Question orale n° 1466 :
pièces et équipements

12e Législature

Question de : M. Jean-Claude Sandrier
Cher (2e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains

M. Jean-Claude Sandrier souhaite interroger M. le ministre délégué à l'industrie sur les actions du Gouvernement à la suite de l'annonce d'un plan de restructuration de l'entreprise Timken de Vierzon. Les choix effectués sur des critères financiers par de tels groupes transnationaux atteignent en effet, jusque dans leur chair, des femmes et des hommes compétents, qualifiés ainsi que les territoires. Avec près de 200 suppressions de postes dans cette entreprise de Vierzon, c'est un bassin d'emploi durement touché qui est, à nouveau, affaibli. Pourtant des productions destinées à PSA, conçues et testées à Vierzon, pourraient être maintenues sur ce site. La réalité de bénéfices considérables en 2005 plaide également pour une remise à plat du plan de licenciements. Après une décrue du nombre de demandeurs d'emplois de 16,8 % en 1996 à 10 % en 2002, le bassin d'emploi connaît une nouvelle hausse à près de 13 % d'actifs sans emploi. Un CIADT avait permis en 2000 à Vierzon de bénéficier de mesures exceptionnelles. Le préfet du Cher, sur sa demande, a réuni tous les élus autour d'un groupe de travail, auquel il convient d'associer toutes les forces sociales et économiques. Dans cette situation très difficile pour le bassin d'emploi de Vierzon, il lui demande l'examen de quatre propositions : intervenir auprès de l'entreprise Timken afin que le plan de restructuration soit revu, au regard des résultats 2005 et des possibilités de maintien de productions sur le site ; intervenir auprès de PSA, donneur d'ordres de Timken, afin que les produits qui lui sont destinés ne soient pas délocalisés aux Etats-Unis comme cela est envisagé ; prévoir un dispositif exceptionnel de sécurité emploi-formation afin d'éviter aux salariés de passer par la case chômage, et exiger de l'entreprise un effort exceptionnel dans le cadre de la convention de réactivation ; dégager de la part de l'Etat une aide exceptionnelle, conséquente en faveur du bassin d'emploi de Vierzon, afin que la compassion se transforme en action.

Réponse en séance, et publiée le 8 mars 2006

RESTRUCTURATION DE L'ENTREPRISE TIMKEN
A VIERZON

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour exposer sa question, n° 1466, relative à la restructuration de l'entreprise Timken à Vierzon.
M. Jean-Claude Sandrier. Ma question s'adressait à M. le ministre délégué à l'industrie, mais je suis très honoré, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, que vous y répondiez à sa place.
À la mi-janvier, le groupe transnational Timken annonçait un plan de restructuration de sa branche automobile, conduisant à la suppression de près de la moitié de ses effectifs sur son site de Vierzon dans le Cher. Ces 194 suppressions d'emplois, tous contrats confondus, représentent une nouvelle épreuve pour un territoire déjà durement frappé. La violence qui est ainsi faite à des femmes, des hommes, des territoires ne saurait conduire à la seule compassion. D'ailleurs, je salue les salariés de Timken et ceux de toutes les entreprises privées ou publiques qui se rassemblent aujourd'hui pour protester contre les mauvais coups qui leur sont portés.
Dès le 24 janvier, après un échange avec les représentants du personnel, j'avais saisi le ministre délégué à l'industrie, ainsi que les services de l'État au niveau du département, afin de demander aux pouvoirs publics de ne pas se retrancher derrière des arguments justifiant l'impuissance politique.
Je suis très heureux que cette séance de question vous permette, monsieur le ministre délégué, de m'apporter la réponse que nous attendons - non seulement moi, mais surtout les salariés de Timken - depuis quarante jours.
La situation de Vierzon et de son bassin d'emploi appelle davantage d'attention de la part de l'État. Après avoir connu un pic en 1996, avec près de 17 %, le taux de chômage avait décru pour atteindre 10 % en 2002, mais il est reparti à la hausse, et s'élève aujourd'hui à 12,8 %.
En 2000, eu égard aux difficultés particulières rencontrées dans la région, un comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire avait permis à Vierzon de bénéficier pour la première fois d'une batterie de mesures exceptionnelles.
La fragilité et la difficulté de la situation sont évidentes. C'est pourquoi l'annonce de la suppression de près de 200 emplois directs - auxquels s'ajouteront les emplois indirects - est insupportable. Elle l'est d'autant plus que le groupe Timken a dégagé des résultats financiers colossaux, notamment en multipliant par deux ses profits en 2005. Licencier dans de telles conditions est donc tout simplement indécent.
S'ajoute à cela le fait qu'une nouvelle production, les linguets de DV4, conçue et testée à Vierzon, doit être développée aux États-Unis. Or cette production est destinée à PSA, Peugeot-Citroën. Ce projet est donc vécu comme une véritable provocation par les salariés et la population.
Face à cette situation, la direction reste sourde aux revendications des salariés, alors qu'elle impose des choix fondés uniquement sur des critères de rentabilité financière à court terme. De plus, l'État, dans le cadre de la convention de revitalisation, a le droit de demander quatre SMIC par emploi perdu. Or, à ma connaissance, vos services n'en ont demandé que deux. Cela est humainement inacceptable et peu digne du respect que l'on doit à des femmes et des hommes compétents et attachés à leur entreprise.
Sur ma demande, le préfet a réuni le 3 février tous les élus au sein d'un groupe de travail auquel il convient d'associer toutes les forces sociales et économiques. Ce groupe devrait se réunir à nouveau, même si, pour l'heure, aucune date n'est prévue alors que le préfet nous avait parlé d'un délai d'un mois entre deux réunions.
Je me permets donc de demander au Gouvernement d'agir dans cinq directions.
Il s'agit tout d'abord d'amener l'entreprise Timken à revoir le plan de restructuration, compte tenu des résultats enregistrés en 2005 et de la possibilité de maintenir à Vierzon la production des linguets de DV4, ce qui constituerait un signe positif quant à la pérennité du site.
Il convient également d'intervenir auprès de PSA, donneur d'ordre de Timken, afin que les produits qui lui sont destinés ne soient pas délocalisés aux États-Unis comme cela est envisagé. On ne saurait parler de patriotisme économique sans donner des exemples concrets. En voilà une occasion.
Il faut en outre de prévoir un dispositif exceptionnel de sécurité emploi-formation afin d'éviter aux salariés de passer par la case chômage, et d'exiger de Timken un effort exceptionnel envers les salariés licenciés et envers le territoire, bien au-delà de ce que vous avez demandé jusqu'à présent.
L'État doit également dégager une enveloppe exceptionnelle - j'insiste sur ce terme - en faveur du bassin d'emploi de Vierzon, qui a besoin de financer le plan de renouvellement urbain, l'aménagement de zones d'activités, le soutien à la filière logistique, le développement ferroviaire, la création d'un pôle national autour du handicap, le développement d'une filière environnement, et le développement, en lien avec chacune de ces filières, de l'enseignement supérieur technique et universitaire et de la recherche.
Enfin, il est indispensable que l'État agisse en cohérence avec ses discours et ne supprime aucun emploi public dans un bassin en grande difficulté. Cela vaut pour les administrations comme pour les entreprises qu'il détient majoritairement. Si cette condition n'était pas remplie, la crédibilité de l'action du Gouvernement en faveur de notre territoire serait largement entamée. De même, il paraît nécessaire, compte tenu de l'impact sur les sous-traitants, le commerce et l'artisanat, que des dispositions fiscales particulières soient envisagées.
Tels sont, monsieur le ministre délégué, les points précis et concrets sur lesquels les salariés et les habitants du bassin d'emploi de Vierzon attendent des réponses précises et concrètes. Des possibilités d'intervention existent, des moyens d'agir vous sont proposés, et d'autres peuvent sans doute être imaginés. Je souhaite donc que vous montriez aux salariés de Timken et à tous nos concitoyens habitant ce bassin d'emploi éprouvé que le Gouvernement va faire preuve d'une volonté politique.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député Sandrier, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de François Loos, ministre délégué à l'industrie, qui est en déplacement.
M. Jean-Claude Sandrier. Il ne serait pas à Vierzon, par hasard ?
M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Cela dit, en vous écoutant, j'ai pensé qu'il n'était pas plus mal que je vous réponde, car j'ai cru comprendre que cette question n'était pas totalement étrangère à mon département ministériel !
Timken est une entreprise qui a effectivement vocation, dans le contexte actuel, à réorganiser ses activités en France. Personne ne doit continuer de penser qu'une entreprise licencie par plaisir. Il peut se trouver aussi qu'elle rencontre des difficultés.
Vous évoquez le fait que Timken réalise des profits. Le chiffre d'affaires du site de Vierzon, est passé de 49 millions en 2004 à 32 millions en 2005 et une baisse de 35 % est prévue d'ici à 2007. Trois raisons structurelles expliquent un tel repli : le marché automobile est très concurrentiel, notamment pour les fournisseurs, ce qui génère une forte pression sur les prix ; les nouveaux sites de production de constructeurs et d'équipementiers automobiles se situent de plus en plus à l'étranger, ce qui renchérit le coût du transport à partir de l'usine de Vierzon ; enfin, l'augmentation significative du prix de l'acier, qui entre pour une part importante dans le prix de revient des roulements, est dans les faits mal répercutée sur le client.
Le projet de réorganisation vise à recentrer le site de Vierzon sur des fabrications à plus haute valeur ajoutée.
Vous nous demandez d'intervenir auprès de PSA pour empêcher que son fournisseur ne délocalise sa production aux États-Unis : contact a été pris et nous avons obtenu des réponses qui vont ont d'ailleurs été, m'a-t-on dit, communiquées. D'abord, PSA n'a pas été associé à cette décision et en a été informé tardivement. Ensuite, ce groupe n'a aucunement modifié les commandes passées directement à Timken et réalisées aujourd'hui à Vierzon. Enfin, PSA ne peut s'immiscer dans les choix industriels de ses fournisseurs dès lors qu'ils respectent les exigences de qualité, de prix et de logistique déterminées par contrat.
Néanmoins, je peux vous assurer que l'État suivra ce dossier avec beaucoup de vigilance, notamment en ce qui concerne la contribution de Timken au reclassement des personnels. Un congé de reclassement de neuf mois sera proposé et une antenne emploi créée pour accompagner les projets de formation individuelle ou de création d'entreprise. Les salariés pourront ainsi rechercher un travail jusqu'en mars 2007 tout en bénéficiant d'une prise en charge par Timken. Un accompagnement personnalisé pour le déménagement, l'installation et la recherche d'emploi pour le conjoint sera proposé dans le cadre des offres de reclassement sur l'un des sites français de Timken. Enfin, des aides financières seront prévues pour faciliter l'embauche de ces salariés par d'autres entreprises et une prime de retour à l'emploi sera attribuée afin d'encourager les reclassements rapides. L'ensemble de ces dispositifs très concrets et personnalisés est de nature à apporter des réponses très pragmatiques aux différentes situations.
Monsieur le député, vous demandez une aide exceptionnelle de l'État en faveur du bassin d'emploi de Vierzon. Sachez que nous n'avons pas attendu pour examiner, avec l'aide de la Sofred, toutes les pistes utiles à la reconversion du bassin dont l'une pourrait consister en une meilleure valorisation de l'industrie locale du bois. Enfin, en tant que ministre du budget, je vous rappelle que le bassin d'emploi de Vierzon continuera à bénéficier, au moins en 2006 et 2007, du crédit de taxe professionnelle de 1 000 euros par salarié prévu dans la loi de finances de 2005 pour accompagner les zones d'emploi en difficulté dans leur effort d'adaptation.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
M. Jean-Claude Sandrier. L'accompagnement social traditionnel que vous évoquez ne revient désormais qu'à enregistrer purement et simplement le licenciement, donc la suppression d'emplois. Vous ne proposez comme solution - et vous me permettrez de m'en étonner - que la filière bois. Or la réunion qui a eu lieu en préfecture a abordé toutes les filières de développement possibles à Vierzon, sauf celle-ci ! Je n'ai rien contre cette filière que l'on peut, bien entendu prendre en compte. En revanche - et cela m'inquiète énormément - nous n'avons obtenu aucune réponse, pour la filière logistique, la filière environnementale, avec notamment les constructions, et la filière handicap.
Quant à la baisse du chiffre d'affaires de l'usine, il ne faut pas oublier qu'elle fait partie, comme je l'ai précisé, d'un groupe qui a multiplié ses profits par deux et a distribué de très nombreux dividendes. La baisse est due pour une part aux faiblesses actuelles de l'industrie automobile, dont on sait parfaitement qu'elles sont cycliques, et surtout au fait qu'aucun investissement n'a été réalisé à Vierzon, ce qui pénalise l'entreprise.
La production de pointe - les linguets de DV4 - issue des travaux du centre de recherche, lequel va être déplacé à Colmar, sera délocalisée aux États-Unis. Le maintien de cette entreprise à Vierzon aurait donné le signe d'une volonté de pérenniser l'activité du site. Alors que des licenciements sont annoncés, l'externalisation de cette production est presque une provocation pour les salariés. Cela prouve que cette entreprise n'a aucun projet industriel, ce qui peut faire craindre le pire. Or il aurait été envisageable de réagir différemment. Je note que vous n'êtes pas spécialement prêt à intervenir auprès de Timken pour faire entendre l'intérêt général. Je sais que les entreprises ne font pas des restructurations par plaisir, je crois qu'elles les font surtout par intérêt financier.

Données clés

Auteur : M. Jean-Claude Sandrier

Type de question : Question orale

Rubrique : Automobiles et cycles

Ministère interrogé : industrie

Ministère répondant : industrie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 mars 2006

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