Question orale n° 1494 :
mutuelles

12e Législature

Question de : M. Louis-Joseph Manscour
Martinique (1re circonscription) - Socialiste

M. Louis-Joseph Manscour attire l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur les inquiétudes exprimées par les mutuelles de fonctionnaires, quant à l'avenir de la protection sociale complémentaire des agents publics. En effet, en vertu d'un arrêté du 19 septembre 1962 (dit arrêté Chazelle) et de l'article R. 523-2 du code de la mutualité, l'État peut accorder des subventions aux mutuelles constituées entre les fonctionnaires, agents et employés de l'État et des établissements publics nationaux. Or, une recommandation de la Commission européenne du 20 juillet 2005 stipule que ces subventions sont susceptibles de constituer une aide d'État incompatible avec le marché commun. Aux termes de cette recommandation, la France devait mettre fin à ces aides, au plus tard, le 1er janvier 2006. Parallèlement, le Conseil d'État, dans un arrêt du 26 septembre 2005, enjoint l'État d'abroger dans un délai de six mois l'arrêté dit Chazelle et les dispositions de l'article R. 523-2 du code de la mutualité. C'est ainsi la protection sociale complémentaire de millions d'agents de la fonction publique qui est en danger. Il lui demande donc les mesures que le gouvernement compte prendre pour protéger les droits des mutuelles et ceux des agents mutualistes.

Réponse en séance, et publiée le 22 mars 2006

REGIME JURIDIQUE DE LA PROTECTION SOCIALE
COMPLEMENTAIRE DES AGENTS PUBLICS

M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour, pour exposer sa question, n° 1494, relative au régime juridique de la protection sociale complémentaire des agents publics.
M. Louis-Joseph Manscour. Je souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur les inquiétudes exprimées par les mutuelles quant à l'avenir de la protection sociale complémentaire des agents publics.
Un arrêté du Conseil d'État de 1962, dit arrêté Chazelle, et des dispositions du code de la mutualité autorisent l'État à accorder des subventions aux mutuelles de fonctionnaires. Ces derniers se voient ainsi garantir une protection sociale complémentaire de qualité.
Cependant, en juillet dernier, la Commission européenne jugeait que ces subventions contrevenaient au principe de la concurrence libre et non faussée. Deux mois plus tard, le Conseil d'État estimait que ces mêmes subventions créaient une différence de traitement contraire au principe d'égalité devant le service public. C'est ainsi que le juge administratif enjoignit le Gouvernement d'abroger, dans un délai de six mois, l'arrêté Chazelle et l'article R. 523-2 du code de la mutualité.
Or cette injonction arrive à échéance dans moins d'une semaine.
M. Xavier Bertrand revient d'un séjour aux Antilles. Il a pu constater, notamment à la Martinique, que le secteur public assure environ 50 % de l'emploi global. La remise en cause de la complémentaire santé ne peut donc que pénaliser nos régions, où la situation sanitaire et sociale est marquée par un retard structurel par rapport à la métropole et où des risques sanitaires graves existent, comme l'actualité dans le département de la Réunion en témoigne.
Soyons clairs : je ne demande pas au Gouvernement de passer outre aux recommandations et injonctions de la Commission européenne et du Conseil d'État. Je souhaite simplement qu'il prenne les mesures adéquates pour maintenir la solidarité nationale, si chère au modèle social français. Sans un accompagnement de l'État, la couverture sociale du secteur public serait inévitablement vouée aux logiques libérales du marché, ce qui se traduirait par une paupérisation des agents publics.
Des solutions doivent donc être envisagées. Faut-il que l'État subventionne toutes les mutuelles sans distinction, comme le préconise la Commission européenne ? Faut-il qu'il augmente les traitements des agents publics d'une prime de protection sociale complémentaire, comme le font certaines collectivités locales pour leurs agents ? Ce sont là quelques pistes à méditer.
Le ministère a, d'ailleurs, commandé un audit sur ces questions et M. Bertrand a déclaré que des propositions seraient soumises à concertation avec les partenaires sociaux dans un délai raisonnable.
Je vous demande donc si, à une semaine de la date limite posée par le Conseil d'État, des mesures seront prises par le Gouvernement pour protéger les mutuelles et le droit des agents mutualistes.
M. Philippe Edmond-Mariette. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. M. le ministre de la fonction publique m'a chargé de vous répondre en son nom, monsieur Manscour.
Le statut général des fonctionnaires ne prévoit pas une participation directe de l'État à la protection sociale complémentaire de ses agents. Toutefois, l'État employeur a jusqu'à présent participé indirectement à la protection sociale complémentaire à travers les aides qu'il apporte aux mutuelles, telles que les subventions directes ou les mises à disposition de personnels et de locaux. Le fondement juridique de ces aides se trouve à l'article R. 523-2 de l'ancien code de la mutualité et dans un arrêté du 19 septembre 1962.
Comme vous l'avez rappelé, la Commission européenne et le Conseil d'État viennent de remettre en cause ces dispositions juridiques. En juillet 2005, la Commission a demandé au gouvernement français de prendre toutes les mesures législatives, administratives ou réglementaires pour assurer la transparence et l'égalité des acteurs vis-à-vis des aides directes et indirectes dont peuvent bénéficier les mutuelles. On n'est donc pas, pour l'instant, dans une phase contentieuse.
La décision du Conseil d'État de septembre 2005 impose, quant à elle, de revoir les textes existants dans un délai de six mois.
Le Conseil d'État et la Commission ne remettent en question ni la protection sociale des fonctionnaires ni le principe de la participation des employeurs publics à cette protection, mais bien le cadre juridique général.
Une mission d'audit a été confiée conjointement à l'inspection générale des finances et à l'inspection générale des affaires sociales pour examiner la situation des mutuelles et proposer des solutions. Ses conclusions ont été remises au Gouvernement au début du mois de décembre. Un groupe de travail a été mis en place le 8 février 2006 par le directeur général de l'administration et de la fonction publique afin de définir un cadre juridique adapté. L'ensemble des partenaires sociaux seront associés à cette réflexion.
Le Gouvernement s'est engagé à ce que ce nouveau cadre juridique soit applicable avant la fin de l'année 2006, y compris par le biais d'une disposition législative si cela s'avère nécessaire.
M. le président. La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.
M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le ministre, vous comprendrez que votre réponse ne me satisfasse guère. Quelque solution qu'il retienne, le Gouvernement devra choisir entre les mécanismes de solidarité existants et la rupture, livrant ainsi la protection sociale complémentaire des personnes, notamment pour la santé et la prévoyance, aux lois du marché. Ce serait vraiment dommage !

Données clés

Auteur : M. Louis-Joseph Manscour

Type de question : Question orale

Rubrique : Économie sociale

Ministère interrogé : santé et solidarités

Ministère répondant : santé et solidarités

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 21 mars 2006

partager