carte scolaire
Question de :
M. Henri Nayrou
Ariège (2e circonscription) - Socialiste
M. Henri Nayrou appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les prévisions de la carte scolaire pour la rentrée 2006 en Ariège. L'annonce de la suppression de postes d'enseignants dans le premier degré et la disparition de classes suscite l'inquiétude des parents d'élèves, des élus et des enseignants. Ces décisions sont en effet préjudiciables à un enseignement de qualité et portent atteinte à la présence des services publics en milieu rural. En effet, comment concevoir qu'en Ariège, l'on puisse organiser une rentrée scolaire à effectif constant d'enseignants avec plus de 200 élèves de plus dans le primaire. Il semble que cette décision soit prise sur des bases essentiellement budgétaires alors que le rééquilibrage académique devrait aussi tenir compte de la réalité sociale d'un secteur rural particulièrement défavorisé. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il lui serait fort reconnaissant de bien vouloir étudier avec le plus grand intérêt le devenir du service public de l'éducation nationale dans ce département rural.
Réponse en séance, et publiée le 5 avril 2006
CARTE SCOLAIRE EN ARIEGE
M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou, pour exposer sa question, n° 1540, relative aux prévisions de la carte scolaire en Ariège.M. Henri Nayrou. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, ma question porte sur les conditions inacceptables dans lesquelles se prépare la rentrée scolaire 2006-2007 en Ariège.
Plutôt que de longs discours, mieux vaut partir des faits. À la rentrée, on comptera dans le primaire 224 enfants en plus pour un même nombre d'enseignants, en collège 38 élèves en moins pour trois postes et demi d'enseignant supprimés et en lycée 28 élèves en plus pour six enseignants en moins.
Pensez-vous réellement qu'il soit possible d'organiser une rentrée scolaire avec de tels moyens ? Poser la question équivaut à y répondre. Dans ces conditions, peut-on s'étonner des vagues de mécontentements qui montent des départements à propos des effets - ou des méfaits - de la carte scolaire, comme en témoignent les deux questions orales sans débat posées mardi dernier par deux députés de l'UMP, élus respectivement de la Marne et du Nord ?
En Ariège, les élus, les organisations syndicales d'enseignants et la FCPE ont déjà répondu non et décidé de ne pas participer aux deux conseils départementaux de l'éducation nationale, refusant ainsi de cautionner une telle carence de moyens.
Cette situation s'inscrit dans la baisse du nombre de fonctionnaires décidée au fil des ans par le gouvernement auquel vous appartenez. Les effectifs ont diminué de 1 090 postes en 2003, de 4 570 en 2004, de 7 200 en 2005 et, en 2006, on comptera entre 13 000 et 18 000 fonctionnaires en moins.
À mon sens, vous avez doublement tort.
En premier lieu, vous n'adaptez pas la contribution de l'éducation nationale aux mouvements de population de l'ensemble du territoire. Comme celui de toutes les zones rurales, l'avenir de l'Ariège passe par l'inversion de la pyramide des âges et la régénérescence du tissu social. Ce challenge dépend de l'emploi, du logement et des services, trois volets essentiels pour que de jeunes couples acceptent de quitter pour les zones rurales les métropoles régionales en cours d'asphyxie.
Parmi ces services figure l'école, dont vous avez la responsabilité. Les moyens et la qualité de l'enseignement sont des éléments déterminants pour décider de jeunes parents à s'installer. Il est admis que c'est dans ce secteur que les élus ruraux sont parvenus à proposer les équivalences les plus performantes aux citadins tentés par la campagne, grâce à des investissements importants notamment en matière de classes, de cantines, de projets parascolaires, d'animations et de sorties à thèmes. Il n'est donc pas acceptable que l'avenir de l'Ariège se joue à la roulette russe de vos arbitrages budgétaires.
En second lieu, vous avez tort d'oublier les leçons d'un passé récent et cuisant : la crise des banlieues en automne dernier et la contestation actuelle du CPE. Ce n'est pas en supprimant des postes d'enseignant par dizaines de milliers que vous réglerez les problèmes de notre société et que vous rendrez l'espérance à la jeunesse de notre pays.
Je renouvelle donc ma question, qui mériterait un débat d'une autre envergure que ce face-à-face du mardi matin : comment les 214 nouveaux élèves ariégeois vont-ils trouver leur place dans un système amputé de neuf postes d'enseignants et demi ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, les éléments que vous avez cités ne sont pas exacts, ce qui explique votre inquiétude. S'ils l'étaient, celle-ci serait bien légitime.
La réussite des élèves, qui mobilise mon ministère au quotidien, ne concerne pas seulement les villes ou leurs banlieues mais toute la France et donc aussi les écoles en milieu rural, auxquelles je suis moi-même très attaché.
L'école en milieu rural doit être ambitieuse et disposer des technologies pédagogiques les plus modernes. Sa qualité et son développement résultent du partenariat entre différents acteurs : l'État, au premier plan, mais aussi les collectivités locales, qui portent la même volonté et la même capacité de promouvoir les territoires ruraux, c'est-à-dire non seulement de maintenir les populations qui y résident, mais d'en accueillir de nouvelles.
L'éducation nationale a encouragé les RPI, les regroupements pédagogiques intercommunaux, qui concernent actuellement 39 % des communes de France, 21 % des écoles et 10 % des élèves. Comment se situe le département de l'Ariège dans cette moyenne ? Celui-ci compte aujourd'hui 31 % d'écoles à classe unique, soit près de deux fois et demi la moyenne nationale, qui se situe à 12 %, 47 % d'écoles à une ou deux classes, soit presque le double de la moyenne nationale, qui se situe à 26 %, et 38 RPI.
Dans le département de l'Ariège, qui comptera 12 348 élèves à la rentrée 2006, les conditions d'enseignement sont bonnes en ce qui concerne le nombre d'élèves par classe et la scolarisation des enfants de moins de trois ans, qui s'élève à plus de 30 %, pourcentage supérieur à celui de l'ensemble de la France métropolitaine, qui se situe à 23,44 %.
Les prévisions pour la rentrée 2006 sont satisfaisantes. Aucun poste d'enseignant n'est supprimé. Le taux d'encadrement prévu est plus élevé que le taux moyen des départements ruraux montagnards et supérieur au taux national. Le nombre d'élèves par classe prévu est de 21,77, alors que le niveau national se situe à 23,44. En matière de carte scolaire, le solde des ouvertures et des fermetures est égal à zéro.
Le service public de l'éducation ne peut plus être regardé séparément des autres services publics en milieu rural, mais doit trouver toute sa place dans l'intercommunalité, voie de plus en plus choisie par les départements qui se modernisent. Les avantages que les communes et l'école peuvent en retirer ne sont plus à démontrer : mutualisation des ressources budgétaires pour les investissements lourds, qui sont la plupart du temps des investissements de qualité, et pour les investissements pédagogiques - mobiliers, collections de livres et de manuels scolaires -, accès aux technologies de l'information et de la communication et aux immenses ressources de l'Internet, transport des élèves au quotidien ou dans le cadre de projets pédagogiques, rémunération d'intervenants sportifs ou culturels et de personnel, organisation de services périscolaires, enfin écoles de plus grande taille et accueillant des équipes pédagogiques plus stables.
Telle est la démarche qui a été amorcée dans votre département comme dans beaucoup d'autres et qui donne réellement satisfaction.
M. le président. La parole est à M. Henri Nayrou.
M. Henri Nayrou. Je prends acte de ce tour d'horizon très ministériel, qui fait état d'informations, de ratios et de pourcentages émanant de vos services, monsieur le ministre, c'est-à-dire en fait de l'inspection académique de l'Ariège. Mais votre réponse ne prend pas en compte la spécificité des zones de montagne, dont les ratios ne peuvent pas être comparés à ceux que vous citez sur le plan général.
En outre, vous évoquez les classes uniques, dont, en tant qu'enfant de l'école de la République, je suis issu, ce dont je me porte assez bien. En la matière, les conséquences de vos arbitrages nationaux ne font pas la part belle aux départements ruraux comme l'Ariège.
J'en reviens donc aux chiffres de base. Vous arguez qu'aucune suppression de poste d'enseignant n'est prévue dans le primaire. Mais comment réussir une rentrée avec 224 élèves en plus ? Le compte n'y est pas ; je suis désolé de devoir vous le confirmer.
Auteur : M. Henri Nayrou
Type de question : Question orale
Rubrique : Enseignement
Ministère interrogé : éducation nationale
Ministère répondant : éducation nationale
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 4 avril 2006