Question orale n° 1554 :
étudiants

12e Législature

Question de : M. Patrick Delnatte
Nord (9e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Patrick Delnatte attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le projet de Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche scientifique et des relations extérieures de la Communauté française de Belgique, de restreindre les conditions d'accès des étudiants étrangers aux établissements d'enseignement supérieur belges. Cette décision se fonde sur le constat d'un nombre sans cesse croissant d'étudiants français qui, chaque année, entament un cursus dans l'enseignement supérieur belge. En Communauté française de Belgique, le principe du libre accès à l'enseignement supérieur rend cet enseignement ouvert sans aucune restriction, à quelques exceptions près, tant pour les étudiants de la Communauté française que pour les autres étudiants de l'Union Européenne. Dans certains cursus, la proportion d'étudiants français atteint ainsi plus de 70 %. Il est donc projeté de limiter à 30 % le pourcentage des étudiants non-résidents qui s'inscrivent pour la première fois dans le premier cycle de certaines études organisées en Communauté française. Une telle décision suscite cependant de vives craintes dans la mesure où elle pourrait avoir pour effet une remise en cause brutale des projets d'études de nombreux étudiants français, dont la plupart sont originaires de la région Nord - Pas-de-Calais. On peut de même s'interroger sur sa compatibilité avec le principe de mobilité des étudiants au sein de l'Union européenne. Il lui demande donc de lui indiquer sa position et ses intentions sur ce sujet.

Réponse en séance, et publiée le 5 avril 2006

ACCES DES ETUDIANTS FRANÇAIS AUX ETABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR BELGES

M. le président. La parole est à M. Patrick Delnatte, pour exposer sa question, n° 1554, relative à l'accès des étudiants français aux établissements d'enseignement supérieur belges.
M. Patrick Delnatte. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, il y a quelques mois, la ministre de l'enseignement supérieur de la communauté française de Belgique, Mme Simonet, a présenté un projet visant à limiter à 30 % le nombre d'étudiants étrangers non résidents dans certaines filières de l'enseignement supérieur.
Ce projet, applicable dès la rentrée prochaine, introduirait ainsi un critère de résidence de trois ans minimum pour les étudiants étrangers qui souhaitent suivre des études médicales ou paramédicales.
Dans les faits, ces " étudiants étrangers " sont avant tout des Français, et le plus souvent des Nordistes, qui sont nombreux à suivre des études en Belgique pour un coût souvent moindre et, reconnaissons-le, pour la possibilité qui leur est offerte de contourner les obstacles liés à des mesures de contingentement ou aux concours d'entrée imposés en France pour certains enseignements.
La décision de Mme Simonet se fonde donc sur ce constat d'un nombre sans cesse croissant d'étudiants français qui, chaque année, entament un cursus en Belgique. Dans certaines filières comme la kinésithérapie ou les vétérinaires, la proportion d'étudiants français atteint en effet plus de 70 %.
Parmi les principales raisons invoquées, le gouvernement de la communauté française de Belgique évoque le coût supporté par le contribuable belge pour la formation d'étudiants français, ou encore les places que ces derniers prendraient aux Belges.
Cette analyse et le projet qui en découle sont cependant vivement contestés non seulement par les étudiants français concernés, mais également par les acteurs de l'enseignement supérieur et universitaire belge et, au-delà, du monde économique et politique. Plusieurs manifestations ont d'ailleurs eu lieu outre-Quiévrain contre cette mesure que beaucoup jugent inopportune et disproportionnée.
Pour ma part, je partage largement ces inquiétudes à l'égard d'un projet qui, s'il devait s'appliquer, aboutirait non pas à réguler les flux, comme le souhaite Mme Simonet, mais à interdire de facto à nos compatriotes, y compris ceux qui sont originaires des localités frontalières, de poursuivre leurs études en Belgique.
Tout d'abord, cette décision, qui semble avoir été prise en l'absence de toute concertation avec la France et avec l'Union Européenne, contrevient manifestement aux exigences du droit européen en matière de libre circulation des étudiants et de libre établissement.
Ensuite, nombreux sont ceux qui en contestent l'efficacité. Ce qui peut être vrai pour les vétérinaires ne l'est pas forcément pour la plupart des autres filières où aucun problème d'inscription ne se pose aux Belges.
Enfin, et j'insiste sur ce point, ce projet méconnaît les réalités socioculturelles et économiques des régions frontalières.
Depuis quelques mois maintenant, je participe aux travaux d'un groupe parlementaire franco-belge qui se réunit régulièrement pour donner corps à la coopération transfrontalière entre nos deux pays. Ce groupe a vocation à trouver des solutions pratiques à des problèmes bien spécifiques à une région frontalière comme la nôtre. L'enseignement est l'une des questions importantes qui y sont abordées. Dans ce contexte, cette mesure est perçue comme un coup porté à cette volonté de coopération.
Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quelle est votre position sur ce dossier ? Pouvez-vous également nous donner des informations sur les contacts établis entre nos deux pays et sur l'état d'avancement des négociations qui apparaissent indispensables sur ce sujet ?
M. le président. La question concerne d'ailleurs également des étudiants originaires de Picardie.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Votre remarque est juste, monsieur le président, mais les étudiants picards sont aussi très heureux de pouvoir suivre leur enseignement à l'université de Picardie qui s'étend dans d'autres départements que celui de la Somme et offre de nombreuses formations.
L'afflux d'un nombre important d'étudiants français dans les universités de la communauté francophone de Belgique, en particulier au sein de filières qui, en France, sont soumises à concours, est un phénomène ancien qui remonte à près d'une vingtaine d'années. Mme Marie-Dominique Simonet, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche scientifique et des relations extérieures de la communauté française de Belgique, est venue à Paris rencontrer François Goulard à ce sujet le 29 septembre dernier.
Je comprends le souci des autorités belges, qui financent certaines formations dont bénéficient une très grande majorité de non-Belges. Cette situation rend plus difficile l'organisation du renouvellement de certaines professions en Belgique.
C'est aussi un sujet de préoccupation pour la France car les flux d'étudiants qui posent problème concernent d'abord des filières qui, en France, font l'objet de numerus clausus.
C'est également un vrai sujet européen. Il se rencontre en effet sur d'autres frontières, par exemple entre l'Autriche et l'Allemagne, mais aussi, dans une moindre mesure, entre l'Espagne et le Portugal ou entre le Danemark et la Suède. De plus, les solutions à ce dossier doivent être conformes au droit communautaire de libre circulation, comme la Cour de justice des Communautés européennes l'a rappelé le 7 juillet dernier.
C'est pourquoi nous travaillons en bilatéral avec les autorités de la Communauté française de Belgique : un groupe de travail réunissant du côté français tous les ministères concernés est opérationnel depuis octobre dernier. Je regrette néanmoins que le projet de décret que vous évoquez, qui vise à combiner un critère de résidence principale minimum de trois ans en Belgique avec un contingentement des effectifs d'étrangers fixé à 30 %, n'ait pas pu faire l'objet d'échanges au sein de ce groupe bilatéral.
Un travail s'effectue aussi au niveau européen avec la Commission européenne. La mobilité des étudiants européens ne doit pas être découragée, bien au contraire. Elle constitue en effet une grande richesse, tout particulièrement dans les régions transfrontalières comme la vôtre.
Je suis convaincu que des solutions équilibrées pourront être trouvées dans le respect du droit communautaire et dans l'intérêt des étudiants européens et des autorités de leur pays respectif. En tout cas, je souhaite que le travail commun entre mon ministère et celui de Mme Simonet se poursuive dans cet objectif.
M. le président. Êtes-vous satisfait par cette réponse, monsieur Delnatte ?
M. Patrick Delnatte. Oui, je vous remercie, monsieur le ministre.
Je constate que, sur ce sujet, des contacts ont été établis à différents niveaux entre la France et la Belgique, ce qui représente, à mon sens, l'amorce d'un travail approfondi. Il est important d'apporter des réponses dans des délais suffisamment rapides. On constate en effet une grande inquiétude chez les familles qui avaient prévu d'orienter leurs enfants dans ces filières de formation en Belgique.
Les solutions doivent être apportées dans un climat d'amitié entre la France et la Belgique. C'est dans ce sens qu'il faut travailler car, en tant que président du groupe d'amitié entre ces deux pays à l'Assemblée nationale, je trouverais bien désagréable qu'un tel sujet crée des tensions entre eux. Je pense que tous les éléments permettant de trouver une solution sont réunis et, si nous pouvons vous aider à ce sujet, nous sommes à votre disposition.
M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Merci, monsieur le député.

Données clés

Auteur : M. Patrick Delnatte

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement supérieur

Ministère interrogé : éducation nationale

Ministère répondant : éducation nationale

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 avril 2006

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