taxe d'enlèvement des ordures ménagères
Question de :
Mme Nadine Morano
Meurthe-et-Moselle (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Mme Nadine Morano attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le financement du service des déchets ménagers. Il existe trois modes de financement possibles : le budget général (pratiquement jamais retenu), la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et la redevance d'enlèvement des ordures ménagères. La taxe, fiscale et obligatoire, n'a pas de rapport direct avec le service rendu alors que la redevance est calculée en fonction du service rendu. Les redevables sont alors les usagers effectifs du service en proportion de l'importance du service qui leur est rendu. Ainsi, une personne seule pour peu qu'elle ait une grande maison parce qu'elle a eu une grande famille se trouve très fortement mise à contribution, dans le cas de la taxe, sans rapport avec le service dont elle a besoin. Ainsi, elle souhaite savoir si, dans un objectif de justice fiscale, la taxe pourrait ne plus être retenue comme un mode de financement du service des déchets ménagers.
Réponse en séance, et publiée le 26 février 2003
FINANCEMENT DU SERVICE D'ENLÈVEMENT
DES ORDURES MÉNAGÈRES
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadine Morano, pour exposer sa question n° 155 relative au financement du service d'enlèvement des ordures ménagères.
Mme Nadine Morano. Ma question, monsieur le ministre délégué au commerce extérieur, s'adresse à M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et concerne le financement du service d'enlèvement des déchets ménagers assis sur la base de la taxe foncière.
Comme vous le savez, il existe trois modes de financement possibles : le budget général, mais cette solution n'est pratiquement jamais retenue ; la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, calculée sur la base foncière du bâti, prévue à l'article 1520 du code général des impôts ; la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, prévue par l'article L. 2333-76 du code général des collectivités territoriales.
Alors que la redevance est calculée en fonction du service rendu et du nombre de personnes d'un immeuble - une famille de cinq personnes, qui produit plus de déchets qu'une personne seule, paie pour l'enlèvement de ces déchets, ce qui me paraît normal -, la taxe, elle, n'a pas de rapport direct avec le service rendu puisqu'elle est calculée sur la base foncière du bâti, ce qui fait qu'une habitation ayant une base foncière très élevées, occupée par une personne seule, acquitte une taxe qui n'a aucun rapport avec le service rendu.
Dans ma circonscription, dans le canton de Colombey-les-Belles plus précisément, l'EPCI pratique la taxe et, vous le savez, en milieu rural, une grosse maison n'a pas la même valeur qu'en ville.
C'est ainsi que certaines personnes seules se retrouvent très fortement mises à contribution, sans rapport avec le service dont elles bénéficient.
C'est le cas de Mme Colette Avignon qui demeure à Villey-le-Sec. Veuve, elle se retrouve seule dans la grande maison familiale. La facture s'élève pour elle, en 2002, à 239 euros, soit une hausse de 11,16 %, après une hausse, l'année précédente, de 11,09 %.
C'est le cas également de M. et Mme Fauconnier qui, à Favières, règlent 291 euros, pour 2002, auxquels il faut ajouter les habituels frais de la fiscalité locale.
C'est aussi le cas d'une autre personne seule qui, elle, s'acquitte de 415 euros.
Je pourrais multiplier les exemples.
Devant une telle injustice, une pétition que je tiens à votre disposition circule sur ce secteur, avec la signature de près de 300 familles, et même des familles nombreuses y sont associées.
Certes, des arguments sont régulièrement invoqués pour défendre le principe de la taxe. La notion de solidarité en est le principal. Il ne faut pas confondre, à mon sens, solidarité et justice fiscale. Il est normal, comme c'est le cas très généralement pour l'eau, que chacun contribue à ce service public en fonction de l'usage qu'il en a.
Ce n'est pas en dressant les familles nombreuses contre les personnes seules et bien souvent retraitées que l'on permettra une gestion cohérente et rigoureuse du traitement des ordures ménagères. Nous devons donner les moyens de protéger équitablement le patrimoine des générations futures.
Votre prédécesseur a souhaité qu'une réflexion soit menée avec le ministre de l'intérieur et le comité des finances locales sur la réforme du financement de ce service, mais cette pieuse intention est restée sans lendemain.
Ma question est simple et pragmatique, monsieur le ministre. Faut-il que ces personnes quittent leur maison à cause d'une taxe démesurée et injuste ? Par équité, je souhaiterais que la taxe ne soit plus retenue comme mode de financement du service des déchets ménagers. Je vous remercie de m'indiquer votre position ainsi que les mesures que vous comptez prendre pour répondre à des pétitions de plus en plus nombreuses.
Mme la présidente. Les assemblées changent, mais les questions restent les mêmes !
La parole est à M. le ministre délégué au commerce extérieur.
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Madame la députée, Francis Mer m'a demandé de répondre à votre question sur les difficultés rencontrées par les personnes ayant des dépenses d'enlèvement des ordures ménagères selon elles trop élevées.
Vous indiquez que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères qui constitue l'un des outils de financement actuellement à la disposition des collectivités locales présente des inconvénients d'assiette. Vous proposez que cette taxe ne soit plus retenue comme mode de financement, car elle vous paraît inéquitable dès lors qu'elle ne prend pas en compte le nombre de personnes vivant au foyer.
Comme vous le rappelez à juste titre, les collectivités locales disposent de trois possibilités pour financer les dépenses entraînées par l'élimination des déchets ménagers : le budget général, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ou la redevance.
Le recours au budget général, qui permet une répartition de la dépense entre tous les redevables de la collectivité, repose sur le principe de la solidarité. La taxe d'enlèvement des ordures ménagères est, quant à elle, établie d'après le revenu servant de base à la taxe foncière, ce qui permet de répartir cette dépense entre tous les habitants en fonction de la valeur locative de leur logement, mais génère de forts coûts pour des personnes seules habitant dans des grandes maisons. Enfin, l'institution de la redevance permet de demander aux seuls usagers une cotisation représentative de l'importance du service rendu, mais sa gestion est souvent source de difficultés pour les collectivités locales !
Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale sont très attachés à ces choix qui leur permettent de retenir le financement leur paraissant le mieux concilier leurs impératifs de gestion et les contraintes liées à leur situation particulière. A ce titre, une solution qui supprimerait toute possibilité de choix entre la taxe et la redevance a été écartée par les élus locaux qui participaient en 2001 au groupe de travail sur ces questions.
M. Yves Fromion. Tout à fait !
M. le ministre délégué au commerce extérieur. La prise en compte du nombre de personnes vivant au foyer pour le calcul de la taxe d'enlèvement des ordures me semble malheureusement présenter plus d'inconvénients que d'avantages. En effet, elle conduirait soit à majorer la base imposable en fonction du nombre de personnes à charge et/ou d'occupants du logement, c'est-à-dire que les familles nombreuses logeant dans de grandes maisons paieraient très cher, soit à créer un abattement en faveur des personnes seules, soit à mettre en place les deux dispositifs. Cette personnalisation, outre qu'elle complexifierait le dispositif, se traduirait inévitablement par un transfert de charges au détriment des familles ayant des enfants et pourrait donc être perçue comme n'allant pas dans le sens d'une politique familiale.
Cela étant, le Gouvernement est conscient des difficultés soulevées par le poids que représente désormais la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour les contribuables. Un rapport sur le financement des déchets ménagers a été remis par le précédent gouvernement au Parlement. Il constitue, avec les recommandations du Conseil national des déchets, une base de réflexion.
A cet égard, la prolongation de trois ans, adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2003, de la durée du régime transitoire pour permettre aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale de se mettre en conformité avec les dispositions de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, constitue un délai supplémentaire qui doit permettre de dégager en cette matière des solutions qui iront dans le sens d'une plus grande simplicité des dispositifs applicables et d'une répartition plus équitable de la charge fiscale entre les contribuables locaux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadine Morano.
Mme Nadine Morano. Je ne suis pas tout à fait d'accord, monsieur le ministre. Sur huit cantons dans ma circonscription, un seul canton a institué la taxe, les autres ont tous opté pour la redevance. J'ai moi-même trois enfants. Je trouve normal de payer pour les déchets produits par une famille de cinq, comme l'ensemble des concitoyens de mon secteur. D'ailleurs des familles nombreuses ont signé des pétitions en ce sens.
A partir du moment où on prend en considération la solidarité, je ne vois pas pourquoi des personnes seules devraient envisager de vendre leur maison parce qu'elles ne peuvent payer des factures qui s'élèvent à plus de 4 000 francs.
Il s'agit, comme vous l'avez souligné, madame la présidente, d'un problème récurrent sur lequel nous n'avançons pas. Il faudra que les parlementaires jouent leur rôle et prennent l'initiative de revoir la législation en la matière.
Mme la présidente. Voilà un appel au travail des parlementaires. Je vous invite dans la ville dont je suis l'élue, monsieur le ministre, vous pourrez juger de la complexité de ce dossier. (Sourires.)
Auteur : Mme Nadine Morano
Type de question : Question orale
Rubrique : Impôts locaux
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : budget
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 24 février 2003