souhaite attirer l'attention de notre assemblée sur l'insuffisante prise en charge des frais liés à l'agénésie dentaire, comme mes amis Jean-Luc Préel et Dino Cinieri l'ont déjà fait à plusieurs reprises.
Je m'appuierai pour cela sur deux exemples concrets touchant deux jeunes adultes de mon département et qui me paraissent bien illustrer le problème.
Le premier cas concerne le jeune Alexandre, âgé de dix-sept ans, pour qui une intervention lourde d'implants dentaires s'impose. Il lui manque dix-sept dents adultes et seule une solution mécanique lui permettra de retrouver une vie normale. Je souhaite vous donner lecture de quelques extraits du courrier de ses parents, courrier adressé aux 577 membres de notre assemblée, dont vous-même, madame la présidente :
" Nous sommes les parents de trois enfants. Notre fils Alexandre est atteint d'une maladie génétique rare qui porte le nom d'agénésie dentaire. Il lui manque dix-sept dents adultes.
" Face à l'agénésie dentaire, la médecine et la génétique ne peuvent plus rien pour les malades. Les dents ne sont pas là et elles ne pousseront jamais. Pourtant, il existe une solution mécanique pour ces enfants malades : l'implant dentaire.
" Malheureusement pour nous, la sécurité sociale ne reconnaît pas la maladie et, comme l'implant dentaire est considéré comme un agrément esthétique, il n'est pas nomenclaturé et donc pas remboursé.
" Sa dentition naturelle lui assure quatorze dents adultes. Depuis trois ans, Alexandre porte des prothèses orthodontiques. Il les portera jusqu'à l'intervention chirurgicale. Ce long travail d'orthodontie permettra au chirurgien-dentiste de réaliser la pose de dix implants artificiels : ainsi, Alexandre aura une dentition définitive de vingt-quatre dents. L'intervention chirurgicale pour la pause des dix implants est prévue pour le 11 juillet 2006.
" La pose de ces implants a un coût : la facture s'élève à 19 960 euros. Devant le refus de la sécurité sociale, la totalité de la facture sera à notre charge.
" Je suis ouvrier ; mon salaire brut est de 1 540 euros par mois, mon épouse ne travaille pas, sinon occasionnellement et en intérim.
" Notre première démarche pour obtenir une aide financière a été de faire une demande auprès du fonds social de la sécurité sociale. Nous avons obtenu une aide financière de 3 000 euros, soit 15 % de notre devis. Nous sommes arrivés à faire des économies qui s'élèveront bientôt à 5 000 euros. Il nous manque 11 960 euros.
" Puisque le système nous ignore et nous abandonne, il nous reste une éventualité, celle de vous demander une participation financière pour nous aider. Vous êtes 577 membres au Parlement et la somme de 11 960 euros divisée par 577 représente un peu plus de 20 euros.
" Montrez-nous que la solidarité existe. Aidez-nous financièrement pour que notre fils retrouve le sourire Réglons ensemble grâce à votre solidarité cette injustice."
Le deuxième cas concerne Marie Ève, âgée de vingt-six ans. Célibataire, sans enfant, elle souffre d'une poly-agénésie dentaire qui nécessite une greffe osseuse au niveau maxillaire en vue d'implantations futures. Voici quelques passages d'une note qui m'a été communiquée récemment :
" Son affection est particulièrement handicapante pour elle. Son cas est d'autre part compliqué par la nécessité d'une greffe osseuse qui n'est pas, elle non plus, prise en charge par l'assurance maladie. Cela augmente le coût global de l'intervention, chiffré pour la partie supérieure de la mâchoire, qui constitue la première étape des soins, à 12 762,36 euros pour la moitié de l'intervention nécessaire. Le cas de Marie Ève a déjà nécessité plusieurs visites chez différents professeurs de médecine ainsi que des examens complémentaires, scanners et radiographies, qui tous ont été à sa charge. "
Face aux lourdeurs de notre système de santé et de protection sociale, comprenons bien que les familles et leurs proches éprouvent un sentiment d'abandon.
Considérant le nombre de pathologies recensées à ce jour et qui paraissent oubliées ou trop peu connues, il me semble utile d'aborder cette question avec suffisamment d'attention et dans un esprit d'ouverture.
Monsieur le ministre, j'ai saisi votre collègue Xavier Bertrand de ces deux dossiers, soutenus également par l'Association pour la reconnaissance de l'agénésie dentaire - l'ARAD - sachant par ailleurs qu'une demande de prise en charge avait pu aboutir pour les cas relevant des formes les plus sévères de la maladie, suite à une étude conduite sur le sujet par l'ANAES.
Aussi, pourriez-vous nous préciser si les autres formes de cette maladie très handicapante seront prises en compte prochainement et ce que peuvent espérer les deux familles que j'ai évoquées ?
Je vous remercie des réponses que vous voudrez bien m'apporter.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. J'ai été très sensible, monsieur le député, aux témoignages que vous venez de produire sur le cas de deux personnes souffrant d'agénésie dentaire, maladie rare, mais ô combien douloureuse et invalidante. C'est pourquoi Xavier Bertrand, dès l'année dernière, s'est déclaré favorable à une prise en charge par l'assurance maladie des traitements de l'agénésie dentaire.
La loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a modifié la procédure d'inscription à la nomenclature des nouveaux actes. Cette inscription relève désormais de la compétence de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie - l'UNCAM -, et non du Gouvernement, après avis de la Haute autorité de santé et de l'Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie - l'UNOCAM. Le Gouvernement est néanmoins très soucieux d'obtenir cette inscription.
Dans le cadre de la nouvelle procédure a été décidée au mois de septembre dernier la constitution d'un groupe de travail chargé d'examiner rapidement la prise en charge des implants dentaires, en cas d'agénésie dentaire multiple. Ce groupe s'est réuni une première fois le 16 janvier dernier afin d'examiner la liste des actes nécessaires à la réalisation d'un traitement implanto-prothétique chez l'enfant et chez l'adulte.
Je peux aussi vous dire qu'une réunion est prévue le 13 mars afin d'examiner le cas particulier des enfants pour procéder rapidement à une saisine de la Haute autorité de santé et de l'Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie en vue de l'inscription des actes au remboursement dans les meilleurs délais.
Nous disposons déjà d'un avis de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, qui a évalué l'efficacité et la sécurité des actes concernant la pose d'implants intra-osseux et intra-buccaux en vue de leur inscription à la nomenclature. L'Agence a ainsi émis des avis favorables avec des recommandations concernant les indications, la formation et l'environnement technique nécessaires à la réalisation des actes, qui doivent se faire avec toutes les garanties de qualité et de sécurité nécessaires, car ce sont des actes rares.
S'agissant plus particulièrement des enfants, l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé avait rendu un avis favorable comportant cependant des recommandations particulières. Elle recommandait ainsi de ne pas poser d'implants chez les enfants âgés de moins de six ans. En effet, ces implants chez l'enfant ne peuvent pas être considérés comme une solution définitive. Ces réserves, qui tiennent aux bonnes pratiques, ne sont contestées par personne.
Aujourd'hui, nous pouvons avoir bon espoir que l'assurance maladie procède à ce remboursement dans les meilleurs délais.
Mme la présidente. La parole est à M. François Rochebloine.
M. François Rochebloine. Je vous remercie pour les précisions que vous venez d'apporter notamment en ce qui concerne le groupe de travail et la réflexion qui est en cours et je partage le point de vue concernant les jeunes enfants.
En revanche, s'agissant des deux cas que j'ai évoqués, je vous rappelle qu'il s'agit d'un jeune homme de dix-sept ans et d'une jeune femme de vingt-six ans ; que faisons-nous ? Des sommes importantes sont en jeu ; or il s'agit de familles modestes. Je pense que tous mes collègues répondront favorablement à la demande qui leur a été faite, mais ce n'est pas une solution pour l'avenir.
Il est vrai que vous avez pris un certain nombre d'engagements, mais vous n'avez pas indiqué de délai. Trois familles sont concernées dans ma circonscription. Cela voudrait dire que, dans le département de la Loire, il y en aurait une vingtaine et donc 2 000 environ dans l'ensemble du pays. Certes, ce n'est pas un chiffre élevé, mais ces personnes sont confrontées à de grandes difficultés et je souhaiterais qu'on puisse les aider de manière plus importante. Vous semblez d'accord, monsieur le ministre, ce dont je me réjouis.

Données clés

Auteur : M. François Rochebloine

Type de question : Question orale

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : santé et solidarités

Ministère répondant : santé et solidarités

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 février 2006

partager