Question orale n° 1592 :
établissements sous contrat

12e Législature

Question de : M. Jean Glavany
Hautes-Pyrénées (3e circonscription) - Socialiste

M. Jean Glavany s'inquiète des conséquences de l'article 39 de la loi du 13 août 2004 relatif au financement des écoles privées sous contrat d'association et, plus encore, de la circulaire ministérielle du 2 décembre 2005 relative à l'application dudit article législatif. Cette circulaire, en effet, a profité, d'une manière peu loyale, de cette occasion pour élaborer une nouvelle liste des dépenses à prendre en compte et, notamment, des dépenses obligatoires, ce qu'une simple circulaire n'a pas pouvoir de faire. Devant la multiplication des recours devant le Conseil d'État sur une circulaire qui perturbe les équilibres entre l'enseignement public et l'enseigne privé et, de fait, remet en cause le principe de laïcité, il demande à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche quelle méthode il entend adopter pour remédier à ce grave problème.

Réponse en séance, et publiée le 10 mai 2006

PORTEE DE LA CIRCULAIRE DU 2 DÉCEMBRE 2005 RELATIVE AU FINANCEMENT DES ECOLES PRIVEES SOUS CONTRAT

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Glavany, pour exposer sa question, n° 1592, relative à la portée de la circulaire du 2 décembre 2005 relative au financement des écoles privées sous contrat.
M. Jean Glavany. Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, je m'inquiète une nouvelle fois devant vous des conséquences de l'article 89 de la loi du 13 août 2004, relatif au financement des écoles privées sous contrat d'association, et plus encore de votre circulaire du 2 décembre 2005 visant à en préciser l'application. Celle-ci élabore en effet une nouvelle liste des dépenses - notamment obligatoires - à prendre en compte. C'est déloyal vis-à-vis du législateur, qui n'avait pas envisagé cette interprétation de l'article 89, mais aussi de l'Association des maires de France, avec laquelle vous aviez entamé une discussion. Les négociations ont d'ailleurs curieusement avorté depuis, ce qui ne témoigne pas du sens de la concertation dont vous vous enorgueillissez systématiquement.
L'AMF a fermement rappelé au Gouvernement qu'il n'avait pas le moyen de créer ou d'étendre les charges obligatoires des communes par une simple circulaire. Votre liste n'a donc qu'une simple valeur indicative et ne saurait contraindre les communes à modifier les modalités financières des contrats.
En outre, la liste annexée comporte des dépenses que la loi interdit d'inclure dans le forfait obligatoire. Je pense à la prise en compte de la rémunération des agents des services des écoles maternelles, alors que seules les écoles primaires sont concernées.
À la suite de cette circulaire, un peu partout en France, les établissements privés " présentent la facture " aux mairies. L'affaire n'est pas mince puisqu'on arrive à une estimation globale de 300 millions d'euros, chiffre pharamineux qui provoque un grand trouble dans de nombreuses communes de France. Devant la multiplication des recours déposés devant le Conseil d'État contre un acte qui perturbe les équilibres entre enseignements public et privé et menace, qu'on le veuille ou non, le principe de laïcité, qu'entendez-vous faire pour rassurer les communes ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je suis très étonné que vous me posiez cette question, monsieur le député, dans la mesure où un amendement de votre camarade Michel Charasse se trouve à l'origine de tout ceci. Elle va cependant me permettre de clarifier un débat un peu complexe, et qui suscite encore, je l'admets aisément, de nombreuses interrogations chez l'ensemble des élus locaux. Les lois du 13 août 2004 et du 23 avril 2005 se sont effectivement, l'une et l'autre, prononcées sur le financement des écoles privées. Ces deux textes ont cherché, en tenant compte des réalités de terrain, à mieux appliquer la loi Debré, qui prévoit la parité - j'insiste sur le mot - du financement entre les écoles publiques et les écoles privées. Avant même l'adoption de l'amendement déposé au Sénat par votre collègue Michel Charasse, le principe de la contribution des communes pour les élèves scolarisés à l'extérieur de leur commune de résidence s'appliquait aux écoles privées comme aux écoles publiques.
Toutefois, ce principe n'était assorti d'aucun dispositif permettant de résoudre les conflits éventuels surgissant entre les communes. Désormais, à la suite de cette initiative socialiste, en l'absence d'accord entre les communes, le préfet pourra, sur le fondement de l'article 89, intervenir ainsi qu'il le fait pour l'enseignement public afin de fixer la répartition des contributions entre les deux communes.
Cet article ne modifie donc pas le périmètre de la compétence des communes pour la prise en charge des dépenses de fonctionnement des classes sous contrat, mais est destiné à mettre en place un règlement des conflits entre communes.
Aussi la circulaire interministérielle du 2 décembre 2005 s'adresse-t-elle d'abord aux préfets pour régler, le cas échéant, les différends entre collectivités locales. L'annexe à cette circulaire fixe notamment, parmi les dépenses que la commune consacre à ses écoles publiques, celles qui doivent être prises en compte, conformément au principe de parité, pour le calcul de la contribution communale aux établissements d'enseignement privés. J'ajoute que cette circulaire se substitue à une circulaire du 13 mars 1985 qui avait le même objet. Elle tient compte des deux décisions rendues le 25 octobre 1991 par le Conseil d'État, qui a admis la légalité de cette dernière.
Je suis heureux de vous informer - et je l'ai également rappelé à l'AMF - que la liste annexée à la circulaire du 2 décembre 2005 ne crée aucune obligation nouvelle à la charge des communes. Comme la circulaire du 13 mars 1985 qu'elle actualise, elle est simplement illustrative et ne fait que reprendre des dépenses pour lesquelles le juge administratif a déjà estimé qu'il y avait lieu de les prendre en compte dans le cadre de la parité des financements entre l'enseignement public et l'enseignement privé sous contrat. Le Conseil d'État ayant été saisi d'un recours contre la liste annexée, le Gouvernement s'en remettra naturellement à l'appréciation de la Haute assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Glavany.
M. Jean Glavany. Monsieur le ministre, je souhaite vous reprendre sur deux points. Premièrement, vous précisez que " la loi ne crée aucune obligation nouvelle ". J'en prends acte, mais la liste annexée, elle, prévoit des éléments nouveaux. Là où je vous rejoins, c'est qu'une circulaire n'a pas une valeur juridique suffisante pour soumettre les communes à des obligations nouvelles. Elle est donc seulement indicative. Vous dites d'ailleurs que l'on peut la mettre à la poubelle.
M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je n'ai jamais dit cela !
M. Jean Glavany. Tout cela me rappelle le fâcheux précédent d'une loi considérée par le Président de la République, il y a quelques semaines, comme ne devant pas être appliquée : vous édictez une liste de dépenses, puis vous dites aux communes qu'il ne faut pas en tenir compte. J'aimerais cependant que vous le disiez de façon officielle. Cela aurait le mérite d'être clair et d'apaiser les craintes.
Deuxièmement, je m'attendais à la mise en cause politicienne de notre collègue sénateur Michel Charasse, mais je rappelle qu'il a précisé sa volonté initiale lors de l'examen de la loi sur les territoires ruraux : il a ainsi suggéré de préciser que l'article 89 n'était applicable qu'aux communes de résidence n'ayant pas, ou plus, d'école publique, car ce sont les principales responsables des détournements abusifs d'élèves vers le privé. Or vous n'avez pas accepté sa proposition.
L'AMF a donc demandé que le texte d'application - à l'origine, ce devait être un décret, mais on comprend trop bien pourquoi il a finalement pris la forme d'une circulaire - préserve l'enseignement public, et notamment les effectifs des écoles rurales, qui sont menacés. Le dispositif proposé prévoyait d'informer le maire de toute demande d'inscription d'élève de sa commune dans un établissement, public ou privé, d'une commune voisine, afin qu'il puisse, dans tous les cas, émettre un avis sur la demande d'inscription. Si la capacité scolaire de sa commune est suffisante, le maire pourrait alors émettre un avis défavorable à l'inscription de l'élève dans un établissement privé situé dans une autre commune, comme c'est aujourd'hui le cas pour les établissements publics.
Donc, il n'était pas question d'interdire aux parents d'inscrire leur enfant dans une école d'une autre commune de leur choix, mais de dispenser la commune où de leur résidence réside de tout paiement des frais de scolarité dans le public comme dans le privé, quand le maire a émis un avis défavorable. Vous refusez de donner cette précision que tout le monde attend depuis maintenant plusieurs mois, même si vous venez d'apporter une petite lueur, en indiquant que votre circulaire n'est pas applicable, ce qui, me semble-t-il, peut paraître assez curieux dans un État de droit !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ne jouez pas sur les mots, monsieur Glavany ! Vous m'attribuez des propos que je n'ai pas tenus ! Donc, il faut rester loyal, surtout dans un tel débat. Je n'ai jamais parlé de " poubelle ".
M. Jean Glavany. Le mot est de moi !
M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Absolument ! Alors ne dites pas que j'en ai parlé !
J'ai clairement précisé que ce texte avait une valeur illustrative, ce qui explique que j'aie préféré la circulaire au décret.
Enfin, si M. Charasse avait des intentions restrictives, il devait rédiger son amendement en conséquence. Faire des déclarations après s'être aperçu que la portée de son amendement dépassait ses intentions d'origine me semble quelque peu facile.
Donc, cette circulaire, je vous le répète, n'a qu'une valeur illustrative et ne fait que reprendre des dépenses pour lesquelles le juge administratif a déjà estimé qu'il y avait lieu de les prendre en compte dans le cadre de la parité des financements.

Données clés

Auteur : M. Jean Glavany

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement privé

Ministère interrogé : éducation nationale

Ministère répondant : éducation nationale

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 mai 2006

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