Question orale n° 1547 :
politiques communautaires

12e Législature

Question de : M. Alain Bocquet
Nord (20e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains

M. Alain Bocquet attire l'attention de Mme la ministre déléguée aux affaires européennes sur les difficultés économiques et sociales lourdes qui ont nécessité que le Hainaut belge et le Hainaut français confrontés à des enjeux urbains et environnementaux similaires, bénéficient de fonds structurels européens Objectif 1, désormais fonds Convergence, pour la période 2000-2006. L'Union européenne leur avait respectivement attribué 644 millions d'euros et 405 millions. Il n'en sera pas de même pour la période 2007-2013. Si ces deux territoires devraient percevoir chacun en effet, une part des fonds européens compétitivité emploi versés à la Wallonie et au Nord - Pas-de-Calais, seul le Hainaut belge recevra une aide substantielle au titre de la Convergence : 577 millions d'euros tandis que le Hainaut français en est exclus et ne se voit concéder qu'une très insuffisante compensation de 70 millions d'euros. Le recul, considérable, menace la poursuite et la réussite des politiques de reconversion indispensables aux 279 communes et 21 structures d'intercommunalité concernées, ainsi qu'aux entreprises. Il crée en même temps une distorsion et instaure une concurrence faussée entre ces territoires. C'est enfin, toute une action partenariale d'envergure : Etat, région, département et collectivités locales qui est compromise, alors que la situation des deux populations, belge et française, est restée la même et qu'elles ne manquent pas de projets d'intérêt commun. Le PIB par habitant du Hainaut belge (75,45 %), avoisine comme celui du Hainaut français (73,09 %), la limite fixée par l'Union européenne pour l'attribution des fonds Convergence 75 % de la valeur moyenne du PIB par habitant de l'Union élargie. L'argument mis en avant pour exclure le Hainaut français, celui du PIB par habitant du Nord - Pas-de-Calais, supérieur à cette limite, n'est pas recevable. Il ne tient aucun compte de la spécificité des trois arrondissements, Valenciennois, Douaisis, Sambre avesnois toujours sous le coup d'un chômage de masse (15 % à 30 %), de la précarité, de la grande pauvreté et des difficultés sociales et urbaines (formation ou logement par exemple), engendrés par la disparition des mines, de la sidérurgie et des activités industrielles et économiques liées qui ont saigné le Hainaut français à blanc. Il n'est pas trop tard pour agir et obtenir comme en 1995, une mesure dérogatoire favorable à son territoire. Il est encore temps de se mobiliser pleinement à tous les niveaux institutionnels, pour solliciter, des instances européennes une décision ouvrant le bénéfice des fonds Convergence au Hainaut français, reconnaissant la spécificité de sa situation, l'ampleur des problèmes de sa population, la nécessité de ne pas compromettre les efforts qui sont engagés depuis plusieurs années et qui ont le plus urgent besoin d'être soutenus. Aussi il lui demande quelles initiatives le Premier ministre et le Gouvernement entendent alors prendre dans ce contexte pour permettre que ce territoire soit reconnu et continue d'aller de l'avant après le 1er janvier 2007.

Réponse en séance, et publiée le 5 avril 2006

ATTRIBUTION DE FONDS STRUCTURELS EUROPEENS
AU HAINAUT FRANÇAIS

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour exposer sa question, n° 1547, relative à l'attribution de fonds structurels européens au Hainaut français.
M. Alain Bocquet. Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, en raison de difficultés économiques et sociales lourdes, le Hainaut belge et le Hainaut français, qui sont confrontés à des enjeux urbains et environnementaux similaires, ont bénéficié de fonds européens Objectif 1 - désormais appelés fonds Convergence - pour la période 2000-2006. L'Union européenne leur avait respectivement attribué 644 millions et 405 millions d'euros.
Il n'en sera, malheureusement, pas de même pour la période 2007-2013 : alors que ces deux territoires devraient percevoir chacun une part des fonds européens " Compétitivité Emploi " versés à la Wallonie et au Nord-Pas-de-Calais, seul le Hainaut belge recevra une aide au titre de la convergence - 577 millions d'euros - tandis que le Hainaut français en est exclu et ne se voit concéder qu'une compensation de 70 millions d'euros. Cette somme s'ajoutant aux 170 millions d'euros versés au titre des fonds " Compétitivité Emploi ", cela ferait 240 millions au lieu de 405. Ce recul des aides de 165 millions d'euros, représentant une diminution de 40,7 %, est considérable : il menace les politiques de reconversion indispensables aux 279 communes et aux 21 structures d'intercommunalité, ainsi qu'aux entreprises, et il faussera la concurrence entre ces territoires voisins. Enfin, il compromet l'action partenariale d'envergure engagée entre l'État, la région, le département et collectivités locales, alors que la situation des deux populations, belge et française, est restée la même et qu'elles ne manquent pas de projets d'intérêt commun.
Le PIB par habitant du Hainaut belge - 75,45 % - avoisine, comme celui du Hainaut français - 73,09 % -, la limite fixée par l'Europe pour l'attribution des fonds Convergence, qui est de 75 % de la valeur moyenne du PIB par habitant de l'Union élargie. L'argument utilisé pour exclure le Hainaut français - selon lequel le PIB par habitant du Nord-Pas-de-Calais est supérieur à cette limite - n'est pas, à mes yeux, recevable : il ne tient compte ni de la spécificité des trois arrondissements - Valenciennois, Douaisis, Sambre-Avesnois - qui subissent toujours un chômage de masse, de 15 à 30 %, ni des difficultés sociales et urbaines - pauvreté, formation insuffisante, problèmes de logement - engendrées par la disparition des mines et de la sidérurgie et des activités économiques qui y étaient liées, disparition qui a saigné le Hainaut français à blanc.
Le Nord-Pas-de-Calais se situe désormais - faut-il le rappeler ? - au dernier rang des régions françaises pour l'emploi, la recherche et l'innovation. C'est dire l'ampleur des progrès à faire.
Il n'est pas trop tard pour agir et obtenir, comme en 1995, une mesure dérogatoire favorable - d'autant que la France est un des rares contributeurs nets du budget européen : nous versons plus que nous percevons, et ce déficit représentera 105 euros annuels par habitant pour les sept ans à venir. Si les choses restent en l'état, le Hainaut français devra apporter une contribution nette de 630 millions d'euros au budget européen pour 2007-2013. Pour un territoire économiquement et socialement sinistré, cela est, à mes yeux, intolérable : du fait que cette dérogation n'a pas été acceptée, il va percevoir moins de 40 % de la somme qu'il va verser !
Il est donc temps de se mobiliser à tous les niveaux institutionnels pour solliciter de l'Europe une décision ouvrant le bénéfice des fonds Convergence au Hainaut français : il faut les convaincre de la nécessité qu'il y a de ne pas compromettre des efforts qui doivent être soutenus de manière urgente.
Dans ce contexte, quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour permettre que ce territoire soit reconnu et continue d'aller de l'avant après le 1er janvier 2007 ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président Bocquet, le Gouvernement français a été très attentif, tout au long de la négociation sur les perspectives financières 2007-2013 de l'Union européenne, au sort du Hainaut français. Les résultats obtenus sont à cet égard satisfaisants. Je vais tenter de vous expliquer pourquoi.
Comme vous le savez, après plusieurs mois de négociation, le Conseil européen a adopté, le 17 décembre dernier, le budget de l'Union européenne pour les années 2007-2013. Aux termes de cet accord, qui doit être confirmé par le Parlement européen, le budget de l'Union pour cette période s'établit à 862 milliards d'euros, dont 36 % sont consacrés à la politique de cohésion - soit 308 milliards d'euros -, laquelle devient la première politique du budget européen.
Sur cette enveloppe, la France s'est vu attribuer au total 12,7 milliards d'euros, dont 9,1 milliards au titre de l'objectif " Compétitivité régionale et emploi ". Nous souhaitions en effet que la priorité reconnue aux nouveaux États membres permette parallèlement le maintien de moyens substantiels au bénéfice des territoires de l'ensemble de l'Union européenne. Ce résultat a été atteint avec l'accord de décembre dernier. Les régions françaises pourront donc continuer, au cours de la prochaine période de programmation, à bénéficier de financements européens importants au titre de la cohésion économique et sociale, comme le Gouvernement s'y était engagé.
S'agissant du Hainaut français, il convient de souligner que la France a obtenu une enveloppe spécifique et additionnelle de 70 millions d'euros, qui viendra s'ajouter aux financements européens dont bénéficiera par ailleurs cette région au titre du nouvel objectif 2 de la politique de cohésion consacré au soutien à la " compétitivité régionale et à l'emploi ".
La demande spécifique de la France à l'égard du Hainaut français, qui a été présentée et défendue au Conseil européen par le Président de la République, visait à atténuer l'impact de la sortie du soutien transitoire de l'objectif 1 " Convergence " de la politique de cohésion dont cette région bénéficie actuellement. Si elle apparaissait légitime afin d'éviter des distorsions de traitement trop grandes entre le Hainaut français et le Hainaut belge qui sont deux régions contiguës et comparables sur le plan économique comme sur celui du développement, il n'était en revanche pas envisageable d'obtenir le maintien du Hainaut français dans la phase transitoire de sortie de l'objectif 1. En effet, à la différence du Hainaut belge, qui est une région à part entière, le Hainaut français n'est pas un échelon territorial reconnu par la nouvelle politique de cohésion pour la période 2007-2013.
En outre, le CIACT du 6 mars dernier a décidé de la ventilation des crédits européens entre les régions françaises. La région Nord-Pas-de-Calais, qui comprend le Hainaut français, bénéficiera au cours de la prochaine période de programmation d'une enveloppe de 926,6 millions d'euros au titre du FEDER et du FSE. Elle restera ainsi le premier bénéficiaire en volume des fonds structurels européens parmi les régions métropolitaines.
Il appartiendra au partenariat régional, sous l'égide du préfet de région, d'élaborer le programme opérationnel à l'intérieur de la région de telle sorte que soient pleinement prises en compte les spécificités de développement du Hainaut français. Je ne doute pas que cela sera fait.
M. le président. Êtes-vous rassuré, monsieur Bocquet ?
M. Alain Bocquet. Pas complètement.
Je le répète : ces deux territoires étant contigus, le Hainaut français va être confronté, dès lors que les fonds Convergence seront attribués au Hainaut belge, à une distorsion de concurrence, qui va s'ajouter aux difficultés que connaît déjà ce territoire du Hainaut français, en dépit des efforts réalisés, ce qui ne manque pas d'inquiéter la population et les élus.
La part française des fonds européens pour la programmation 2007-2013 a baissé de 17,35 %. Dans ce cadre, les fonds revenant au Nord-Pas-de-Calais régressent près du double - 30,63 %. Vous vous félicitez, madame la ministre, que la somme accordée à cette région soit la plus importante en volume. Il n'en reste pas moins qu'en pourcentage, il y a bel et bien diminution.
Les fonds versés au Hainaut belge ne reculent, quant à eux, que de 10,4 % au titre d'objectif 1 devenu Convergence. Sur la base des critères qui procurent donc au Hainaut belge 577 millions d'euros au titre des fonds Convergence, le Hainaut français, qui en est exclu, devrait percevoir 360 millions d'euros : il lui manque donc 50 % de son enveloppe.
Pour 2000-2006, le Valenciennois a utilisé, à lui seul, 115 millions d'euros au titre d'un rattrapage économique et social non achevé. Et l'on parle des 70 millions concédés à tout le Hainaut français - pour solde de tout compte ! - comme d'une " enveloppe exceptionnelle ", selon les termes mêmes employés par M. Villepin dans la lettre qu'il m'a adressée le 19 janvier 2006. Mais, dans une lettre du 13 décembre, M. le Premier ministre reconnaissait les " effets dommageables qu'aurait un écart de traitement entre le Hainaut français et le Hainaut belge ". Or, en dépit des efforts réalisés, nous y sommes. Et je crains le pire en matière de concurrence. Nous en percevons déjà les effets sur les appels d'offres.
C'est le Parlement européen qui, in fine, délibérera, et c'est à ce niveau que, par deux fois, une dérogation a été obtenue, grâce au dépôt d'amendements parlementaires. Si j'interviens aujourd'hui, c'est pour que nous ne nous arrêtions pas à ce qui est à ce jour décidé et que nous continuions, chacun selon notre rôle, à maintenir la pression.

Données clés

Auteur : M. Alain Bocquet

Type de question : Question orale

Rubrique : Aménagement du territoire

Ministère interrogé : affaires européennes

Ministère répondant : affaires européennes

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 4 avril 2006

partager